TRACT.SN- Depuis plus de trois décennies, des réfugiés mauritaniens ont reconstruit leur vie au Sénégal après avoir fui suite à des violences intercommunautaires de 1989. Aujourd’hui, grâce au processus de naturalisation, ils se projettent dans un avenir meilleur, marqué par l’intégration et la reconnaissance de leurs droits.
« Je n’arrive toujours pas à exprimer ma joie après avoir été naturalisé Sénégalais, je me sens comme quelqu’un à qui on a octroyé le paradis, » confie Mamadou Hamady Diop, ancien réfugié mauritanien, avec un sourire ému. Assis dans la cour de sa maison à Garly, dans la région de Matam, il contemple fièrement son décret de naturalisation, remis par la ministre sénégalaise des Affaires étrangères en juillet 2023. Comme lui, des milliers de Mauritaniens forcés de quitter leur pays en 1989, retrouvent enfin espoir après des décennies passées loin de leur patrie.
Cette histoire d’exil commence par des violences intercommunautaires déclenchées en avril 1989. Ces tensions entraînent l’expulsion de plus de 120 000 Mauritaniens issus des communautés peulh, wolof et soninké, forcés de fuir vers le Sénégal et le Mali. À cette époque, la situation était désespérée pour ces réfugiés, qui ont perdu non seulement leurs maisons, mais aussi leurs terres, leurs commerces, leurs moyens de subsistance et leurs documents d’identité.
Woudourou, un village situé le long du fleuve Sénégal, Bolo Tall se remémore les épreuves vécues. « On a laissé derrière nous notre maison et notre commerce. On est venu les mains vides et les pieds nus, » raconte-t-elle, les larmes aux yeux. Cependant, Bolo se souvient également de la chaleur de l’accueil qu’elle et sa famille ont reçues : « Le gouvernement sénégalais nous a beaucoup assisté et les gens de Woudourou nous ont accueillis à bras ouverts. Le HCR a attribué à chaque famille de réfugiés un abri. » Cette solidarité a été essentielle pour les Mauritaniens, leur permettant de se rétablir progressivement, même dans l’adversité.
Depuis lors, environ 60 000 réfugiés mauritaniens ont été accueillis au Sénégal sur la base d’une reconnaissance collective, ce qui leur a permis de commencer à reconstruire leurs vies dans un nouveau pays, malgré l’incertitude de leur statut. Aujourd’hui, près de 10 000 réfugiés mauritaniens vivent encore au Sénégal.
L’intégration des Mauritaniens au Sénégal s’est faite presque naturellement grâce à des racines culturelles communes. Les liens d’alliance qui existent depuis longtemps entre les populations des deux côtés du fleuve Sénégal ont facilité leur adaptation. Pourtant, il était évident qu’une aide supplémentaire était nécessaire pour améliorer leurs conditions de vie. Entre 2010 et 2019, plusieurs projets ont été initiés dans les domaines de l’agriculture, de l’élevage, de la pêche, de l’artisanat, et des activités socioculturelles, bénéficiant à plus de de 15000 réfugiés mauritaniens et populations hôtes dont 3 000 dans la région de Matam. Ces initiatives ont permis aux réfugiés de retrouver une certaine autonomie économique et d’interagir avec leurs voisins sénégalais dans un esprit de coopération.
La question de la naturalisation est devenue cruciale pour ces réfugiés, qui aspiraient à une reconnaissance officielle de leur statut et à des solutions durables. « Nous ne pouvions pas rester éternellement étrangers. Nous avons décidé d’entamer les procédures pour la naturalisation, » explique Bolo Tall. Ce processus n’a pas été imposé, mais a plutôt été un choix volontaire de la part des réfugiés, désireux d’obtenir des documents qui attestent de leur identité sénégalaise. « Le fait d’avoir la nationalité sénégalaise nous donne accès à beaucoup de services, comme l’éducation pour nos enfants. Je rends grâce à Dieu pour cette considération de la part du gouvernement, » ajoute-t-elle avec émotion. La naturalisation représente ainsi non seulement une reconnaissance de leur existence, mais aussi une opportunité d’accéder à des services essentiels, ce qui renforce leur sentiment d’appartenance à la communauté.
Au fil des années, le HCR a joué un rôle clé en soutenant les Mauritaniens dans leur quête de stabilité. Grâce à des efforts conjoints avec le gouvernement sénégalais, les Mauritaniens naturalisés peuvent désormais accéder à des droits qu’ils n’auraient jamais pu envisager auparavant. Entre 2007 et 2012, plus de 25 000 réfugiés ont choisi le rapatriement volontaire, tandis que depuis 2019, 9 000 autres ont opté pour la naturalisation. Cette dernière offre des perspectives d’intégration sur le marché du travail et la possibilité de participer activement à la vie politique et sociale du pays, contribuant ainsi à l’enrichissement de la société sénégalaise dans son ensemble. A ce jour, 379 personnes ont été naturalisées.
« Le HCR salue l’action du gouvernement du Sénégal pour son engagement continu envers les réfugiés mauritaniens, car la naturalisation représente une étape cruciale vers des solutions durables pour ceux qui attendent encore leurs documents, » déclare Ali Mahamat, Représentant du Bureau multi-pays du HCR au Sénégal.
En offrant la naturalisation, cette mesure culminante de l’intégration totale permet de prévenir le risque d’apatridie encouru par cette population tout en leur donnant accès à une nationalité et aux droits qui y sont attachés. Pour les réfugiés mauritaniens, la naturalisation est un pas de géant vers un avenir où ils peuvent enfin rêver, espérer et vivre pleinement en tant que citoyens, contribuant ainsi à la société sénégalaise tout en préservant leur héritage culturel.