Commençons d’abord par faire un peu de l’histoire car n’appartenant pas exclusivement aux historiens. Celle-ci défie l’espace, le temps et transcende ainsi les individus, même ceux-là qui ont été les vrais acteurs ou de simples témoins. Et par devoir de mémoire, par besoin de l’actualité et nécessité du contexte, rappelons-nous ces évènements :
Un soir d’un Mercredi 30 Décembre 2009, des jeunes chrétiens ont affronté à coup de pierre, devant la cathédrale de Dakar, la police anti-émeute. L’origine de ces échauffourées émanait des propos jugés « blessants » du président de la république d’alors, Monsieur Abdoulaye WADE, qui avait comparé le monument de la renaissance africaine avec des représentations religieuses présentes dans les églises. S’agit-il de l’ignorance ? N’est-elle pas simplement de la provocation ? Suite à ce malheureux incident, son Eminence le Cardinal Théodore Adrien Sarr avait laissé entendre ces propos : « Meurtris et humiliés, nous l’avons été par l’amalgame que le chef de l’Etat a établi entre le monument de la renaissance africaine et les représentations qui se trouvent dans nos églises. Il est scandaleux voire inadmissible que la divinité de Jésus Christ, cœur de notre foi, soit mise en cause et bafouée par la plus haute autorité de l’Etat».
Manifestant son soutien à la confession chrétienne devant cette terrible épreuve, Serigne Mansour SY Djamil, musulman et Khalif Général de son père, avait condamné dans une déclaration faite depuis Stuttgart (Allemagne) où il célébrait un Gamou ce tragique incident en ces terme : « les sénégalais sont en droit de se demander si aujourd’hui, les confréries du Sénégal ne sont pas menacées de disqualification au vu de la manière torve et hideuse dont elles sont instrumentalisées par le régime libéral : toutes les confréries seront, à ce jeu, désacralisées et décrédibilisées ». Ni ce dernier encore moins une autre personne ne pouvait imaginer que 3 ans après, un autre événement de la responsabilité de la même personne serait inscrit dans nos mémoires. Vendredi 17 Février 2012, des policiers qui étaient à la poursuite de manifestants contre la candidature de Me Wade avaient balancé des grenades lacrymogènes dans la Zawiya de El Hadji Malick SY sis à Dakar Plateau (lieu de culte chez les confréries Tidianes). L’acte ignoble avait suscité l’ire des Talibés et avait occasionné de violents affrontements entre ces derniers et les forces de l’ordre. Une erreur est pardonnable une fois !
A la lumière de ces évènements et des réactions des leaders religieux, la première qui s’inscrivait dans une posture d’offuscation contre des exactions attentatoires à la foi et morale chrétiennes et la seconde qui se voulait une mise en garde contre une campagne de discrédit des chefs religieux et des familles religieuses de l’initiative de l’Etat, il est regrettable de constater presque une décennie après, cette attitude invariable de la République à poursuivre cette campagne de dénigrement et de discrédit des confessions et des personnalités religieuses qui les incarnent. Cette entreprise républicaine qui tente tristement et sans relâche à entacher la réputation des leaders religieux prend une propension si importante aujourd’hui qu’elle attire notre curiosité et suscite notre réflexion.
Dans les rencontres politiques les plus officielles et les évènements religieux les plus solennels, l’on est amené à se rendre compte de cette pression voire oppression étatique sur les leaders religieux. Le fait n’est pas fortuit si on sait la légitimité politique dont certains bénéficient combinées à leurs potentialités et compétences d’hommes d’Etat. Entre autres figures religieuses et politiques nous pouvons citer Feu Serigne Cheikh Ahmed Tidiane SY (Parti pour la Solidarité Sénégalaise), Serigne Modou Kara MBACKE (Parti de la Vérité pour le Développement), Ahmed Khalifa NIAS (Front des Alliances Patriotiques), Serigne Moustapha SY (Parti de l’Unité et du Rassemblement), Serigne Mansour SY Djamil (Bes Du Nakk), Serigne Kkhadim THIOUNE (Mouvement Patriotique du Sénégal), la liste n’est pas exhaustive, ils ont tous eu, ont ou auront dans un moment ou dans un autre des ambitions pour être portés à la tête de la Magistrature Suprême.
Ce faisant, derrière cette volonté manifeste de ternir se cache une peur inavouable de compétir. Le choix est quasi inexistant, la seule offre qui s’y prête aujourd’hui est l’acceptation de la rivalité, de la compétitivité car une catégorie autre et nouvelle de « Commanders in Chief» se fait exiger de plus en plus. Face à la cupidité indescriptible des hommes politiques à accéder au pouvoir, à leur obstination irréfléchie à le conserver à tout prix, à leurs innombrables échecs dans l’élaboration et la mise en exécution d’un vrai projet de société, à leurs infinis scandales liés à la finance et aux mœurs dont sont associés la majeur partie d’entre eux et devant l’insatiable appétence du peuple à vivre leurs vraies aspirations et ruptures, il est clair que la confrontation aura lieu dans le seul et unique but de précipiter le pays dans la voie des transformations sociales, du progrès économique, politique et culturel, de l’innovation technique, de l’enracinement profond des valeurs et de l’ouverture aux réalités extérieures.
Et pour comprendre la légitimité de notre clameur nous voulons rappeler les questions insistantes de Serigne Masnour SY Djamil qui doivent inciter à la réflexion sérieuse et sans complexe pour une réponse adéquate et sans parti pris: « quelle relation la foi religieuse, dans sa dynamique essentielle, doit-elle entretenir avec la gestion et l’organisation de la société sénégalaise? Les religions ont-elles une mission d’orientation globale des hommes et des femmes comme citoyens libres et socialement organisés? Les religieux ont-ils un rôle spécifique à jouer dans la construction du Sénégal ou doivent-ils se limiter aux cultes? Vu la prégnance du fait religieux dans la société, quelle conscience politique attend-on du marabout ou du prêtre pour sortir le Sénégal de sa crise actuelle? »
A la lumière de ces questionnements et depuis 1960 à nos jours, il est clair que le moment est venu pour le Sénégal de muer sa révolution. L’engagement pour cette révolution des mentalités doit concerner tous les citoyens conscients afin de reconnaitre, d’accepter et d’investir toute notre confiance en ces hommes techniquement compétents, professionnellement expérimentés et éthiquement formés. La compétence, l’intégrité, la transparence et l’éthique sont le souffle nouveau dont disposent bon nombre.
Il ne faut pas développer en nous une peur injustifiée de l’inconnu. Les exemples sont persistants et les preuves têtues : un self-made man en Gambie, un ancien footballeur au Libéria, un ancien syndicaliste en Afrique du Sud et un très jeune inspecteur des finances en France. Et pourquoi pas un leader religieux au Sénégal ?