Moment de vérité pour la nation arc-en-ciel. À quelques mois de la prochaine élection générale, le président sud-africain s’attaque au dossier épineux des terres agricoles. La question jusque-là posée était de savoir comment allaient être opérées les expropriations.
Ramaphosa cède aux ultras de la question des terres
Après avoir soufflé le chaud et le froid, Cyril Ramaphosa a annoncé que, finalement, son parti allait chercher à modifier la Constitution pour accélérer l’expropriation sans compensation des terres arables ainsi que leur redistribution en faveur de la majorité noire et pauvre du pays. « L’ANC (Congrès national africain, au pouvoir), a-t-il annoncé cité par l’AFP, dans une allocution télévisée ce mardi soir, va finaliser, via le processus parlementaire, une proposition d’amendement à la Constitution qui décrit de façon plus claire les conditions dans lesquelles l’expropriation des terres sans dédommagement peut être effectuée. » Et d’ajouter à la fin « que ce changement pourrait débloquer la croissance économique ».
Comment ce dossier a-t-il évolué ?
Il faut savoir qu’aujourd’hui, une grande partie des terres les plus productives d’Afrique du Sud appartient toujours aux fermiers blancs. Ceux-ci contrôlent 73 % des terres arables bien que l’apartheid soit révolu depuis 24 ans. Leurs terres qui pourraient donc être saisies de force et transférées à la population noire. C’est une question d’autant plus cruciale que le débat qu’elle génère est celui qui divise le plus la société sud-africaine.
On est donc à un tournant majeur de la vie politique, économique et sociale de l’Afrique du Sud qui doit régler là une question qui prend racine dans l’histoire du pays marquée par beaucoup d’injustice, de violence et de forte opposition raciale. Jusqu’à présent, le gouvernement sud-africain avait poursuivi une politique de consentement entre l’acheteur et le vendeur pour permettre le transfert des terres jusqu’à ce qu’en février, les législateurs aient voté en faveur de la création d’une commission chargée de réécrire la Constitution et permettre ainsi le transfert forcé de terres sans compensation. De quoi rappeler à certains critiques le cas des réformes catastrophiques opérées au Zimbabwe, lesquelles ont contribué à faire du pays de l’ex-président Robert Mugabe un espace de crise politique, économique et sociale. Nul n’ignore que les élections générales sont pour avril 2019. Il n’y a aucun doute que Ramaphosa veut se faire élire afin de continuer le mandat qu’il a pris des mains de Jacob Zuma. De fait, la nature électoraliste d’une telle mesure est pointée du doigt par certains observateurs qui se demandent si, au regard de la dimension fortement symbolique de la question, un peu plus de mesure, de patience et de méthode ne seraient pas les bienvenus.
Un dossier stratégique pour Ramaphosa
Cela dit, pour le président Ramaphosa, « l’intention de cet amendement est de promouvoir la réparation, de faire progresser le développement économique et d’accroître la production agricole et la sécurité alimentaire ». « Il est devenu évident que notre peuple veut que la Constitution soit plus explicite à propos de l’expropriation des terres sans dédommagement », a-t-il déclaré cité par l’AFP.
Alors que l’ANC ne dispose pas à lui seul de la majorité parlementaire des deux tiers nécessaire pour amender la Constitution, il apparaît clair qu’une alliance est certainement en vue avec l’EFF, parti de la gauche radicale dit des Combattants pour la liberté économique de Julius Malema. Pas de doute, les grandes manœuvres pour la présidentielle d’avril 2019 ont commencé.