Le prix Nobel de la paix 2018 a été décerné, ce vendredi 5 octobre, à deux lauréats : le gynécologue congolais Denis Mukwege et l’activiste yézidie Nadia Mourad. Ils sont récompensés pour leur combat contre les viols de guerre. Tous deux ont dédié leur prix aux centaines de milliers de femmes victimes de violences sexuelles dans les conflits. Kinshasa salue cette distinction.
Le Dr Denis Mukwege a appris vendredi 5 octobre qu’il était co-lauréat du prix Nobel de la paix 2018 dans la salle d’opération de sa clinique de Panzi où la nouvelle a été accueillie avec grande fierté comme dans le reste de la République démocratique du Congo. L’annonce du comité Nobel a été accueillie par des youyous à l’hôpital de Panzi.
Le nouveau prix Nobel de la paix s’est exprimé devant des milliers de survivantes des viols et violences sexuelles au Sud-Kivu. Habillé en blouse blanche avec un grand sourire aux lèvres et visiblement satisfait, il était accompagné de sa femme. Et au lieu de se mettre à la tribune réservée pour cette occasion, le docteur Denis Mukwege s’est placé au milieu de ces survivantes pour s’exprimer. Et quand il a ouvert sa bouche, sa première phrase c’était tout simplement : « J’ai la joie, car le monde reconnaît les combats que nous menons depuis tout ce temps en faveur des femmes victimes, actuellement survivantes de viols et violences sexuelles en République démocratique du Congo ».
Il a aussi ajouté : « Comme notre combat est reconnu, nous demandons maintenant une réparation ». Car selon lui, il ne suffit pas seulement de reconnaître son combat, mais aussi il faut une réparation en faveur de ces victimes de viols et violence sexuelles en République démocratique du Congo, particulièrement dans l’est du pays.
Kinshasa « félicite » le Dr Mukwege
Par la voix de son porte-parole Lambert Mende, le gouvernement congolais a également félicité le Dr. Mugwege, malgré ses prises de position radicales contre le président Joseph Kabila.
En 2016 en effet, face à l’absence d’élections comme prévu par la Constitution, il avait appelé à une transition sans le président Joseph Kabila. Plus récemment, en juillet dernier, Denis Mukwege avait émis des doutes sur la fiabilité des élections qui doivent se tenir le 23 décembre prochain. Mais lui-même a toujours démenti vouloir faire de la politique. Il se définit plutôt comme un citoyen engagé.
Pour Martin Fayulu, candidat de l’opposition à la présidentielle, l’espoir c’est que ce prix Nobel de la paix donne de la visibilité à son combat de médecin mais aussi, justement, à ses combats de citoyens. Et notamment aux critiques qu’il a récemment formulées sur l’organisation des élections.
Une reconnaissance difficile
Son engagement lui a en tout cas valu d’être menacé à plusieurs reprises. En octobre 2012, le Dr Mukwege est victime d’une agression alors qu’il rentre chez lui en plein centre de Bukavu. Son gardien est abattu à bout portant, sa voiture est incendiée. Le médecin, lui, est ligoté, avant que les gens du quartier ne se portent à son secours. Depuis, dans le Sud-Kivu, le Dr Mukwege ne se déplace plus que sous la garde de casques bleus. Une protection dont n’a pas pu bénéficier l’un de ses proches collaborateurs, le Dr Gildo Byamungu, assassiné en avril 2017 par trois balles dans le corps. Le médecin avait été formé par le Dr Mukwege.
Denis Mukwege n’est pas un habitué de la capitale. Il y a encore quelques années, il n’était pas très connu à Kinshasa. Les nombreux prix glanés à travers le monde, son plaidoyer en faveur des femmes violées dans l’est de la RDC, son engagement citoyen et surtout son positionnement contre les dirigeants congolais actuels, ont boosté sa popularité à Kinshasa. Mais vendredi, les Kinois interrogés sont contents de l’attribution du prix Nobel de la Paix à Denis Mukwege. Ils ressentent de la fierté pour celui qu’on surnomme l’homme qui répare les femmes.