On n’a fait que 10 jours de campagne électorale et il y a déjà trop de bruit qui noie le message de fond. L’enjeu, c’est le choix d’un chef d’Etat ET sa vision du Sénégal pour les 5 prochaines années.
Des morts accompagnent les convois des candidats. Un vent de violence souffle dans chaque camp. Le candidat Madické Niang amuse le peuple. Les rencontres et ralliements honteux entre politiques et religieux continuent de plus belle. Nos artistes se mettent en scène à coups de millions. L’APR multiplie les nouvelles promesses. Ses adversaires dénoncent un bilan. Les programmes tant attendus et peu évoqués par les candidats sont noyés dans ce jeu de ping-pong. Nous assistons ainsi à des distractions et invectives qui nous plongent dans ce sentiment d’impuissance et nous poussent à ce que nous savons le mieux faire : s’indigner et attendre le prochain rebondissement pour recommencer la même musique.
Comment choisir dans cette cacophonie, ce tintamarre qui dirige les esprits vers la chose futile et l’émotion négative ? Retours sur quelques faits qui nous détournent de l’objectif final.
Cacophonie quand on voit un Robert Bourgi, personnalité empêtrée dans de sales histoires au Sénégal et ailleurs dans le monde, apparaitre au premier rang des meetings du candidat sortant, Macky Sall. Cacophonie quand ce dernier promet l’arrivée d’un seul gynécologue à Podor, ville du Sénégal et département administratif où vivent près de 300 000 femmes, le tout sous le regard de sa directrice de campagne Mimi Touré (Ah les femmes de la République du Sénégal) ! Encore de la cacophonie quand le candidat Macky tarde à remettre son costume de président de la République pour appeler à la sérénité – action que devrait entreprendre aussi, les 4 autres candidats pour apaiser les esprits. Ces petits détails comme le souligneront certains, attisent les querelles entre partisans et détournent de l’enjeu final.
Cacophonie également dans les tractations entre candidats et autres partis politiques mais aussi pendant les ralliements au parti au pouvoir. C’est une des pires distractions que nous vivons dans cette élection présidentielle. Les candidats font et défont des alliances derrière notre dos. Des religieux donnent des consignes de vote. Cela nous pousse à l’indignation et à des querelles musclées entre partisans. Nous finissons fatalement par oublier les programmes des candidats et s’attarder sur leur personne et non sur leurs propositions.
Cacophonie quand on infantilise le candidat Madické Niang. Il est devenu le clown de service de cette campagne, le candidat qui fait rire et qui déstresse. Nous l’emmenons nous-même hors du champ politique et bien sûr, nous le trouvons cool et fort sympathique. Qui lui parle de son programme ? Très peu de journalistes. On le pousse désormais sur des sujets où il va amuser la galerie. Médiocre distraction !
Cacophonie quand on importe notre manichéisme classique dans le champ politique. On met d’un côté le mal et les méchants et d’un autre côté le bien et les gentils. Les images de la rencontre entre les partisans du PUR et du leader du PASTEF symboliseraient la paix et la courtoisie entre gentils. Et les images de la rencontre entre les partisans de l’APR et du PUR exprimeraient l’animosité entre méchants et gentils. C’est indéniablement le genre de messages qui favorisent à aimer ou haïr un candidat et non à épouser sa vision pour les 5 prochaines années. Que de violence et distraction !
Dans tout cela, la CNRA laisse faire sans aucun contrôle sur les sorties médiatiques des candidats durant cette campagne. A la télévision comme dans la presse écrite, l’on nous éloigne une fois de plus de l’essentiel : choisir le bon contenu qui apporte le plus de solutions à nos problèmes majeurs.
Mais tout ceci n’est pas nouveau dans une campagne électorale au Sénégal, me diriez-vous. Oui, certes. Sauf que cette fois-ci, nous sommes passés d’une quinzaine de candidats à la présidentielle à 5. Ce petit nombre de prétendants devait aboutir à une campagne sur les idées. Une campagne posée. La différence avec les précédentes élections réside par ailleurs dans l’amplification des faits et fake news sur les réseaux sociaux mais encore, dans les présentations spectaculaires des revues de presse à la radio et télé. Enfin, la nouveauté de cette élection, c’est quand le parti au pouvoir arme des nervis comme s’ils partaient en guerre. Faire appel à des nervis, le candidat Abdoulaye Wade l’avait fait. Mais les outiller à ce point et les mettre en scène ainsi sous prétexte de créer des emplois comme l’a fait l’APR cette année, ça, c’est une première au Sénégal.
Mais enfin, il reste encore 10 jours de campagne pour dire NON à cette cacophonie. Qu’elle vienne des candidats ou de nous-mêmes. L’enjeu, je le rappelle, c’est un homme et sa vision pour le Sénégal à choisir.
Aminata Thior
Ingénieur Télécoms, blogueuse, activiste, féministe, afropreneure (Sétalmaa) et booktubeuse
aminata2s@gmail.com
Tract 2019