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AOC 2 – « Présidentielles 2019 : La République ne libèrera pas la femme ! » (Par Aminata Thior)

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A 5 jours du scrutin, il faut analyser le bilan de Macky Sall sur ce septennat passé, voir son programme actuel pour les présidentielles de 2019, écouter son ministre conseiller El Hadj Hamidou Kassé, lire le programme de ses 4 adversaires à la présidentielle et observer les femmes politiques au sommet du pouvoir pour comprendre que de grandes avancées sur la violence faite aux femmes au Sénégal ne viendront pas de la République.

Si dans un grand rendez-vous national et politique comme les élections présidentielles, on ne traite pas un des problèmes majeurs et actuels de notre société comme la violence faite aux femmes, alors, il ne faut nullement s’attendre à ce que les solutions viennent des politiques. Car oui, 2018 a quand même été une année où le sujet sur les violences faites aux femmes a largement occupé l’actualité nationale au Sénégal. Nous avons eu l’affaire Songué puis l’affaire de Ndeye Coumba, cette jeune fille de 16 ans battue à sang par son mari, la grande vague de témoignages de victimes de viol sur Twitter et dans les groupes de femmes sur Facebook et enfin le rapport de Human Right Watch sur la violence sexuelle à l’école entre autres faits. Malgré la grande vague d’indignation des Sénégalais, cela n’a pas poussé les candidats à la présidentielle, à faire des propositions fortes contre la violence que subissent les femmes dans leur programme pour ces élections de 2019. Des propositions pour criminaliser le viol. Pour le sanctionner à une lourde peine. Pour permettre aux mineures, victimes de viol de pouvoir avorter et éviter le statut d’enfant-mère. Pour libérer la parole et permettre à des victimes de violences sexuelles de s’exprimer et (re)trouver enfin une meilleure vie.

Il faut écouter les politiques et observer les femmes de la République durant cette campagne électorale pour se rendre davantage compte que le sursaut ne viendra pas des hommes d’État au Sénégal. Dans l’émission du 5 février 2019 de Confluences, le professeur El Hadji Hamidou Kassé affirmait que cette problématique sur la violence faite aux femmes est un problème de société et pas un problème d’État uniquement. Ceci est un aveu de fuite de responsabilité qui met en lumière à quel point ce sujet n’est pas une priorité au sommet de l’État quand on sait que ce dernier a les moyens et pouvoir d’impulser des réformes, de faire appliquer la loi et de sanctionner sévèrement.

Par ailleurs, combien de fois avons-nous entendu les dames Aissata Tall Sall, Aida Mbodj, Aminata Tall, Aminata Mbengue Ndiaye, présentes au pouvoir depuis au moins deux décennies, parler de la violence faites aux femmes ? moments rares voire inexistants. Combien de fois avons-nous lu ou vu la ministre des femmes, de l’enfance et du genre faire une sortie marquante sur le sujet ? Là aussi, le compteur est à 0. Où étiez-vous, Mimi Touré, ancien Premier Ministre du Sénégal et actuelle directrice de campagne de Macky Sall, lorsque ce dernier promettait l’arrivée d’un et un seul gynécologue dans la ville de Podor ? A côté. Juste à quelques pas. Et où est la part dans le débat et dans cette campagne électorale de toutes ces Sénégalaises à la tête d’organisations régionales, sous-régionales et internationales pour la défense des droits des femmes africaines, sur ce sujet de violence faite aux femmes au Sénégal en particulier ? Totalement Absentes. Et enfin, on pourrait pousser le questionnement plus loin et se demander pourquoi la Première Dame Marième Faye Sall ne s’est jamais investie sur la situation des femmes au Sénégal pendant le septennat de son mari ? Pour une femme à qui on a demandé de quitter son école d’ingénieur pour mieux s’occuper de son enfant*, elle doit certainement pouvoir imaginer, mieux que quiconque, comment l’avenir de jeunes filles peut être bousillé si celles-ci embrassent des grossesses non voulues en pleine scolarité et dans une précarité totale. Même si Marième Faye Sall l’a fait de gaité de cœur, laisser tomber ses études supérieures à la demande de son mari pour s’occuper d’un enfant, n’est pas un acte banal. Et sa chance à la Première Dame, c’était d’être dans une stabilité financière qui lui permettait elle, son enfant et son mari, de vivre dignement et d’avoir un avenir meilleur. Celui que l’on connait tous aujourd’hui. Ce qui n’est pas le cas de milliers de jeunes filles victimes d’inceste ou de viol en milieu scolaire et qui sont contraintes d’arrêter l’école et de s’enfoncer davantage dans la pauvreté. Tout ceci pour dire que l’histoire personnelle de Marième Faye Sall aurait pu la pousser à s’investir dans ce domaine, pour les plus démunies.

L’abandon donc de ce sujet par ces femmes de la République est encore une fois, un signal fort pour nous autres Sénégalaises. Très peu de ces femmes d’État ont cette hargne et le courage de vouloir faire le maximum pour tirer leurs semblables vers le haut. Pour les faire sortir de la misère. Car oui, il faut du courage pour imposer ce sujet auprès de leurs collègues hommes. Et il faut du courage pour résister à la pression religieuse qui s’abattra sur elles dès lors qu’elles s’engageront dans cette lutte. Pour l’heure, presque aucune d’elle n’est prête. C’est à se demander parfois, qu’est-ce qui a poussé ces femmes à s’engager en politique si ce n’est pas entre autres sujets, de porter les maux de leurs consœurs au temple des décisions.

A partir de maintenant, là en 2019, les changements majeurs sur la violence faites aux femmes doivent donc venir de nous. Nous hommes et femmes sénégalais convaincus que cette violence sur les femmes dans notre société est aussi un des freins majeurs à notre développement. De par des actions concrètes dans les maisons, les écoles et les entreprises.

Libérer la parole dans nos familles (nous, cette génération décomplexée qui voulons que ces violences cessent), porter les affaires de viol dans les tribunaux (au lieu de les étouffer en petit comité), conseiller, accompagner et déculpabiliser les victimes autour de nous (via les associations de juristes et les psychologues bénévoles), faire des formations régulières sur ces sujets dans nos entreprises (nous, la génération startuppers), être prêt à affronter la réticence des religieux, imposer ce sujet dans les échanges et rencontres avec les politiques, commanditer plus d’études sur le sujet auprès d’organismes et d’association agréées pour mieux comprendre cette violence et la prévenir. La liste n’est pas exhaustive mais c’est en menant ce type d’actions avec acharnement et sur la durée que nous arriverons à imposer ce sujet aux politiques qui nous dirigent. Car oui, malheureusement pour nous, c’est en les mettant devant le fait accompli, que le couple politico-religieux s’investira un jour sur la violence faite aux femmes dans notre pays.  Et d’ailleurs, nous sommes dans une époque où les grandes transformations de société viennent du peuple et le Sénégal ne dérogera pas à cette tendance sur ce sujet-là. Seulement, le travail sera plus ardu pour nous qu’ailleurs dans le monde.

Aminata Thior

Ingénieur Télécoms, blogueuse, activiste, féministe, afropreneure (Sétalmaa) et booktubeuse (aminata2s@gmail.com)

* Dans son ouvrage « Le Sénégal au cœur », le président Macky Sall raconte le contexte dans lequel, il avait demandé à sa femme Marième Faye d’arrêter ses études à l’ESP pour principalement s’occuper de leur premier enfant.

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