Le combat féministe au Sénégal « est pratiquement en berne » en dépit d’un contexte marqué par « une dépendance patriarcale » et l’existence encore de violences à l’égard des femmes, a affirmé mardi la sociologue et militante féministe sénégalaise Marie-Angélique Savané.
« Le problème aujourd’hui, c’est que les jeunes générations qui ont profité de beaucoup d’acquis des combats féministes comme l’accès à l’éducation, au travail, etc., ne réalisent pas toujours qu’il y a encore une dépendance patriarcale pratiquée surtout dans la sphère privée, familiale », a souligné l’activiste.
« Le combat féministe aujourd’hui est pratiquement en berne, alors que les violences faites aux femmes sont toujours là », fait observer Mme Savané.
Elle intervenait lors de la première journée des « ateliers réflexifs féminins » dits « Sabbar artistiques », une manifestation tenue dans les locaux de la fondation Heinrich Böel à Dakar.
Marie-Angélique Savané estime qu’il y a « des réflexions qu’on peut avoir sur le rapport homme et femme » au Sénégal. Selon elle, « des statistiques […] rendent compte qu’il y a des différences de salaire importantes entre un homme et une femme de plus 200 et 300 mille francs CFA, etc. »
Elle a relevé le fait qu’on « ne parle plus de lutte contre le patriarcat en tant que système, mais de lutte des femmes ».
Elle juge qu’il se pose un problème au vu du nombre de mariages polygames de jeunes, de professeurs d’université, d’enfants d’un niveau éducationnel élevé, de gens à l’aise.
« Pourquoi les filles acceptent d’être deuxième voire quatrième épouse parce qu’elles veulent se marier ? Quelle est la notion qu’on peut donner au mariage dans le monde du 21ème siècle ? », s’est-elle interrogée.
La féministe et militante politique en conclut que « la génération actuelle dort ». « Je ne comprends pas, parce que ce n’est pas les petites avancées qu’on a eues ; le problème n’est pas réglé », estime-t-elle.
Elle dit avoir envie de transmettre le flambeau allumé dans les années 80 à une nouvelle génération de femmes assumant leur féminisme.
Aujourd’hui, « qu’on le veuille ou non, les conservateurs ont pris le dessus sur les luttes des femmes et on n’ose plus dire qu’on est des féministes au Sénégal, ou si on le dit c’est parce qu’on s’intéresse aux femmes », a-t-elle estimé, avant de souligner que le féminisme est pourtant une idéologie qui explique et analyse la condition des femmes.
« Pourquoi les femmes sont dans cette position et qu’est-ce qu’il faudrait faire pour le changer ? Pour changer le statut des femmes dans le système patriarcal, il faut des révolutions qui changent les conditions masculines et féminines, d’où la notion de genre », a-t-elle martelé.
Marie-Angelique Savané estime que la parité « n’a pas profité aux femmes sénégalaises’’, ajoutant qu’on « ne peut être féministe sans être militante ».