ET DIT TÔT – De source généralement bien informée, le collège Didier Marie de Saint-Louis, le collège Anne Marie Javouhey/St-Joseph de Cluny à Dakar et le collège Hyacinthe Thiandoum aux hlm Grand Yoff ont interdit le port du voile depuis un moment déjà. Alors pourquoi ce tollé, voire un tsunami numérique sur l’innanet, créé par l’interdiction prochaine du voile par l’Institution Sainte-Jeanne D’Arc ? Jeanne d’Arc serait-elle une « institution » à part, sacrée, dans le sens où on ne devrait pas y toucher? Sauf pour l’obliger de promouvoir tous les sacrés?
L’auteur de ces lignes soutient le point de vue de cette internaute de ses amis, non – Sénégalaise, humaine tout simplement, qui écrit : « Et il n’est pas question QUE de ce voile il y a d’autres points dans leur texte ! et il y a des lieux où le port du voile est obligatoire au Sénégal, comme à Touba. Alors est ce que Touba est hors la loi ? car le port du voile n’est pas obligatoire au Sénégal ! pourtant là bas il l’est .. Quand je vais à Touba je me voile, quand je vais dans une mosquée où qu’elle soit, je me voile, par respect pour les règles de ceux qui m’accueillent .. Pourquoi ne pas respecter les règles de l’institution Jeanne d’Arc si on veut y aller ? le respect mutuel est important ! ».
Deux remarques ici. La première : il n’est en effet pas question que de voile. L’école privée catholique est certes une structure civile ouverte à tous et subventionné par l’Etat (au titre du libre choix des parents en ce qui concerne l’éducation de leurs enfants), autant elle n’en demeure pas moins «une communauté chrétienne, ayant pour base un projet éducatif enraciné dans le Christ et son évangile». Fort de cela, elle a la liberté de ne pas tolérer des comportements qui obèrent le “ vivre ensemble”. Car le voile dans les écoles privées catholiques, comme à l’Institution Ste -Jeanne d’Arc n’est que l’arbre qui y cache la forêt de comportements intolérables dans un lieu accueillant du public, surtout une école conventionnée par l’Education nationale : « Est-ce un « amalgame dangereux » entre le port du voile pour celles qui l’ont choisi et le comportement de certaines qui veulent s’auto-exclure dans une attitude fermée et une philosophie qui clashe avec l’essence de l’islam (ne pas faire de sport, ne pas serrer la main à un garçon, ne pas s’asseoir à côté d’un garçon et vice-versa) », comme le soutient une internaute de mes amis ? En tous les cas, il y a un lien entre le signe religieux ostentatoire qu’est le voile et ces comportement d’auto-ségrégation. Il n’est plus le voile de pudeur et d’innocence des années 80, mais un voile de combat identitaire et de rejet de la différence dans un 21ème siècle où nous sommes véritablement entrés le 11 septembre 2001 avec la collision provoquée des avions de la Ben Laden corporation sur les Twin Towers de New-York.
La deuxième remarque : en conséquence, Oui, trois fois oui au parallélisme des formes. Surtout dans un Sénégal qui a changé où on se fait fouiller au détecteur de métaux pour cause de djihadisme (heureusement encore) fantôme (dans sa version sanglante). Aucune école dite islamique au Sénégal n’accepte des filles non voilée sur leurs bancs.
L’Etat, qui a été interpellé et a indiqué faire dans « la concertation » avec Jeanne D’Arc n’y peut pas grand-chose. Sauf à appliquer la charia tropicalisée au motif du nombre qui se veut nombril. Ce que semblent vouloir plusieurs personnes pro-voile qui traite les pro-choix dont je suis (choix ne de pas envoyer son enfant dans le privé catholique si on n’en respecte pas le règlement intérieur, choix de le respecter ce règlement si on y envoie ses enfants), traite donc les pro-choix qui sont musulmans de traitres à leur religion, si ce n’est de mécréants et d’apostats.
L’on me rétorque enfin sur les réseaux sociaux sénégalaise: « La loi permet de s’habiller comme on veut sauf si c’est considéré comme attentat à la pudeur alors que le voile ne constitue pas ça. Peut-être bien c’est l’attentat à trop de pudeur. Un État doit être fort soit Il valide ou le contraire dans tous les cas, Il doit prendre position ».
A ceci j’oppose qu’il y a des plages privées pour les naturistes qui veulent déambuler tout nus sur la plage. Comme il devrait y avoir des plages privatives pour les personnes du beau sexe qui veulent se baigner en burkini ou en burqa complète. L’attentat à la pudeur n’est pas moins ni plus grave que l’attentat à la sensibilité républicaine et laïque.
A ceci, j’oppose encore et enfin que l‘école n’est pas la société. ET l’école n’a pas à être le reflet de la société. Si on va dans cette école privée confessionnelle que bon nombre flétrissent aujourd’hui pour sa décision, c’est bien parce qu’elle ne reflète pas la société sénégalaise dans son laisser-aller et son indiscipline. Et s’il y a désaffection de l’école publique sénégalaise, c’est bien parce qu’elle trop à l’image du pays et de la société, certaines ayant fait de leur cour de recréation depuis belle lurette l’arène d’entrainement des lutteurs traditionnels de leur quartier.
Educere signifie en latin « sortir de soi ». On ne va pas à l’école pour importer ce qu’on est mais pour y acquérir des valeurs communes et des comportements et connaissances universellement acceptées, en plus de celles nationales. Il faut laisser les particularismes à la porte de l’école dès que ceux-ci quittent l’ordre du folklore pour entrer dans celui du recroquevillement hostile.
Ousseynou Nar Gueye
Post-scriptum : ce 3 mai, le ministère de tutelle a finalement publié une déclaration radicale. Dans un communiqué signé par Mamadou Talla, ministre de l’Education nationale, il en appelle au « respect de la Constitution » qui garantit le respect de « toutes les croyances ». Voici le communiqué :