La France est pointée de doigt dans la capitale libyenne pour son soutien au maréchal Khalifa Haftar qui mène depuis un mois déjà une offensive pour déloger les milices de Tripoli. Le ministre des Affaires étrangères Jean Yves Le Drian a accordé ce vendredi un entretien au quotidien Le Figaro, où il justifie la position française. Il reconnaît que la France soutient Khalifa Haftar pour lutter contre le terrorisme, mais il nie catégoriquement avoir été informé de l’actuelle offensive. Le Drian avait rencontré Haftar en mars dernier, l’offensive a été lancée le 4 avril.
Le ministre français assure que cette rencontre avait pour but de soutenir l’accord d’Abou Dhabi, c’est-à-dire, le processus qui devait aboutir à des élections. Pour lui, Khalifa Haftar, que les islamistes cherchent à exclure de l’échiquier politique libyen, fait partie de la solution.
Quant aux raisons de l’engagement français aux côtés du maréchal libyen, qui remonte à 2014, Le Drian affirme que c’était d’abord pour combattre le terrorisme : « C’est notre objectif prioritaire dans la région », affirme-t-il. « Beaucoup d’armes qu’on trouve dans le Sahel proviennent de la Libye devenue la base arrière d’AQMI et de l’EI », explique le ministre.
« La France a aussi une forme de responsabilité dans cette crise »
Le chef de la diplomatie française rappelle ensuite que depuis 2014, il alerte sur les risques terroristes, sur la présence de l’organisation État islamique en Libye et sur la possibilité de son implantation locale. Il note enfin, qu’en tant qu’acteur de l’intervention militaire de 2011, et parce que le suivi politique n’a pas été assuré après la chute de Kadhafi, que « la France a aussi une forme de responsabilité dans cette crise ».
L’engagement français en Libye, selon Le Drian, est destiné à « éviter la contagion ». Il doit également permettre de lutter contre les trafics notamment ceux des êtres humains. « La Libye est devenue le carrefour des risques et des menaces » affirme-t-il.
La bataille de Tripoli s’annonce plus longue et plus coûteuse
Il y a un mois, le 4 avril dernier, le maréchal Khalifa Haftar, à quelques jours d’une conférence nationale, lançait son opération militaire « Déluge de la dignité » pour déloger les milices de la capitale. Ces milices sont les forces du GNA, le gouvernement reconnu par la communauté internationale, mais c’est elles qui ont le réel pouvoir à Tripoli. Khalifa Haftar pensait alors prendre la ville en 72 heures maximum. Mais les choses se sont avérées plus compliquées.
La situation à Tripoli semble être dans l’impasse la plus totale, après un mois de combats. Sur les fronts, le statu quo persiste, aucune partie de la lutte ne semble capable de changer l’équation sur le terrain.
Les groupes fidèles au gouvernement dirigé par Fayez al-Sarraj, et d’autres milices venues principalement de Misrata, combattent les forces de l’armée nationale libyenne. À celle-ci, d’autres forces sont alliées qui lui prêtent main-forte depuis certaines villes voisines de la capitale.
Quant au dialogue, il paraît également impossible pour le moment. Chaque camp cherche à vaincre l’autre. Khalifa Haftar mise sur les divisions et l’épuisement des milices. Mais elles sont toujours unies pour combattre leur ennemi commun.
La Libye est devenue un terrain de lutte d’influence de plusieurs puissances. La France a reconnu par la voix de Jean-Yves Le Drian qu’elle soutient le maréchal de l’est. La Turquie dont son président avait déclaré qu’il est prêt à tout pour soutenir les islamistes de Tripoli va réactiver d’anciens accords militaires avec Tripoli, même si ce pays est sous embargo de l’ONU depuis 2011.
Épuisés par les nouveaux combats et ruinés par plus de huit ans de crises, les Libyens s’apprêtent à vivre le mois du ramadan qui débute à la fin de cette semaine dans la peine. En plus de leur sécurité menacée, les habitants de Tripoli et ses environs doivent faire face à l’augmentation des prix, au manque de travail et de liquidités.
Cette énième guerre en Libye a contraint plus de 40 000 personnes à quitter leur maison, selon l’ONU. L’OMS annonce 400 morts au moins et 1 900 blessés, parmi eux des civils.