L’ascension du Kilimandjaro sera-t-elle bientôt à la portée de tous, via le téléphérique ? C’est l’une des pistes envisagées par le gouvernement pour attirer plus de touristes en Tanzanie. Sitôt annoncé, ce projet a été contesté.
Le plus haut sommet du continent africain est l’un des joyaux du tourisme tanzanien. Chaque année, 50 000 randonneurs accourent du monde entier pour réaliser cette ascension qui mène les plus persévérants jusqu’à une altitude de 5 985 mètres. Avec ce téléphérique, le gouvernement espère augmenter la fréquentation de 50%, selon les projections fournies par le ministre du Tourisme. L’itinéraire n’a pas encore été arrêté. La voie Machame, la plus populaire et la plus spectaculaire, apparaît comme la route la plus probable. Les bennes permettraient d’atteindre non pas le sommet mais une étape importante, le plateau du Shira à 3 900 mètres. À pied, ce trajet prend une bonne journée de marche.
Ceux qui vivent de la montagne vont-ils profiter des retombées économiques du téléphérique ?
Pour le moment, ils ont surtout l’impression qu’ils seront les grands perdants. Les porteurs sont les plus inquiets. Au lieu de prendre une semaine pour effectuer l’ascension, les touristes pourraient ne rester qu’une poignée d’heures sur place, le temps de faire quelques selfies et puis s’en vont. Cette innovation pourrait donc priver les porteurs d’une bonne partie de leur revenu. Or, cette activité fait vivre 250 000 familles autour du Kilimandjaro et du Meru. Le président de leur association estime qu’un randonneur américain fournit du travail à une quinzaine de personnes, treize porteurs plus un guide et un cuisinier. Les tours opérateurs, eux aussi, sont circonspects. Des séjours plus courts, c’est moins de nuitées dans la région, et donc moins de revenus.
Comment le gouvernement a-t-il réagi à ces critiques ?
Le ministre du Tourisme temporise et explique que le téléphérique n’est pas destiné aux trekkeurs mais plutôt à tous ceux qui ont envie de découvrir ce sommet mythique sans pour autant avoir la condition physique requise pour une telle aventure. Ce sont donc bien de nouveaux visiteurs qui sont recherchés. La Tanzanie rêve de dupliquer le succès du téléphérique sud-africain bientôt centenaire de la montagne de la Table à Cape Town. Le projet tanzanien n’est pas tout à fait nouveau. D’après l’un des responsables de l’association des tours opérateurs, une société française de transport par câble l’a proposé à la fin des années 1960, il avait été retoqué car considéré comme contraire aux intérêts des sociétés locales.
La polémique a aussi rebondi sur le choix des entreprises
Deux entreprises étrangères sont intéressées. L’une est chinoise et l’autre américaine. Cette dernière aurait déjà passé un accord avec une société locale pour décrocher le contrat. Cette information suscite la colère des Tanzaniens, car le code du tourisme stipule que seules les entreprises entièrement tanzaniennes ont le droit d’exploiter les parcs nationaux et leurs trésors. Pour calmer la polémique, le gouvernement assure que rien n’est encore décidé. Des études sur les impacts environnementaux, sociaux et économiques sont en cours.
Ce téléphérique fait partie du vaste plan d’investissements dans les infrastructures lancé pour promouvoir les parcs nationaux. Des routes, des aérodromes, des hôtels doivent être construits pour élargir l’offre. Dans un contexte assez favorable. Les visiteurs étrangers sont de plus en plus nombreux en Tanzanie. Les revenus du tourisme ont augmenté de 7% l’an dernier. Ils se montent à 2,4 milliards de dollars pour 2018 et constituent l’une des principales sources de devises de la Tanzanie.