Depuis l’éclatement de la polémique suscitée par la vidéo de la Bbc, vous vous signalez par une défense acharnée de Aliou Sall, au moment où on ne sent pas trop vos camarades de la mouvance présidentielle, qui sont assez timorés. Qu’est-ce qui justifie que vous montiez toujours au créneau lorsque le frère du Président Macky Sall est attaqué ?
Yakham Mbaye : Je n’ai pas le choix.
Pouvez-vous être plus explicite ?
J’y reviendrai plus tard, si vous le permettez. L’essentiel à mes yeux, pour le moment, c’est de pouvoir m’exprimer en allant au fond de cette affaire. Si vous le permettez.
On vous le concède. Alors, pourquoi soutenez-vous la thèse selon laquelle Aliou Sall est victime d’un complot, dans vos écrits et sur votre page Facebook ?
Le court métrage de la Bbc, car c’est de ça dont il s’agit, une œuvre de fiction, et non un travail de journaliste, tient en trois points.
Primo, Aliou Sall aurait perçu indument 25 000 dollars américains, cinq années durant, de Frank Timis, comme fruit d’un acte de corruption.
Secundo, en sus de ces 25 000 dollars, il aurait perçu 250 000 autres dollars américains versés par Timis Corporation dans le compte bancaire de sa société dénommée Agritrans.
Tertio, de la collusion entre Aliou Sall, Frank Timis et les plus hautes autorités sénégalaises, notre pays s’est retrouvé spolié de 10 milliards de dollars américains, du fait d’une clause contenue dans un contrat entre des multinationales que Frank Timis a entrainées dans son sillage au Sénégal.
Et vous ne croyez pas à cela ?
Vous y croyez-vous sérieusement ?
Passons à la loupe ces trois accusations.
C’est un secret de polichinelle que les 25 000 dollars américains ont constitué le salaire de Aliou Sall lorsqu’il a été recruté comme Gérant de Petro Tim Sénégal. Mieux, ce revenu figure dans le dossier portant sa Déclaration de patrimoine déposée à l’Ofnac depuis 2013. Il y a donc six années. Maintenant, Bbc et les comploteurs avec qui elle s’est liguée, veulent nous faire croire que lorsqu’on est un corrompu, c’est au niveau de l’entité qui pourchasse et débusque les corrompus, l’Ofnac, qu’on va déclarer les fruits de sa corruption. Cela équivaut à soutenir qu’un voleur irait à la Police centrale y déposer ce qu’il a volé. De qui se moque-t-on ?
Quid des 250 000 dollars américains ? Passons sur le fait que depuis quelques jours, la Bbc n’endosse plus cette accusation, et relevons un fait : il est quand même ahurissant que ceux-là de la meute, qui hurlent, se bouchent subitement les oreilles dès qu’il est établi que pas l’ombre de ces 250 000 dollars n’est passée dans le compte bancaire de cette société venant de Timis Corporation. Aucun virement n’a été fait au bénéfice de Aliou Sall.
Ça aurait été le cas qu’il y aurait de fortes raisons de désespérer de Aliou Sall, en se disant qu’il est devenu un cancre, un irréfléchi, qui, après avoir été corrompu, irait verser les 250 000 dollars de Timis Corporation dans son compte bancaire.
Pour finir sur cet aspect de la vidéo de Bbc, j’ai ressenti l’effet d’une insulte à notre intelligence commune, à notre Administration et aux banques de ce pays. Parce qu’un Sénégalais ne pourrait recevoir un tel virement sans que la Cellule nationale de traitement des informations financières dite Centif ou la banque de Aliou Sall ne bronchent, parce que toutes les deux seraient sous les ordres du frère du Président ? De qui se moquent la Bbc et tous ceux qui hurlent au scandale ?
Cette question a tout son sens lorsqu’on aborde la légende des 10 milliards de dollars américains.
Qu’est-ce qui vous fonde à dire que c’est une légende ?
Je vais le démontrer.
A mon avis, dans la phase de contre-attaque, la stratégie et la tactique ne commandaient pas d’opposer aux tenants de ce complot l’argument selon lequel ces 10 milliards de dollars sont une énormité, parce que le Sénégal, Bp et Kosmos n’escomptent respectivement, dans les trente années qui suivront le début de l’exploitation du pétrole et du gaz, que 23 milliards de dollars, 8 milliards de dollars et 4 milliards de dollars. Car, d’aucuns se mettraient à douter de ces montants qui relèvent de projections, même si elles sont fiables.
Il était tout aussi inopérant, dans le contexte sénégalais où nous sommes, où l’oxygène s’est raréfiée et à la place on inspire à plein poumon l’intoxication, de dire : «C’est une affaire entre sociétés privées étrangères qui ne regarde pas Aliou Sall». C’est un piège contre ce dernier, car on s’adresse à une opinion qui privilégie la perception sur la réalité, pour ne pas dire la vérité. C’est ainsi. Nous sommes tous comme ça.
Il fallait attaquer le mensonge de manière frontale avec le seul argument qui vaille, porté par une série de questions : Où est ce document qui scelle le deal entre Bp et Frank Timis, et révèle un scandale ? Qui, au Sénégal, ou ailleurs dans le monde, a vu ou lu ce document ? Pourquoi la Bbc ne l’expose pas dans sa vidéo ? Quand, où et par qui il a été signé ? Toutes les personnes habitées par la bonne foi et l’intelligence peuvent répondre à ces questions.
Maintenant qu’il est établi que la Bbc ne fait pas du journalisme, mais produit de la fiction, que l’on prenne date et garde. Si ce procédé prospère, demain, lorsqu’un média sénégalais viendrait à accuser – sans l’ombre du bout d’une page de preuve, parce que simplement animée par l’intention de nuire – une autorité d’avoir été, dans le passé, confrontée à une affaire de mœurs, et présentement avoir détourné le quart du budget alloué à l’institution qu’elle dirige, j’espère que personne parmi cette meute ne se mettrait à hurler, insultant, discourant sur la caractéristiques de racaille des journalistes sénégalais, avant d’appeler le Procureur de la République ou le Cored à assainir cette profession.
Comme la Bbc est respectable et respectée, en dépit du fait que son passé récent est jalonné de coups médiatiques fourrés et de condamnation de l’autorité de régulation de l’audiovisuel anglais, la façon dont elle travaille doit faire école au Sénégal.
Ne croyez-vous pas que votre propos est exagéré ?
Pourquoi ce qui est valable, aujourd’hui, pour la Bbc ne le serait pas, demain, pour un média sénégalais, diffamer, ternir la réputation, attenter à l’honneur d’une personne, sans preuve ?
Donc, à vous entendre, il n’y a pas lieu de parler de scandale, encore moins appeler Aliou Sall à démissionner ?
Les 25 000 dollars américains constituent un salaire déclaré à l’Ofnac depuis 2013.
Les 250 000 dollars versés par Timis Corporation dans son compte bancaire, il est maintenant établi que c’est une invention.
La clause contractuelle de 10 milliards de dollars entre Bp et Frank Timis relève de chimère, et je défie la Bbc et ses comparses de publier ce document.
Maintenant, si les trois munitions de Bbc s’avèrent être des pétards mouillés, qu’est-ce qui reste du scandale ?
Mais, il y a plus grave…
Quoi exactement ? Croyez vous que l’affaire aurait ce tollé si Aliou Sall avait répondu aux questions de la Bbc ?
Au moment de la production de cette vidéo, la Bbc a contacté Aliou Sall, qui a requis ses avocats aux fins de fournir au média anglais toutes les réponses. Parmi les questions abordées, jamais il n’a figuré cette histoire de 10 milliards de dollars.
Ah bon ?
Je ne parle pas en l’air. Et je n’ai pas fini. Comment appréciez-vous le fait que la Bbc n’extraie que deux phrases dans un document de quinze pages. Ce sont quinze pages de réponses qui ont été envoyées à la Bbc. Ils ont fait le même coup à Kosmos Energy qui a répondu par écrit. C’est du banditisme et non du journalisme. Et je pèse mes mots.
Par ailleurs, l’évocation du nom de cette compagnie pétrolière me permet de relever un fait : pourquoi le député Mamadou Lamine Diallo n’éclaire pas l’opinion publique sur ses rapports avec Kosmos. Surtout le contenu d’une lettre qu’il a reçue d’un de ses hauts dirigeants le 19 décembre 2016. Parce que ce qui y est dit n’arrange pas leurs thèses sur le pétrole et le gaz ?
Qu’est-ce qui est dans cette lettre ? Avez-vous pris connaissance de son contenu ?
Bien sûr, en versions anglaise et française. Maintenant, allez poser la première question à ce héraut de la transparence, ce chevalier de la bonne gouvernance, ses deux nouvelles casquettes. Car, il en avait d’autre. Il y a 22 ans, sous Abdou Diouf, Mamadou Lamine Diallo, qui dénie aujourd’hui à Aliou Sall les compétences pour gérer une société pétrolière, lui était orpailleur.
Comment ça ?
Comme on oublie vite chez nous dès qu’il s’agit de casseroles que traînent les opposants, je vous renvoie aux révélations de El Malick Seck sur lesquelles Libération avait rebondi, sans être démenti, jusqu’ici.
Alors qu’il était Conseiller technique du Premier ministre et Président du Conseil général des Mines, Mamadou Lamine Diallo a usé et abusé de sa position. Le 07 août 1997, le décret 97-797 octroie un permis de recherche pour or et substances connexes dit permis Madina à la société International Mining Company établie à Dakar, 05 rue Victor Hugo angle avenue Léopold Sédar Senghor. Qui a mené les opérations minières pour le compte de Imc ? La société Leo Shield Ltd par l’intermédiaire de la Jv Occidental Gold Senegal. Et c’est ce même Mamadou Lamine Diallo qui, aujourd’hui, pointe les liens commerciaux normaux et classiques entre Petroasia, Petro Tim, Timis Corporation, Bp, Kosmos, Cairn etc., dans le seul but de manipuler l’esprit des Sénégalais en leur faisant croire à des ententes frauduleuses.
Enfin, et c’est le plus intéressant, qui était la Gérante de Imc ? L’épouse de Mamadou Lamine Diallo. C’est un décret du Président Wade contresigné par le Premier ministre Idrissa Seck qui, le 04 juillet 2003, annule le décret de Abdou Diouf en date de 1997.
Ce sont ces gens qui aiment tellement l’or, qui osent donner des leçons au Président Macky Sall et aux Sénégalais qui ne pensent pas comme eux. Et c’est pire en ce qui concerne l’ancien Premier ministre Abdoul Mbaye.
Qu’est-ce que vous lui reprochez ?
Abdoul Mbaye, je ne le lui reproche rien, car je ne suis ni juge ni Imam. Je le connais, contrairement à Mamadou Lamine Diallo. Il fut l’époux de ma cousine qui porte le même nom que ma mère. Premier ministre, lorsqu’il fut confronté à un type d’hostilités que je trouvais injustes, j’ai pris ma plume pour défendre l’institution qu’il incarnait.
Seulement, une réalité est manifeste : qu’il arrête, avec ses airs de bourgeois constipé, de nous donner des leçons de morale et de bonne gouvernance. Toute sa carrière est jalonnée d’imbroglios judiciaires retentissants.
Abdoul Mbaye, qui a planqué les milliards de francs Cfa du Président déchu d’un pays étranger exilé au Sénégal, disputé leurs avoirs à de dignes commerçants, impliqué dans une histoire de tripatouillage de document d’état civil, n’est pas mieux que Frank Timis qu’il vilipende. Il y a quelques années, lorsque Aly Ngouille Ndiaye, alors ministre des Mines, l’a publiquement mis en cause, il n’avait pas bronché.
Concrètement, qu’est-ce qu’il a fait qui fonde que vous le taxiez d’affairiste ?
Vous savez tous que l’Initiative pour la transparence dans les industries extractives a cité le Sénégal en exemple l’année dernière, le classant quatrième au niveau mondial et premier en Afrique. Cette même Itie, dans son rapport 2013, à la page 87, indique que Abdoul Mbaye est actionnaire d’une société minière. Dans le rapport 2014, il avait démissionné, après avoir vendu trente tonnes d’or et récolté près de 20 milliards de francs Cfa dans ce qu’il convenu d’appeler le plus grand gisement d’or jamais découvert au Sénégal. La société s’appelait Sored-Mines Sa, et c’est par le décret 2007-1327 signé le 02 novembre 2007 par le Président Wade que Abdoul Mbaye avait obtenu une concession minière pour or et substances connexes sur le périmètre de Niamia, dans le département de Kédougou.
Tout détenteur d’une connexion internet peut accéder au site du Journal Officiel et y lire, en tapant «Sored-Mines-Journal-Officiel», le rapport de présentation de ce décret. Il dit ce qui suit : «La Société de recherche et de développement des mines (Sored-Mines Sa) est une société de droit sénégalais qui est titulaire du permis de recherche du périmètre de Niamia attribué par décret N°98-238 du 12 mars 1998 à la société Eeximcor-Afrique Sa, pour la recherche d’or et de substances connexes, renouvelé une première fois par arrêté N°5130 du 1er juin 2004 puis une deuxième fois par arrêté N°7433 du 20 juillet 2007. (…) Le périmètre de la concession minière couvre une superficie réputée égale à 120 km²».
Abdoul Mbaye était actionnaire à hauteur de 6,09% dans Sored-Mines Sa, et ce n’est qu’en 2014 qu’il a vendu ses parts à son associé Papa Ousmane Ahne. En clair, alors qu’il était Premier ministre, cette société minière dont il est actionnaire, bénéficiait de plusieurs faveurs. Aujourd’hui, il peut, sans coup férir, appeler les Sénégalais autour d’une «Allliance pour la citoyenneté et le travail».
Maintenant, si on raisonne comme tous ces donneurs de leçon, croisés de la bonne gouvernance disposés à aller incendier tous les paradis fiscaux, il y a quand même un gros problème avec cette histoire de Sored-Mines.
Qui contrôlait Sored-Mines Sa ? Abdoul Mbaye (6,09%), Papa Ousmane Ahne (27,31%) et 51% au nom de Terrysco ; le reste des parts à des membres de sa famille, dont son épouse. Terrysco, qui figure au cœur des Panama Papers, a été créée par le sulfureux cabinet panaméen Mossack Fonseca, le 19 mai 2006, bien après Sored-Mines, et dans le seul but de la contrôler, de loin, hors d’atteinte du Fisc sénégalais car elle a été immatriculée dans les Îles Vierges britanniques.
Enfin, dans le capital de Terrysco, apparaît Select Financia Holding, une société anonyme montée elle aussi par Mossack Fonseca, et immatriculée dans un autre paradis fiscal : le Luxembourg, avec adresse en Australie.
Mamadou Lamine Diallo, Abdoul Mbaye et compagnie n’ont rien à envier à Frank Timis. Pour parler de manière prosaïque, ce ne sont pas des opposants qui tirent le diable par la queue, ils sont riches comme Crésus, et donc armés pour déstabiliser en permanence. Et c’est à ça que nous devons nous attaquer, sinon personne n’aura pas la paix dans ce pays.
Qu’est-ce que vous pensez de l’intention qu’on prête au Président Macky Sall de limoger Alioune Sall ?
(ndlr : il rigole…)
Qu’est-ce qui vous fait rire ?
Vous savez, je suis journaliste de métier. Ministre, Directeur général, homme politique, ce n’est pas un métier. Jamais, je ne me montrerai ingrat à l’endroit d’une profession qui m’a fait, en la stigmatisant ou en me laissant aller à des généralisations parce que tel ou tel article n’arrange pas les positions que je défends. Raison pour laquelle, lorsque j’entends dire ou je lis certaines choses, je me sens très gêné. Il aurait fallu simplement poser des questions, ensuite recouper, pour s’épargner certaines choses qui ne grandissent pas cette profession.
La Caisse des dépôts et consignations n’a pas de Conseil d’administration. Elle a un Comité de surveillance qui n’a pas les attributs de nommer ou de limoger le Directeur général. Seul le Président a ce pouvoir. Cette précision faite, chacun peut se faire sa religion sur l’annonce faite à grand renfort de publicité. Je n’en dirai pas plus.
(ndlr : c’est en plein entretien qu’est tombé le communiqué de la Commission de Surveillance de la Cdc, qui confirme tout ce qu’il dit plus haut).
Comment appréciez-vous les voix qui s’élèvent au sein de la majorité présidentielle pour appeler Aliou Sall à démissionner ou à être démis par le Président de la République ?
Je n’en pense strictement rien de signifiant. Chacun est libre de tirer à boulets rouges sur Aliou Sall. De mon côté, je suis libre, avec d’autres, de le défendre par tous les moyens nécessaires et légaux. Prêter attention à ce que disent ceux qui ne vous aiment pas, ça distrait et détourne de l’essentiel.
Au regard de votre position dans cette affaire et de votre proximité avec la famille présidentielle, Le Soleil, le quotidien national, ne perdra-t-il pas sa crédibilité dans le traitement de ce dossier ?
Je vais d’emblée vous indiquer ce qui suit : j’ai été diffamé et traîné dans la boue, suite au remaniement de septembre 2017, parce que je me serais rebellé pour être recasé. Le Président savait comment je vivais ma condition de membre du Gouvernement. Je n’ai jamais demandé à aller au Soleil. Mieux, lorsque le Président m’a proposé d’y aller, j’ai d’abord décliné, tout en lui indiquant mon souhait et ma volonté de tenter une autre expérience professionnelle personnelle qu’il allait soutenir, je me dois de le préciser car je ne suis pas un ingrat. Parce que depuis plus de vingt ans que je suis à ses côtés, il m’a toujours traité comme Aliou Sall. Finalement, j’ai reconsidéré ma position, car, ça me pesait de lui dire non.
Le Soleil ou pas, ça ne m’empêche pas de dormir. Il y a près de dix ans, pour réaffirmer mon engagement aux côtés du Président, qui était alors dans l’opposition, j’ai démissionné de la direction du plus puissant groupe de presse au Sénégal, pour ensuite continuer mon combat à ses côtés jusqu’à la victoire. Interrogez Bara Tall, le propriétaire de Com7, il vous dira que j’étais mieux payé qu’un député, presqu’autant qu’un ministre. Je ne suis pas un ancien chômeur embarqué dans les fourgons de la deuxième alternance avant d’être, aujourd’hui, un salarié politique.
Tant que je serai aux commandes du Soleil, je m’investirai corps et âmes pour que l’Astre national brille comme jamais. Si je n’ai pas renforcé la crédibilité de ce bien public, personne n’ose affirmer que j’y ai porté atteinte. En moins d’un an, j’ai fait plus que doubler le tirage, les ventes ont connu une hausse sans précédent. Cela veut dire qu’il y a énormément de Sénégalais qui sont satisfaits du travail du Soleil. J’ai ouvert, comme aucun de mes prédécesseurs ne l’avait fait, ce journal à tous les Sénégalais, surtout l’opposition. J’y œuvre au quotidien pour mériter la confiance du Président de la République et l’estime des braves employés qui sont dans cette entreprise. Personne au Soleil n’a un volume de travail supérieur au mien. Là-bas, jamais, je ne m’y suis comporté en ministre, Directeur général ou membre de l’Apr. Tout n’est pas rose dans ce que j’y fais, mais, je suis ouvert à tous pour m’améliorer.
Aux commandes de ce bien public, financé et entretenu par l’Etat, je serai toujours aux avant-postes lorsqu’il s’agira de défendre le Sénégal, l’Etat et son Chef, promouvoir et rendre visible ses réalisations. Si demain, je devais douter de ma disponibilité et de ma loyauté envers le Président Macky Sall, même si je sais que ce ne sera jamais le cas, alors, je m’en irais. Je ne resterais pas là à faire de la gymnastique, faisant preuve de convictions à géométrie variable, car, au rang de mes innombrables défauts, ne figure pas la lâcheté.
En ces moments, je ne redoute absolument rien. Je ne crains absolument rien, si ce n’est être dans l’incapacité physique de pouvoir défendre mon pays, son Président, son frère et mon ami, injustement et de manière lâche trainés dans la boue. Je n’ai pas toujours été à la hauteur dans mes rapports avec le Président, très souvent par manque de maturité, jamais par déloyauté.
Tant que j’aurais toute ma raison, personne ne pourrait m’empêcher de défendre Aliou Sall. Etre Directeur général ou chômeur, ça m’est égal. L’essentiel pour moi revient à pouvoir me regarder dans un miroir. Il n’y a que deux tribunaux auxquels je ne peux me soustraire : ma conscience et ma famille. Et dans cette famille, Macky Sall et Alioune Sall y sont depuis très longtemps.
Justement, comme vous l’aviez promis au début de cet entretien, expliquez-nous pourquoi cet engagement poussé et le fait de dire : «Je n’ai pas le choix» ?
Je n’ai jamais voulu m’épancher sur ce qui me lie au Président et à sa famille. D’une part, je me disais que ce serait donner du plaisir à mes détracteurs en leur faisant croire que leurs propos m’atteignent à tel point que j’éprouve le besoin de me justifier. A l’Apr et au sein de ceux qui accompagnent le Président, chacun sait qui est qui, qui était là avant la saison des braises, qui est resté lorsque ça a chauffé à partir de 2008 et jusqu’à la victoire. Si tout cela devait être consigné dans un répertoire, j’ose dire, sans prétention, que je peux tenir ce répertoire. Lorsqu’un Président de la République vous qualifie de «Soldat, compagnon de lutte, jeune frère et combattant de la liberté», à mes yeux, ça vaut plus que toutes les nominations, tous les décrets.
Secundo, je crois que ce qui importe aux yeux des Sénégalais, ce n’est pas de savoir qui a perdu quoi en se sacrifiant pour Macky Sall, qui est détenteur d’une médaille de compagnon de la première heure. C’est la conduite des affaires publiques et l’amélioration de leurs conditions de vie qui intéressent ceux les Sénégalais. Et à ce niveau, ceux qui étaient là hier, comme ceux qui sont venus, aujourd’hui, ont leur rôle à jouer. J’ai assisté à tout, mais, ces histoires de membres fondateurs ou guerriers de la première heure, ça ne m’emballe pas.
Ceci dit, je vais déroger à ma règle de conduite en vous racontant quelques faits, et c’est la première fois de ma vie que je vais le faire. Ils peuvent vous éclairer sur mon attitude.
En 2006, ça faisait presque dix ans que nous étions amis, Aliou Sall et moi. Revenant de Chine, il m’a embarqué pour aller à Fatick rendre visite à notre défunte mère Adja Coumba Thimbo. Nous avions en parallèle une mission : faire un détour à Darou Moukhty, pour prendre langue avec Modou Diagne Fada, un ami commun, qui était brouillé avec le Président, alors Premier ministre. Après des allers-retours entre Fatick et Kaolack où nous allions vadrouiller, au moment de rallier Dakar et prendre congé de la maman, elle m’a demandé de tendre les mains pour recueillir ses prières. A la fin, elle m’a dit : «Restez toujours ensemble». Ce pacte me lie à vie.
C’est la dernière fois que Aliou Sall voyait sa mère. Moins d’un an après, elle était rappelée à Dieu. Lorsque la nouvelle est tombée, j’étais malade et hospitalisé. J’ai quitté l’hôpital en catimini. Après la levée du corps, lorsque Macky m’a vu, il m’a demandé de ne pas faire le voyage pour venir à Fatick. J’ai dit oui, avant de passer outre sa directive et d’embarquer dans ma voiture avec Abdou Mbow. J’étais là aux cimetières de Fatick pour la mettre sous terre, aux côtés du Président, côte à côte avec Abdou Mbow, Ousmane Ngom, Diègane Sène, entre autres. C’est un pacte scellé, il y a treize ans. Jamais, je ne le briserai.
Aliou Sall, même s’il arrivait qu’il ait tort, et ce n’est pas le cas ici, et qu’il soit pris dans une tempête annonçant un naufrage, j’attendrais qu’on atteigne le rivage pour lui dire mes quatre vérités. Et c’est ainsi que nous avons toujours fonctionné depuis plus de vingt ans. Je ne manque jamais de lui dire les grosses erreurs qu’il a l’habitude de commettre. Peu importe qu’il fasse comme moi à mon égard, l’essentiel est que je serai toujours à ses côtés au moment du péril pour me conformer au pacte que j’ai scellé avec sa défunte mère dont ma fille porte le nom.
Il a commis quelles erreurs selon vous ?
La plus grosse erreur qu’il a faite, c’est sans nul doute aller à la conquête de la mairie de Guédiawaye. Il n’avait pas à faire ça. Connaissant l’Apr en profondeur, dès qu’il m’a fait part de sa volonté, je lui ai dit de ne pas y aller. Et je redoutais qu’il soit battu. Notre ami commun, l’ancien journaliste Alassane Diallo, de même que Racine Talla sont mes témoins.
Mais, Aliou Sall a un autre défaut : il est parfois entêté et de manière déraisonnable. Je savais, et lui ne l’ignorait pas, que ses pires adversaires, pour ne pas dire ennemis, étaient en notre sein. Et, chose non négligeable, le Président ne voulait pas qu’il entre dans cette compétition. Mais, il m’a dit : «Boy, j’ai besoin de ton soutien. C’est important». Finalement, lorsque j’ai compris qu’il n’allait pas renoncer, j’ai foncé à ses côtés.
La deuxième grosse erreur, c’est l’attitude qu’il a eue avant que n’éclate cette affaire. On n’attend jamais l’ennemi qui s’apprête à vous donner un coup. Nous étions au courant du complot. Et jusqu’au jeudi qui a précédé la diffusion, le dimanche, de la vidéo, mes inquiétudes étaient vives. Depuis la Mecque où il se trouvait, nous étions connectés en permanence au téléphone. Il croyait dur comme fer que Bbc allait respecter son engagement de diffuser la vidéo le lundi. C’était un leurre. Il croyait que Bbc allait prendre en compte toutes ses réponses. Encore un leurre. Pour preuve, ils n’ont extrait que deux phrases d’un document de quinze pages. Mais, Aliou Sall aime attendre, recevoir des coups, les digérer et enfin, si seulement il se décide à riposter, penser à le faire. C’est l’une des raisons de tous ses problèmes. Cette attitude ne paye jamais en politique.
Que pouvait-il faire dans le cas d’espèce ?
Nous avons une connaissance commune, qui nous a vus grandir, parce qu’elle nous a connus adolescents, dans les années 70, Aliou Sall à Fatick, et moi à Richard-Toll. Ensuite, à la fin des années 90, il a corrigé nos textes alors que nous étions journalistes débutants dans la même rédaction de L’Info7. C’est Babacar Justin Ndiaye. Un jour, il m’a dit une chose que je n’ai jamais oubliée : «Jeune homme, Charles Pasqua a dit : “Quand on est emmerdé par une affaire, il faut susciter une affaire dans l’affaire, et si nécessaire une autre affaire dans l’affaire, au point que personne ne comprenne rien à l’affaire”».
Ce n’est pas le pouvoir qui a fait sienne cette posture face à une opposition toxique, nullement intéressée par la vérité. Parce qu’elle est emmerdée, traumatisée du fait d’être battue à plate couture à chaque élection depuis 2012, alors, elle invente affaire sur affaire. Et malheureusement, trop souvent, nous nous contentons de réagir. Sur le moment, les dégâts sont considérables et déroutants. Heureusement pour nous, en fin de compte, la maturité des Sénégalais, qui savent où mettre leurs bulletins de vote, fait la différence.
Plus explicitement, dans cette affaire, dès lors qu’on a deviné l’intention de ceux qui sont en face, il fallait attaquer et les dénoncer. Il importait peu de savoir le contenu exact de la vidéo ; les questions suffisaient à donner une nette orientation.
Le pouvoir semble être dans une posture offensive avec la publication de deux communiqués en quelques heures, en ce moment personne n’a eu écho des représailles contre la Bbc promises par Aliou Sall lors de sa conférence de presse…
Sur le communiqué du ministère de la Justice, je ne ferai pas de commentaires. Comme disent les Wolofs : «Seetane mo dax ci ndajee». Qui vivra verra. Seulement, je prie Dieu que ce qui va suivre révèle au grand jour toutes les trahisons et leurs auteurs.
S’agissant du communiqué de la Commission de Surveillance de la Cdc, je dis que Dieu fait bien les choses.
En ce qui concerne les actes que va poser Aliou Sall, aujourd’hui, mardi 11 juin 2019, dans la matinée, si vous vous intéressez à ce qui se passe au Royaume-Uni, vous saurez qu’il ne parlait pas en l’air.
Soyez plus explicite…
Aujourd’hui, s’il plait à Dieu, Bbc aura des nouvelles de Aliou Sall.