REPORTAGE. Le Point constate qu’alors que les températures élevées entraînent fermetures de classes et reports d’examens en France, au Sénégal, pays sahélien et côtier, la vie scolaire suit son cours avec pas plus de mesures supplémentaires que ça.
Le thermomètre parisien affiche 35 degrés à l’ombre en ce début d’été. Des températures record, jamais connues pour un mois de juin en France. Alerte canicule ! Les directeurs d’école ont reçu des recommandations pour le bien-être des enfants : les garder au maximum dans une ambiance fraîche, limiter l’exposition au soleil, équiper les classes de thermomètres… Par précaution, des centaines d’établissements ont même décidé de fermer leurs portes pour les deux derniers jours de la semaine. La canicule inquiète… Mais comment font les écoliers en Afrique et notamment au Sénégal où le mercure passe souvent la barre des 35 degrés ?
La chaleur est-elle un « sujet » pour les écoliers africains ?
Dilia est étudiante en médecine, elle a grandi dans la région de Dakar. « Pour nous, quand il fait plus chaud, on se dit juste : “Oh, il fait plus chaud aujourd’hui.” » La chaleur n’est pas vraiment un sujet, selon elle, tant les gens y sont habitués. Par ailleurs, le Sénégal bénéficie d’une certaine stabilité climatique : « Le temps est régulier, on sait quand il va faire très chaud, entre juillet et septembre. On est préparés aux vagues de chaleur. »
Dilia a fait toute sa scolarité à Dakar où les températures sont « relativement basses par rapport au reste du pays ». Elle enchaîne : « À Dakar, les thermomètres montent rarement au-dessus de 35 degrés, au pire 40 degrés, mais c’est très rare. » Ce qui est déjà une cote d’alerte canicule en France.
Concrètement, « une maman ne va pas habiller son fils en pull de la tête aux pieds pour aller à l’école » un jour où il fait 35 degrés ». Mais c’est tout. L’étudiante en médecine est sensibilisée et préparée à de nombreux problèmes sanitaires du quotidien, la pollution, par exemple. Mais la chaleur ? « Non, on n’a aucun type de prévention pour les écoles ! » répond-elle.
« Quand il fait très chaud, rien ne change à l’école »
John Paul, élève de CM1 dans la région de Dakar, a du mal à comprendre quand on lui demande comment il supporte la chaleur à l’école. « Ben, il fait tout le temps chaud ! » s’étonne-t-il. Il a 9 ans, il est d’origine sénégalaise, mais a suivi le début de son parcours scolaire en France, jusqu’au CE1, à Paris. Depuis deux ans, il vit au Sénégal et confie n’avoir pas eu de difficultés à s’adapter au changement climatique.
Il raconte sa journée type d’école en Afrique : lever 6 heures, car scolaire, début de l’école à 8 h 30, récréation, exercices de français, pause déjeuner… Si sa journée change lorsque le mercure grimpe ? Pas du tout. Même sa tenue reste sensiblement la même : un uniforme avec pantalon, tous les jours de l’année. Seul le gilet varie, il est à manches courtes pour les périodes les plus chaudes. Marie-Angélique, élève en CE1 sur la Petite-Côte, raconte la même chose, les filles ont simplement le droit de choisir entre jupe ou pantalon.
Alors qu’en France des directives ont été données aux enseignants concernant les récréations et l’exposition au soleil, dans l’école de John Paul, rien ne change. « On nous dit simplement d’aller en récré, mais on ne nous dit jamais de faire attention à la chaleur. » Pas de mise en place de « kit canicule » ou de liste de recommandations particulières donc.
Et du point de vue de l’hydratation ? Marie-Angélique explique qu’au fond de la classe il y a un seau d’eau avec un pot. À l’heure de la récréation, « on fait la queue et on peut boire chacun son tour ». Pendant le temps de classe, les enfants peuvent demander à aller boire, mais « personne ne le fait », précise la petite fille. Pour sa part, John Paul va à l’école avec sa gourde, comme les autres enfants de sa classe. Mais les jours les plus chauds, il en emporte deux.
Dilia explique qu’il serait difficile de mettre en place des actions particulières contre la chaleur dans les écoles à travers le pays. Prenez l’exemple de l’eau : « On pourrait penser que, comme il fait chaud, on en met à disposition pour les enfants dans les écoles… Mais dans de nombreuses régions du Sénégal, l’accès à l’eau est si difficile que c’est impossible. »
Des écoles à l’architecture différente
Parfois, au moment de la pause John Paul se passe de l’eau sur le visage pour se rafraîchir. Au retour de l’école, il prend une douche froide à la maison. De son côté, Maire-Angélique ne sait pas quoi répondre à la question « que fais-tu quand tu as trop chaud à l’école ? » tant la réponse semble être évidente : rien de particulier.
Les enfants sont plus habitués à supporter des températures extrêmes, qu’ils considèrent d’ailleurs comme normales. Mais les établissements sont organisés différemment : le bâtiment possède des « fenêtres plutôt moyennes », décrit John Paul, pour ne pas trop laisser entrer la chaleur. L’école et sa classe sont équipées d’un ventilateur au plafond, et la cour est ombragée. Celle de Marie-Angélique n’a pas de ventilateurs, mais beaucoup d’arbres pour la garder au frais.
Cela dit, la période la plus chaude (à partir du mois de juillet) n’est pas une période scolaire. Les élèves sont en vacances vers la mi-juin. Alors que la pluie se fait attendre sur la Petite-Côte, les plages de Mbour à Saly sont envahies de jeunes vacanciers locaux venus se rafraîchir dans l’océan. Dilia plaisante : « Pour nous, le vrai problème, c’est quand le thermomètre descend à 18 degrés, tout le monde râle qu’il fait trop froid et que ça complique tout ! »