Face à ce qu’Emmanuel Macron appelle « l’extension de la menace terroriste au Sahel », Paris et Berlin ont annoncé un soutien plus important au G5 Sahel. Mais ils ont également appelé à un nouveau partenariat « élargi » aux pays voisins de la région. Dont le Sénégal qui avait vu sa demande d’adhésion au G5 Sahel ignorée.
S’exprimant au sommet du G7, Emmanuel Macron et Angela Merkel ont évoqué l’importance de mieux armer et mieux former les militaires et policiers de la région. Mais ils ont également expliqué qu’il fallait épauler les pays de toute la région. Ils reconnaissent que beaucoup de pays de la Cédéao sont touchés de près ou de loin par l’instabilité au Sahel.
Le président Macron a expliqué qu’il fallait redéfinir le « périmètre de sécurité ». En clair, la France et l’Allemagne souhaitent associer les pays du Golfe de Guinée, notamment le Sénégal, la Côte d’Ivoire et le Ghana, aux efforts du G5 Sahel.
La force de l’initiative prise aujourd’hui c’est qu’elle élargit le périmètre de sécurité compte tenu de l’évolution terroriste, et en particulier, elle permet de réengager dans l’aspect sécuritaire les membres de la Cédéao.
Cette main tendue aux pays côtiers de l’Afrique de l’Ouest est une nouveauté. Mais pour faire quoi exactement ? Cela n’est pas encore clair. En principe, cela sera décidé lors d’une rencontre franco-allemande avant la fin de l’année. Un sommet de la Cédéao qui doit avoir lieu à la mi-septembre à Ouagadougou doit lui se pencher sur la création d’une large coalition militaire englobant les Etats du G5 et quelques uns de leurs voisins.
Le président ivoirien, Alassane Ouatarra, a déjà plaidé pour « une synergie » entre G5 Sahel, Cédéao et Afrique centrale, évoquant même la participation du Cameroun. De son côté, le président Kaboré du Burkina Faso, invité au G7, a rappelé l’importance de trouver une solution politique à la crise libyenne, indissociable de l’insécurité au Sahel.
C’est une gangrène qui se propage et nous avons estimé qu’il était important que l’ensemble des partenaires trouvent une solution à la question libyenne qui nous permette de freiner la progression du terrorisme non seulement dans le Sahel mais aussi dans les pays côtiers qui nous environnent.
Pour Angela Merkel, pas question toutefois d’envoyer plus de soldats dans la région. Environ 200 militaires allemands soutiennent déjà la mission des Nations unies au Mali. Vu de Berlin, c’est suffisant. Pour l’instant, la France et l’Allemagne cherchent encore à convaincre d’autres bailleurs de fonds et pas seulement au sein du G7 à s’engager en faveur de ce nouveau partenariat pour le Sahel.
Un partenariat qui reste trop vague aux yeux des ONG. Au lieu de mettre l’accent sur des considérations stratégiques, Paris et Berlin auraient dû, à leurs yeux, annoncer une initiative pour lutter contre les inégalités. Thème officiel de ce sommet de Biarritz.
Malheureusement, avec ces annonces qui ont été principalement fixées sur un agenda sécuritaire, on passe encore à côté de l’opportunité de changer le logiciel d’intervention, de soutien, d’appui à la région du Sahel. Nous sommes très déçus.
Pour le chercheur Mahamadou Sawadogo, spécialiste des questions de sécurité au Burkina, le G5 est arrivé à un tournant de son fonctionnement. Et ces changements sont « inévitables ».
« C’est nécessaire qu’on prenne en compte les pays côtiers qui sont déjà infectés. C’est une obligation pour les membres du G5, sinon la lutte ne peut pas être totale. Je suis convaincu que le G5 Sahel, dans sa formule actuelle, va devoir muter sous une autre forme ou bien disparaître. Dès la conception du G5, nous, les chercheurs, nous avons critiqué le fait que ce soit fermé alors que la menace est mutante et mouvante. La complexité est là. »
Une question sur laquelle « joue un peu Emmanuel Macron pour essayer de voir quelle est la solution la plus plausible pour ne pas perdre la face en supprimant le G5 et en même temps se servir du G5 pour aider les pays qui sont en train d’être envahis par les groupes terroristes, c’est-à-dire les pays côtiers », analyse analyse Mahamadou Sawadogo, « Je pense que c’est une formule qu’ils sont en train de chercher, poursuit le chercheur. Mais en réalité, ce sont des pays qui vont être englobés par le G5. »