Samba Diabaré Samb n’est plus. Le griot laudateur et virtuose du Xalam a été rappelé à Dieu cette nuit à son domicile aux HLM à Dakar. Agé de 95 ans, Samba Diabaré Samb était aussi un formidable historien.
Samba Diabaré Samb fait partie de la race des Grands Seigneurs, tant il a su prendre corps avec son instrument et dominer son art. Le fils de Sally Samb et Coumba Guèye Guissé a vu le jour en 1924 à Mouye, une bourgade située à 25 Km de Dahra Jolof. Ce grand Gawlo est à la fois musicien, moraliste, généalogiste et poète. Il a très tôt appris et maitrisé les secrets du Xalam, son instrument de prédilection. Ilse raconte que c’est à l’âge de dix ans qu’il a conquis le Roi Sidy Alboury Ndiaye. C’était en 1934 à Sagatta. Après avoir bercé le repos du Bourba parses belles notes de Xalam, il lui demanda la permission de ne plus aller à l’école française. Ce dernier, envouté par le charme de sa voix, lui rétorqua qu’un grand Gawlo comme lui n’avait pas besoin d’aller à l’école française. Ainsi démarra en 1934 la fulgurante carrière de ce monstre sacré de la culture sénégalaise. Il arpente les cérémonies familiales pour distiller de belles notes. Sept ans plus tard, il rejoint la capitale sénégalaise par l’entremise de Marième Sidy Ndiaye, la fille de Sidy Alboury. Très vite, ce fervent disciple Tidjane, qui a été éduqué par Serigne Mansour Sy Ibn Maodo, gagne en notoriété. Il a toujours clamé sa proximité avec le père de Serigne Mbaye Sy Mansour, l’actuel Khalife général des Tidianes. « Ce marabout reste encore l’une de mes références, il m’a éduqué. C’est pourquoi dans ma carrière musicale, j’ai toujours évité de me mêler des futilités. Je ne courais pas les filles, je n’ai jamais fumé ni bu la moindre goutte d’alcool. J’ai toujours essayé d’avoir une vie saine et cela me sert beaucoup dans mes années de vieillesse. » aime-t-il seriner à chacune de ses rares interviews.
HISTORIEN EMERITE
Son talent inné lui permit de gravir rapidement les échelons. Il est vite repéré par le célèbre journaliste Alassane Ndiaye Allou qui le coopte. Ensemble, ils animent l’émission « Regardssur le Sénégal » sur Radio Sénégal, l’ancêtre de la RTS. Samba Diabaré Samb n’était pas seul dans cette belle aventure. Il avait à ses côtés d’éminents membres du regroupement des « Jeunes Griots du Sénégal » de l’époque à savoir : Ali Bata Mboup, Mor Dior Seck, Abdoulaye Nar Samb, Amadou Ndiaye Samb, Assane Marokhaya Samb, Kani Samb et plus tard El Hadji Mansour Mbaye. Tout ce beau monde participait activement à la réussite de cette belle tribune dédiée à l’histoire du Sénégal. Le succès est fulgurant et au moment de mettre sur pied l’Ensemble lyrique traditionnel, le Président poète, Léopold Sédar Senghor, qui l’avait dans son collimateur, le recrute parmi les membresfondateurs de ce célèbre ensemble. Samba Diabaré fait partie des membres fondateurs de cette grande entité en compagnie d’autres sommités comme Amadou Ndiaye Samb, Ablaye Nar Samb, Lalo Kéba Dramé, Soundioulou Cissokho etc. Cependant, cinq années plus tard, il démissionne avec fracas suite à un désaccord avec le Directeur de l’époque, Maurice Sonar Senghor. Il n’était pas seul. Il avait quitté ce temple de la culture en compagnie d’artistes comme Lalo Kéba Dramé, Abdoulaye Nar Samb, Fambaye Issseu Diop et Astou Ndiéguéne Gning. Sans perdre de temps, Samba Dabaré et ses amis comme Amadou Ndiaye Samb lancent l’Association Culturelle et Artistique du Sénégal (ACAS) communément appelée la CASE par le grand public. Dans le livret qui accompagnait la sortie de son album « Le maitre du Xalam », produit par le ministère de la Culture, il est rappelé que Samba Diabaré Samb avait été choisi avec son frère Amadou Kani Samb pour représenter le Sénégal à la huitième édition du Festival mondial de la jeunesse et des étudiants en 1962 à Helsinki en Finlande. Par la suite, il a été à Lausanne en Suisse, au Congrès des Noirs Américains aux Etats-Unis, au Congo-Brazzaville, au Maroc, en Angleterre… Cet opus de douze titres enregistré en 2006 et sorti l’année dernière, comprend des classiques comme « Lagiya », « Saaraba », « Taara » « Dombaa » ou encore « histoire du xalam » des airs musicaux collés à ce virtuose du xalam. Au cours du lancement de cet unique CD de l’artiste, le Dr Massamba Guèye avait fait un vibrant témoignage sur l’homme Samba Diabaré Samb connu pour son humilité légendaire. «Samba Diabaré est le symbole de l’humilité artistique et sociale. C’est quelqu’un qui a joué devant les grands Présidents du monde… Ce que je retiens de lui, c’est qu’il ne fait pas de fausses notes et il est d’une grande humilité sociale et religieuse ! Ce qui fait que quel que soit le spectacle, à l’heure de la prière, lui va prier. Il fait partie du cercle restreint des grands de ce monde, ce qui a fini par faire de lui un trésor humain et vivant de l’humanité. Il est temps que le Sénégal inaugure une rue en son nom».
LES DRAMES DE SA VIE
Pourtant derrière cette éternelle bonhommie et cette simplicité reconnue par tous, le vieil homme a vécu de nombreux drames. Marié à trente -deux ans à la dame Sally Ndiaye pour un laps de temps très court, il convole avec Aida Mboup, une proche parente de la mère de Youssou Ndour. Ce dernier a d’ailleurs rendu un vibrant hommage à son oncle dans son album « Fatéliku ». Cette femme qui est l’homonyme de sa petite fille Aida Samb est rappelée à Dieu peu de temps après. Par la suite, le vieux épouse la dame Tanta Mbaye qui décède. En 1972, il épouse la dame Seynabou Mbaye, la petite sœur de sa défunte épouse Tanta Mbaye. Depuis, il vivait avec cette derrière dans sa modeste demeure des HLM. Il reconnait lui- même que la disparition de ses deux épouses constitue le plus grand drame de sa vie. Le maitre n’a pas eu de garçons mais sa petite fille Aida Samb marche allégrement sur ses traces et essaye tant bien que mal de perpétuer son héritage. Celui que le Président Abdou Diouf adorait a toujours été discret et même s’il était ami avec l’ancien Secrétaire Général de l’OIF, qui le surnommait le chanteur à la voix d’or, il n’a jamais été très présent sur le champ politique. Considéré par le défunt Omar Bassoum comme une référence, il reste et demeure un modèle d’humilité et de dignité. Ce trésor humain vivant de l’UESCO mérite tout le respect et la considération de son pays auquel il a tout donné.
LE XALAM SELON SAMBA DIABARE SAMB
-« Le Xalam est un instrument qui recrée le passé. Il a le pouvoir de galvaniser les contemporains en faisant revivre les beautés de notre continent afin de faire jaillir les facteurs qui lui permettent d’évoluer sur le plan culturel et humain » – « Il faut le talent mais aussi être possesseur d’un don pour maîtriser le xalam. C’est un instrument d’une complexité déroutante. D’ailleurs, si les Européens qui ont réussi à jouer de la kora et du balafon butent sur le xalam, c’est parce qu’une part de notre histoire s’y trouve. D’où toute l’attention que nous devons porter à cet instrument pour le préserver, tout en essayant de le vulgariser en communiquant aux jeunes générations la beauté de cet instrument… »