PARCOURS – Marianne Bathily, entrepreneure sénégalo-française : de la galère du salariat au succès à la tête des agences EXP

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La fratrie Bathily, entrepreneuse dans l’âme. DR

« Je viens d’une famille métissée, avec un père sénégalais, soninké, et une mère française, de Clermont-Ferrand. Les Soninkés sont un peuple de voyageurs, de commerçants, ce sont un peu les Auvergnats du Sénégal !

Je me sens à la fois très sénégalaise et très française, aussi à la l’aise dans la cueillette des champignons, que dans le surf et la célébration du magal ! J’ai surtout grandi au Cameroun et puis j’ai vécu quelques années au Sénégal où j’ai passé mon bac. Mon frère, ma sœur et moi, nous sommes tous partis en France pour nos études mais nous avons été élevés dans l’idée de rentrer. Il y avait cette injonction « votre place est ici, au Sénégal, pour apporter quelque chose à votre pays ». Mes parents nous ont transmis l’idée que tout est à faire ici, même le « rien » doit être vu comme l’opportunité de faire quelque chose.

J’ai fait deux années de prépa en France avant d’intégrer l’école de commerce Skema Lille. Je suis rentrée au Sénégal à 23 ans en 1996. J’ai d’abord effectué des stages puis occupé quelques postes, notamment chez Citybank et Mobil. Puis je me suis lancée dans l’aventure entrepreneuriale avec Exp. Momentum, une société lancée par le sud-africain Ron Boon. Ils cherchaient un country manager au Sénégal. Et maintenant je suis la directrice régionale pour la zone Afrique francophone. Nous faisons du marketing direct et opérationnel (animation des points de vente, promotion itinérante sur le terrain…) pour différentes marques.

Il m’a fallu apprendre sur le tas, le recrutement, la gestion du personnel, la comptabilité, l’organisation en départements…

Bien sûr, en tant que femme, on se pose toujours la question « est-ce le bon moment ? », « vais-je arriver à tout concilier ? ». Mais je crois que si on attend le moment vraiment propice, on ne se lance jamais. Donc j’ai décidé qu’il fallait le faire maintenant et faire tout en même temps, mon travail, ma vie d’épouse et de mère. Alors, bien sûr, j’ai peu dormi, j’étais souvent fatiguée mais j’avais aussi de bons partenaires à la maison pour m’aider et tout mener de front. J’ai décidé de ne renoncer à rien et aujourd’hui, je suis fière de mon poste et de mes trois enfants, aujourd’hui âgés de 18, 16 et 15 ans.

Les premières années, j’ai beaucoup travaillé (NDLR : y compris chez TOTAL), beaucoup voyagé. J’ai fait beaucoup d’erreurs aussi, mais ces échecs ont été formateurs, utiles ! Aujourd’hui la franchise Exp. en Afrique francophone, c’est 40 personnes au Sénégal, Côte d’Ivoire, Guinée, Cameroun, Togo.. Ma sœur m’a rejointe dans l’aventure quelques années après sa création. Nous formons un excellent tandem. A moi, la partie direction générale et le commercial et à elle, la direction financière et les opérations. De son côté, mon frère, Bagoré Bathily a créé en 2015 la Laiterie du Berger, avec le succès que l’on connaît.

Dans l’entrepreneuriat, j’estime qu’il y a une façon de manager plus adapté aux impératifs des femmes que dans le corporate. Plus de flexibilité et plus d’efficacité !

Pour mettre en avant l’entrepreneuriat au Sénégal, j’ai lancé SenTalk Show. Dakar est une ville en pleine croissance, en révolution créative permanente, même si bien sûr il y a du chaos à la marge. Je constate avec regret que trop souvent les jeunes et les vieux disent que c’est mort au Sénégal. On ne croit pas en l’avenir ici. Pourquoi aussi peu de gens de ma génération sont rentrés ? Pourtant, si vous regardez autour de vous, il existe des porteurs de succès, mais ils ne le communiquent pas, même à l’intérieur de leur propre famille. D’où l’idée des SenTalk Show. Mon objectif est de convaincre les jeunes, les étudiants que quelque chose est possible et de mettre à mal les aprioris négatifs sur l’Afrique. Je veux faire évoluer les paradigmes. Il y a un vrai cancer aujourd’hui dans la société sénégalaise, une manière de se voir catastrophique, qui maintient dans l’enfance prolongée et empêche la prise de responsabilité individuelle. Il faut élever les jeunes avec un esprit de conquête.

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La troisième saison de SenTalk Show se prépare…DR

Sans doute mes racines françaises m’ont-elles aidé à apprendre à me révolter, à faire des grèves, à faire bouger les lignes. Il faut s’aimer et ne pas copier le pire de l’Occident, l’Afrique doit trouver ses propres voies de développement. Les challenges à relever sont partout. L’Afrique ne sera pas la championne de la productivité ou de la production industrielle, mais elle peut le devenir en termes créativité, de développement équitable et écologique. On a besoin de l’éveil des citoyens, car on ne peut réussir qu’ensemble.

Oui, je crois à la force de l’Afrique et à l’esprit d’entreprise. Il faut essayer, car c’est en ratant qu’on apprend. Oui, je crois à une Afrique positive. Et j’invite les jeunes à lutter contre la sinistrose et à s’inscrire dans cette dynamique positive.

Quelques personnes m’ont particulièrement inspirée dans mon parcours. Par exemple, une phrase que m’a dite Madame Wade lorsque j’étais encore jeune, m’accompagne quotidiennement : « occupe-toi d’un problème que lorsqu’il est vraiment arrivé ».

Parmi mes mentors et sources d’inspiration, je voudrais également citer Nelson Mandela. Il a toujours su rester dans le positif. L’amour et la reconnaissance malgré tout, malgré l’emprisonnement et qui sauvent de tout.

Michèle Obama est également un modèle pour moi. A l’occasion de l’investiture de son mari, elle a porté des tenues de petits créateurs, issus des minorités. Ce fut un message très fort : tout est et peut être politique. C’est une invitation aussi à consommer local, dans nos pays, plutôt que d’importer massivement.

Tract (avec LPJ)