Le journaliste Toufik Benaichouche hors antenne-vie, à 63 ans

Les hommages se multiplient depuis l’annonce de la mort de notre confrère Toufik Benaichouche, disparu mercredi à l’âge de 63 ans. Ses confrères de RFI et d’ailleurs se souviennent.

Grand reporter à RFI, Toufik Benaichouche s’est éteint des suites d’une longue maladie, mercredi 4 décembre, à l’âge de 63 ans. Ce vendredi matin, RFI lui a consacré une édition spéciale. Ses confrères du desk Proche-Orient, Murielle Paradon, Nicolas Falez et Sami Boukhelifa ont raconté, émus, un peu de l’homme et du reporter. 

« Une grande bienveillance »

Arrivé en 1994 à RFI, Toufik Benaichouche a donc couvert de nombreux conflits en tant que grand reporter, avec une prédilection pour le Moyen-Orient. Au début des années 2000, il est l’un des envoyés spéciaux de la radio dans les Territoires palestiniens et en Israël et couvre les soubresauts sanglants de la deuxième intifada. « C’était le début de la deuxième intifada. Nous étions ensemble devant le commissariat de Ramallah, se souvient Thierry Oberlé, grand reporter au Figaro. L’ambiance était très tendue. Il y avait eu des lynchages de colons juifs. Et un hélicoptère israélien s’est positionné au-dessus du commissariat pour balancer des roquettes. On a pris notre voiture avec notre chauffeur et on s’est réfugiés près d’une mosquée en se disant qu’ils ne tireront pas sur la mosquée. Moi je me souviens que j’étais assez anxieux et Toufik était d’un calme olympien. Il disait : De toute façon, Thierry, tu sais, c’est le destin ».

« Toufik est pour moi un ami de toujours depuis l’école de journalisme de Strasbourg. On s’est retrouvé ensuite à travers l’Algérie, beaucoup sur le terrain en Irak et aussi en Cisjordanie », poursuit-il. L’invasion américaine de l’Irak en 2003 et les années de chaos qui suivent ont aussi mené le journaliste dans ce pays.

« C’était une personnalité monumentale, quelqu’un d’une grande sensibilité, d’une grande tendresse, d’une grande bienveillance. Et c’est la bienveillance qui transparaissait toujours », se souvient le grand reporter au Figaro.

« Simple, modeste et efficace »

Rencontré lors de la deuxième intifada au début des années 2000 en Palestine et en Israël, Jean-Pierre Perrin, journaliste indépendant et écrivain, se rappelle de « cette période absolument intense », avec Toufik Benaichouche.

« Chaque jour, il se passait quelque chose et j’ai beaucoup apprécié à la fois sa simplicité, son humilité, sa capacité de coopération. Beaucoup de grands reporters ont un ego qui enfle un petit peu à la mesure des événements qu’ils suivent. Lui, pas du tout. Il est toujours resté simple, modeste, efficace et ça a toujours été un formidable compagnon de travail », se remémore-t-il.

Le journaliste Jean-Pierre Perrin raconte leur affection commune pour l’Afghanistan. « Il avait rencontré, coincé dans la vallée du Panshir, un émissaire iranien, probablement un membre des services secrets iraniens qui était venu voir Massoud [Commandant du Front uni islamique et national pour le salut de l’Afghanistan, NDLR]. Ensemble, ils avaient parlé. Il avait découvert que cet homme était capable, bien que persan, de lui donner chaque nom des étoiles au-dessus de leur tête, et dieu sait qu’il y en a des étoiles au-dessus de Panshir. Cela l’avait beaucoup impressionné. C’est de la poésie. Et la poésie faisait partie du personnage de Toufik. »

Un sens du récit

Sur ces zones de conflit, son sens du récit permet aux auditeurs de comprendre les enjeux mais aussi d’entendre la dimension humaine des événements. Toufik Benaichouche raconte les hommes, les femmes, et les enfants touchés par la guerre. Il porte sur eux un regard d’une grande tendresse.

Olivier Weber, écrivain et grand reporter avait rencontré Toufik sur des terrains de guerre. En 2017, il organisait une expédition pour un groupe de malvoyants et de malentendants, en ski de fond, sur le lac Baïkal dans le sud de la Sibérie, par des températures atteignant les moins 30 degrés. « Il n’y avait qu’une seule place pour cette expédition pour un journaliste. Et naturellement, avec beaucoup de propositions, mon regard s’était porté vers Toufik », raconte Olivier Weber avant de poursuivre : « Le seul problème, il y en avait deux même, c’est que Toufik n’aimait pas le froid, et deuxièmement, il n’était jamais monté sur les skis de randonnée. Et malgré cela, il avait dit oui tout de suite. C’était extraordinaire parce que sa chaleur nous empêchait d’avoir froid ».

Et Toufik disait : « Je n’ai jamais autant ri de ma vie avec vous, les malvoyants, avec vous, les guides de haute montagne, avec toi Olivier. Et c’était extraordinaire, car le rire venait d’abord de lui. C’est lui qui donnait une ambiance incroyable malgré, il ne le disait pas, ses grelottements et le froid qu’il ressentait dans sa chair. Il en avait rapporté un reportage extraordinaire je crois. Je suis fier de l’avoir emmené ».

« C’est formidable pour les jeunes journalistes d’avoir ce genre de modèle et évidemment, poursuit Olivier Weber. Toufik va manquer à tout le monde, et surtout aux auditeurs de RFI »

Tract.sn (avec Rfi)