L’ECO sera arrimée à l’EURO considérée à plusieurs égards comme la monnaie de référence et la France restera le garant financier même si elle déclare se retirer des instances de gouvernance. Toutefois, si l’arrimage permet de mieux maîtriser la volatilité, force sera de reconnaître également que l’action en elle-même induit une forme d’abandon de souveraineté. Considérant cet aspect et celui de la nécessaire poursuite du compagnonnage avec la France, l’on peut aisément conclure que la souveraineté monétaire, chantée sur tous les toits depuis l’annonce du changement, demeure illusoire.
La monnaie est le premier pilote d’une économie. C’est un actif financier qui a un rôle psychologique dans la confiance des populations quant à leur économie. L’arrimage d’une monnaie de référence (euro ou dollar) est à l’image de ce que l’ancre représente pour un navire. Lier le sort de sa monnaie à celui d’une autre permet non seulement de mieux vivre les volatilités, mais permet à celle-ci de bénéficier des largesses de la crédibilité de la devise de référence et des organes autoritaires. L’arrimage offre, quoiqu’on dise, un certain confort nécessaire dans les transactions commerciales internationales. Ce qui sous-entend pour le cas de l’Eco que le vrai problème n’est pas la question de l’arrimage en tant que tel, mais le taux de change, c’est à dire le coût de l’Eco par rapport à l’Euro. Ce taux de change constitue un faux-ami puisqu’il n’a rien d’une égalité absolue entre le FCFA et l’Euro, parce que les fondamentaux du système de change sont, entre autres, les mécanismes ré-équilibrants.
Malgré toutes les supputations deux vérités demeurent quelques que soient les orientations et soubassements du projet de cette nouvelle monnaie: La souveraineté monétaire n’aura pas lieu et l’arrimage à l’Euro est incontournable. Il est donc impensable que l’ECO ne soit pas arrimée à l’euro pour plusieurs raisons : l’existence de deux économies synchronisées entre l’Afrique de la Zone Franc et l’Euro pour ne pas dire la France, le libellé en Euro des dettes extérieures des pays de la zone franc; ou encore leur forte intensité des relations économiques et commerciales… En 2018 par exemple, les pays de la zone ouest-africaine ont absorbé 35% des exportations françaises destinées à l’Afrique subsaharienne, avec un taux de couverture des importations françaises par les exportations à 304 %, pour donner une idée du poids de la France dans les économies des pays de la Zone Franc et vis versa. Le vrai débat aujourd’hui devrait porter sur l’équation du régime de change, ou régime de taux de change et sur l’approche africaine une fois le retrait partiel de la France effectif.
L’équation « régime de change » ou « régime de taux de change ».
Le vrai problème n’est pas l’arrimage, mais le « régime de change », ou « régime de taux de change ». La monnaie européenne au cours élevé demeure un facteur négatif pour les exportations et importations des pays de la Zone Franc. Les Africains espèrent que ce tournant permettra une revalorisation de la valeur de leur monnaie (ECO forte dès le départ). Pour l’Elysée, pas question a priori de revenir sur la « parité fixe » de la devise avec l’euro (1 euro = 655,96 francs CFA qui devra donner donc si l’on suit la « logique élyséenne » 1 euro = 655,96 Eco). La question du taux – très sensible – reste soit en suspens soit passée sous silence d’un commun accord entre l’Elysée et les Chefs d’Etats africains. Dans un régime où le taux de change est fixé par les autorités monétaires (parité fixe) comme c’est le cas actuel avec FCFA, l’équilibre du marché des changes est assuré. Il importe de rappeler que les taux de change fixes favorisent le commerce extérieur en offrant un environnement monétaire stable. Les concernés vendent les devises étrangères si l’offre dépasse la demande des devises ou achètent les devises si l’offre est inférieure à la demande.
Un impératif de conjuguer expérience du FCFA, considération empirique des régimes et orientation économique pour adopter le « format » ad-hoc.
Par ailleurs, même si on alerte avec des supputations tout azimut par rapport au régime le plus stratégique pour « la nouvelle orientation monétaire et économie africaine », selon que la parité demeure fixe ou flottante, la prudence doit être requise. Une prudence à toutes les étapes du processus de mise en place, mais surtout sur la nature même du régime. Car malgré tout ce que l’on peut avancer, une vérité demeure : la difficulté de juger de manière abstraite des bienfaits et des inconvénients d’un système de change (partant des paramètres techniques financiers et non de pures spéculations). Et là même, pour être plus rigoureux, il ne suffit pas de s’arc-bouter sur la nature du système de change pour analyser les avantages et les inconvénients qui en découlent. Et ce pour deux autres raisons très simples : le système monétaire international est extrêmement lié au système financier international et que pour comprendre les avantages et les inconvénients d’un type de régime de change, il faut examiner le mode de circulation des capitaux entre les deux zones monétaires concernées. Ce qui renvoie encore une fois au triangle des incompatibilités de Mundell et Fleming. L’analyse empirique des deux systèmes de change (fixe et flottant) permettra de juger des avantages et des inconvénients de l’un et l’autre, en observant la faiblesse ou la forte mobilité des capitaux.
Pour réussir le pari de la rupture et se doter enfin d’une monnaie plus compétitive, rien n’est plus méditant que la longue expérience du FCFA. Celle-ci doit être mise en confrontation avec une analyse empirique des systèmes de change et mais aussi la nouvelle orientation stratégique des économies africaines. Non sans prendre conscience, encore une fois, des potentialités économiques actuelles et futures (ressources, marchés…) des pays de la Zone Franc.