Quand l’État du Sénégal s’érigera-t-il contre le scandale du rallye Dakar, désormais abrité par l’Arabie Saoudite? (Par Ousseynou Nar Gueye)

Après onze années de pistes sud-américaines, le Dakar se dispute pour la première fois au Moyen-Orient, l’Arabie saoudite accueillant l’intégralité de l’édition 2020 du célèbre rallye automobile. Un mariage qui n’a pas manqué de susciter la controverse chez les Occidentaux, mais la bonne, qu’on aurait plutôt attendu du Sénégal et de ses autorités.

C’est donc une grande première pour le Dakar : l’emblématique rallye raid s’élance à partir de dimanche 5 janvier en Arabie saoudite. Une 42e édition qui suscite la polémique, notamment en raison des manquements du pays dans le domaine des droits de l’Homme. Après avoir sillonné l’Afrique pendant 29 ans, puis l’Amérique du Sud pendant une décennie, le Dakar s’est délocalisé au Moyen-Orient, où il compte rester pour au moins cinq ans.

Côté sportif, la présence de la star de la Formule 1 Fernando Alonso devrait attirer tous les regards, mais pour l’instant, c’est avant tout sur le terrain géopolitique que la course, organisée par la société française Amaury Sport Organisation (ASO), fait parler d’elle cette année.

Le choix du pays a en effet attisé les critiques, le royaume étant régulièrement pointé du doigt pour des atteintes aux droits humains malgré les récentes réformes initiées par le prince Mohammed ben Salmane et une diplomatie sportive très dynamique.

Des ONG redoutent que l’organisation du Dakar n’offre à l’Arabie saoudite une vitrine publicitaire au moment où le royaume ultraconservateur, toujours associé à l’affaire Khashoggi, cherche à changer son image pour attirer les touristes internationaux.

« Faire oublier les crimes du régime »

L’association Human Rights Watch (HRW) s’est par exemple élevée contre une « opération de communication et de diversion visant à faire oublier les crimes du régime ».

Vendredi, l’ONG et plusieurs organisations de défense des droits humains, dont la Fédération internationale des ligues des droits humains (FIDH), ont une nouvelle fois interpellé ASO, France Télévisions, et plus largement l’ensemble des pilotes et spectateurs du Dakar, leur demandant de ne pas « se laisser aveugler par le spectacle sportif » et que la course ne soit pas « une tribune offerte à l’Arabie saoudite pour redorer son image et faire oublier ses crimes ».

Les conditions contractuelles de ce Dakar en Arabie saoudite ne sont pas connues dans le détail. Mais, s’ils sont conscients du caractère controversé de leur choix, les organisateurs préfèrent louer la « volonté d’ouverture » de Riyad, alors qu’un tel événement n’aurait pu se tenir sans les réformes de Mohammed Ben Salmane.

Et malgré la polémique qui accompagne le rallye, la course attire toujours autant de concurrents. Ils seront 351 équipages dans les catégories autos, motos, camions, quads et SSV au départ de la course, dimanche à Jeddah.

Des rives de la mer Rouge, en passant par les grandioses rochers d’Al-Ula et les gigantesques dunes immaculées du Quart vide, la plus grande mer de sable au monde, les plus chanceux rallieront l’arrivée à Al-Qiddiah, 7 800 km et 12 spéciales plus tard.

Mais le vrai scandale, c’est qu’une compétition sportive privée et a but notoirement lucratif ait confisqué la marque Dakar, qui est pourtant un bien collectif du Sénégal. Les autorités de notre pays ne font rien contre ce scandale permanent, qui dure depuis plus d’une décennie. Cela ne montre que le peu d’importance que le Sénégal et son gouvernement accorde à la propriété intellectuelle, dont ils ignorent tout le potentiel financier. En 2012, alors ministre de.la culture et du Tourisme, le chanteur Youssou Ndour avait déclaré que le Sénégal allait intenter des poursuites pour récupérer le patrimoine du nom Dakar. Déclaration qui ne sera pas suivie d’effet. On attend qu’un étranger dépose le nom Senegal ou breveté lankora ou lz salam. Ce qui finira bien par arriver un jour. Et pendant ce temps, les touristes fortunés sénégalais qui vont à Paris continueront d’y acheter un sac siglé Louis Vuitton à 3000 euros, pendant que les sacs en cuir de Ngaye -Mekhé se vendront à 10.000 FCFA. L’ignorance et le laisser-faire sont les pire des causes du sous-développement.

Ousseynou Nar Gueye 

Fondateur de Tract

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Ousseynou Nar Gueye