Lamine Diack comparaît à partir de ce lundi 13 janvier devant le tribunal correctionnel de Paris, après avoir régné durant 16 ans à la tête de l’athlétisme mondial avant d’être rattrapé par les scandales et devenir le symbole de l’affairisme qui a gangréné la fédération internationale (IAAF).
Le premier président non-européen de l’instance de 1999 à 2015, homme politique d’envergure dans son pays (maire de Dakar de 1978 à 1980, parlementaire de 1978 à 1993), a vu son bilan et sa réputation ternis par l’accumulation des accusations ces dernières années. Considéré comme l’un des acteurs clés d’un système de corruption visant à couvrir des cas de dopage en Russie, il est poursuivi pour corruption active et passive, abus de confiance et blanchiment en bande organisée.
Il a aussi été mis en examen pour corruption passive dans l’enquête sur l’attribution des Jeux olympiques de Rio (2016), de Tokyo (2020) et des Mondiaux d’athlétisme 2017.
Une terrible chute pour l’ex-dirigeant, aujourd’hui âgé de 86 ans et qui aimait à rappeler du temps de sa splendeur qu’il avait eu «plusieurs vies».
Sauteur en longueur sous le maillot de l’équipe de France, puis joueur de football -sa passion- et Directeur Technique National de l’équipe du Sénégal après l’indépendance de 1960 (entre 1964 et 1968), Lamine Diack a ensuite mené de pair des carrières prolifiques en politique et de dirigeant sportif national puis international.
Il a ainsi été président du Comité national olympique sénégalais, maire de Dakar, parlementaire et vice-président de la fédération internationale d’athlétisme avant de prendre les rênes de l’instance par acclamations en décembre 1999 à la mort de l’Italien Primo Nebiolo.
– Culture de la corruption –
Mais il aura fallu la fin de ses quatre mandats pour qu’apparaissent au grand jour les soupçons d’une culture de la corruption bien ancrée, avec des ramifications familiales, son fis Papa Massata, réfugié à Dakar, étant lui aussi jugé à Paris pour corruption et blanchiment en bande organisée.
De quoi écorner et décrédibiliser son action au sommet de l’IAAF. Interrogé sur ces affaires lors de sa conférence de presse d’adieu au congrès de Pékin en août 2015, Lamine Diack s’était d’ailleurs emporté, bredouillant explications et justifications qui n’en étaient pas. Aucun de ses voisins, dont son successeur Sebastian Coe, visiblement gênés, n’était intervenu pour sa défense.
«Il laisse une image pas très reluisante pour l’athlétisme, a jugé auprès de l’AFP Bernard Amsalem, ancien président de la Fédération française (2001-2016) et ex-membre du Conseil de la Fédération internationale (2011-2019). Le fonctionnement était très opaque et je pense qu’il a été dépassé par les évènements. Il n’aurait jamais dû confier tant de responsabilités à son fils. D’autres ne l’auraient pas fait. C’est clair qu’il n’a rien contrôlé et que tout cela lui a complètement échappé.»
Une ex-salariée, entendue par la police dans l’enquête, avait eu de son côté cette phrase cruelle pour le vieux lion: «Je pense que Lamine Diack s’est pris pour Robin des Bois, prendre l’argent des dopés pour sauver les Sénégalais, mais cela n’engage que moi».
Malgré le terrible boulet de la corruption, Diack pouvait pourtant se flatter d’avoir mondialisé le premier sport olympique. Sur le plan comptable, les recettes de télévision et de sponsoring se sont ainsi élevées en 15 ans à plus d’un milliard d’euros. Un legs largement écorné par le boulet des affaires, qui ont causé la perte d’importants sponsors à l’IAAF.