L’auteur du code informatique, qui a occasionné des milliards de dollars de pertes au début des années 2000, mène aujourd’hui une vie modeste et discrète à Manille, selon la BBC.
Le 4 mai 2000, le virus « I Love You » s’est propagé aux quatre coins du monde de façon fulgurante. En quelques jours, il a touché les systèmes informatiques du Pentagone, de la CIA, et de grandes entreprises comme L’Oréal, Siemens et Nestlé. Ce petit morceau de code a infecté des dizaines de millions d’ordinateurs, ce qui en fait l’un des virus les plus virulents de l’histoire.
Son auteur est identifié quelques jours plus tard : c’est un Philippin de 24 ans, nommé Onel de Guzman. Il ne sera pas inquiété car à cette époque, la loi de son pays ne prévoit pas ce type de délit. Vingt ans après les faits, un journaliste britannique a retrouvé sa trace à Manille, la capitale, et l’a interrogé sur ses motivations, dans un reportage paru le 4 mai sur le site d’information de la BBC.
SI l’on en croit l’auteur du virus « I Love You », son objectif initial n’était pas de créer un dangereux logiciel malveillant, mais simplement de surfer gratuitement sur Internet. A cette époque, on pouvait se connecter au réseau depuis différentes lignes téléphoniques avec le mot de passe et l’identifiant d’une autre personne. De Guzman aurait envoyé une première version de son virus à quelques cibles afin de récupérer leurs codes, des personnes qu’il fréquentait dans des espaces de discussion en ligne.
Recherche du carnet d’adresses
C’est plus tard que le jeune homme arme son virus pour qu’il se propage automatiquement, fouillant dans les ordinateurs infectés à la recherche du carnet d’adresses du logiciel d’e-mails Outlook pour s’envoyer ensuite à des dizaines de correspondants. De Guzman a l’idée de nommer son virus LOVE-LETTER-FOR-YOU.TXT.VBS. « Je me suis dit que beaucoup de gens veulent un petit ami, qu’ils veulent l’amour », raconte-t-il aujourd’hui à la BBC.
Beaucoup de personnes cliquent en effet sur ce message qui ressemble, si l’on regarde trop rapidement, à un fichier texte « TXT », mais qui se révèle être un morceau de code informatique « VBS » si l’on prend la peine de lire son nom jusqu’au bout. Agressif, le virus infecte la mémoire de l’ordinateur en prenant la place de photos ou de morceaux de musique qu’il détruit au passage. « I Love You » sera responsable de dommages évalués à une dizaine de milliards de dollars.
Onel de Guzman a aujourd’hui 44 ans. Interrogé par la BBC, il exprime ses regrets pour les dommages causés. « Je n’imaginais pas que le virus irait aux Etats-Unis et en Europe. Cela m’a surpris », affirme-t-il maintenant. Il va même jusqu’à confesser… souffrir de sa renommée. « Parfois, ma photo apparaît sur Internet. Mes amis me disent : “Mais c’est toi !” Je suis quelqu’un de timide, je ne veux pas de ça. »
Un petit atelier de réparation
Un discours qui contraste avec celui qu’il tenait plus jeune. En 2000, quelques mois après la création du virus, le jeune homme déclarait au New York Times : « Je crois que je suis devenu une partie de l’histoire des Philippines. Ça ne peut pas être effacé. » A cette époque, les dommages occasionnés ne lui causent pas autant d’états d’âme. De Guzman pointe la responsabilité de Microsoft qui commercialise « des produits vulnérables ».
Le jeune homme s’imagine même un avenir de concepteur de logiciels inviolables. Selon lui, de nombreuses sociétés informatiques ont tenté de le débaucher dans les semaines qui suivent la publication du virus, mais Onel de Guzman ne trouve pas de poste quand son avenir judiciaire s’éclaircit quelques mois plus tard.
Il n’obtient pas non plus son diplôme universitaire après le rejet de son mémoire de fin d’études. Rendu avant la date fatidique du 4 mai, ce mémoire décrivait un programme informatique proche du virus « I Love You ». Son professeur l’avait alors rejeté avec la mention « C’est illégal. Nous ne formons pas de voleurs ».
Onel de Guzman tient aujourd’hui un petit atelier de réparation de téléphones mobiles au comptoir étroit et désordonné. C’est l’endroit où la BBC l’a retrouvé après une longue enquête passant par d’obscurs forums consacrés à l’Internet souterrain philippin, puis par des dizaines d’ateliers à Manille.
Tract (avec médias)