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Minneapolis : Comités de défense contre pillards

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La mort de George Floyd a bon dos. Pillards – blancs comme noirs – et bandits profitent de la situation pour s’adonner des actes de vandalisme. Beaucoup de commerces ont vu leurs marchandise disparaitre en un temps éclair. Pour éviter que les choses n’empirent et que leur vie ne soit menacée, des comités d’auto-défense ont vu le jour à Minneapolis.

Une voiture a avancé lentement dans la pénombre, puis s’est garée de l’autre côté de Lake Street, tous feux éteints. «Qu’est-ce qu’ils veulent ?, s’inquiète Ariel. J’ai vu qu’il y avait quatre hommes complètement masqués à l’intérieur du véhicule». «On les tient à l’œil», marmonne son père, qui s’avance lentement, un pistolet à la main. Deux hommes le suivent, armés de battes de baseball. Un autre braque sa torche sur le véhicule, va parler calmement à ses occupants, puis revient: «C’est des gamins qui cherchent l’embrouille, mais c’est bon, ils sont partis.» Une voisine a assisté à la scène depuis son porche. «Merci les gars de protéger le quartier», vient-elle les féliciter.
Comme toutes les nuits depuis le début de la semaine, ce samedi soir, Ariel, sa famille, des voisins et des amis se sont organisés pour veiller sur une portion de Lake Street. D’autres petits groupes font de même le long de la rue. Dans ce quartier du sud de Minneapolis se sont concentrées les violences et les destructions les plus spectaculaires, au cours de plusieurs nuits d’émeutes cette semaine, déclenchées par la mort de George Floyd lors de son arrestation brutale par la police, lundi. C’est là que se situe le commissariat où travaillaient les policiers impliqués dans la mort de cet Afro-Américain. Le bâtiment, évacué devant l’avancée des manifestants, a été incendié et mis à sac dans la nuit de jeudi à vendredi. La mort de Floyd, catalysant l’exaspération face à des décennies de brutalités policières contre les Noirs aux Etats-Unis, a entraîné des heurts bien au-delà de la plus grande ville du Minnesota. Samedi, des manifestations tendues se sont tenues à Los Angeles, New York, Atlanta ou encore Washington.
Ce samedi sur Lake Street, vers 1 heure du matin, «c’est plutôt calme, à part quelques types louches, note Ariel, un Afro-Américain de 20 ans, installé sous un réverbère avec son groupe d’autodéfense. Mais on est armés, au cas où». Nina, sa mère, raconte qu’elle a dû plusieurs fois cette semaine «supplier les émeutiers de ne pas mettre le feu au garage automobile», mitoyen de leur maison, l’un des rares commerces du quartier à n’avoir été ni pillé ni détruit ni incendié. «Si le garage brûle, notre maison brûle», insiste-t-elle.
Dans ce quartier populaire, ils se sentent «abandonnés»: le maire de la ville et le gouverneur de l’Etat ont affirmé que les forces de l’ordre n’étaient pas en nombre suffisant pour faire face aux émeutiers, ni les pompiers pour venir éteindre tous les incendies. Depuis, des centaines de soldats de la garde nationale ont été déployées dans la ville, en priorité pour protéger les autres commissariats et les commerces. «Ici, on est livrés à nous-mêmes pour se défendre»,constate Nina, qui affirme que la réaction des autorités aurait été très différente si «les mêmes destructions avaient eu lieu dans un autre quartier. Nous, on ne compte pas.» Elle dit néanmoins espérer que les événements permettront «de faire quelques progrès, d’aboutir à des changements à Minneapolis».
Pour Ariel, qui a travaillé dans une pizzeria de la rue aujourd’hui réduite en cendres, «il faut se soulever, manifester. Mais quand ils détruisent des petits commerces, ils détruisent la vie des gens. Ce matin je suis allé marcher dans le quartier, j’en ai pleuré. Si on veut du changement, il faut s’en prendre à ceux qui ont le pouvoir de faire ces changements: la police, le gouvernement. Mais là, ils font juste du mal à la communauté.» «Surtout que la situation était déjà catastrophique avec le Covid, avec tous les gens qui se sont retrouvés au chômage…»,complète Nina.
Depuis la mort de Floyd, à Minneapolis, rien n’est manichéen : il y a des casseurs et des pillards noirs et blancs, et les manifestants sont également, eux-mêmes, victimes des émeutiers. «Ce sont même les gens les plus affectés par les brutalités policières qui sont aujourd’hui affectés par ces destructions,insiste Nina. Les commerces de cette rue qui ont brûlé appartiennent presque tous à des gens de couleur.» L’émotion après la mort de Floyd, elle, est unanime, tout comme l’appel à un changement profond et structurel dans les forces de l’ordre. «J’ai élevé deux enfants noirs, reprend Nina, blanche mariée à un Afro-Américain. Nous avons souvent dû avoir cette conversation avec eux : comment gérer une situation compliquée avec la police, comment se protéger contre eux. On a totalement intégré le fait qu’il y avait une nette différence de traitement de la police vis-à-vis des noirs et des blancs.»
Les maisons du quartier de Longfellow, dans la partie qui borde le sud de Lake Street, sont plus cossues. Des petites barricades ou des plots ont été installés aux intersections pour filtrer les voitures. Dans l’obscurité, on aperçoit les faisceaux de lampes torches de petits groupes de voisins, qui veillent devant leur maison. Les véhicules inconnus suscitent la méfiance. «Jusqu’ici, les émeutiers ne s’en sont pris qu’à des commerces, mais il y a des craintes qu’ils s’en prennent à nos maisons,explique Reed, un universitaire, installé sur le trottoir avec chaise pliante, lampe torche et gilet à bandes réfléchissantes. Mais à ce jour, les destructions sont vraiment restées concentrées sur Lake Street».
Lui et ses voisins ont créé un groupe WhatsApp pour se coordonner et partager les dernières informations. Ils ont aidé à nettoyer les dégâts sur Lake Street, vérifié les tuyaux d’arrosage de leurs maisons, en cas d’incendie, et se sont improvisés gardiens de nuit des commerces alentour. «Hier, on protégeait une banque à l’angle là-bas, dit Reed en montrant du doigt la nuit noire. On a bloqué deux personnes qui essayaient d’entrer dans le bâtiment. Ils étaient hostiles, mais ont fini par partir. Ils sont probablement revenus plus tard.» Certains voisins sont armés, ici aussi. Reed a un fusil, «hérité de [s]on père, avec des munitions vieilles de 40 ans», admet-il en riant. Il ne l’a jamais utilisé ».

Tract.sn (avec média)

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