Sur le point d’être rasé pour être reconstruit, le marché Sandaga est de nouveau au cœur de l’actualité. En effet, hier, le Collectif « Sauver Sandaga », qui a été mis sur pied pour porter le combat de la réservation du modèle architectural du mythique marché niché au cœur de Dakar, s’est mis en ordre de bataille.
« Notre pays est confronté à une crise sanitaire d’une ampleur inégalée jusqu’à présent. Malheureusement, nous ne pouvons pas consacrer toutes nos énergies à ce moment essentiel de notre existence. Nous sommes obligés de rester mobilisés face à une agression tout aussi importante. Une agression contre ce qui est constitutif de notre communauté de destin : notre mémoire. Nous sommes obligés de nous battre pour préserver un pan essentiel de notre identité : la destruction programmée du marché Sandaga », martèle le Collectif.
Lors d’une conférence de presse, le Collectif a fait valoir que « cette destruction, si elle est effective, serait illégale. Un monument classé ne peut pas être détruit sans l’avis motivé de la Commission Supérieure des Monuments Historiques. Un monument du patrimoine ne peut pas être démoli sans autorisation de démolir. Un monument du Patrimoine comme tout bâtiment sur une commune de plus de 5000 habitants, ne peut pas être construit sans autorisation de construire ».
« Une ville n’est pas une simple addition de bâtiments »
Les architectes Jean-Charles Tall, Mamadou Berthé et Annie Jouga, ainsi que le chercheur Abdou Khadr Gaye et l’artiste Viyé Diba, qui portent le Collectif de dire que « ceci induit une première série de questions : La Commission Supérieure des Monuments Historiques a-t-elle été saisie du projet sur Sandaga ?Le projet a-t-il été autorisé pour sa phase de démolition ?La reconstruction est-elle proposée sur la base d’un permis de construire ? Qui est l’Architecte responsable de ce projet ? Quel autre projet allons-nous greffer au bâtiment originel ?Ce projet a-t-il une autorisation de construire ? ».
Selon eux, « ce projet est également illégitime – ou, tout au moins, la communication gouvernementale ne donne pas d’explications pouvant asseoir sa légitimité ». « Pourquoi doit-on détruire ce marché ? Est-il vétuste au point de constituer un risque pour la sécurité des personnes ?Pourquoi les rapports qui étayeraient cette thèse ne sont-ils pas rendus publics ?Les populations riveraines et les populations de Dakar ont-elles été consultées spécifiquement sur ce projet ?Que faisons-nous de la valeur patrimoniale de cet édifice ?Quel sera l’impact urbanistique de ce projet dont on dit qu’il incluse des parkings, donc un accroissement de la circulation automobile dans un espace déjà congestionné ? », interpellent-ils encore.
« Au-delà de Sandaga, l’enjeu est la définition d’une image de la ville en cohésion avec son histoire et ses perspectives d’avenir. La vision contre laquelle nous nous élevons est une vision mercantile du développement urbain. Les dynamiques de la ville ne sont pas des dynamiques de promotion immobilière, car une ville n’est pas une simple addition de bâtiments. Elle est Beaucoup plus que ça. Elle est un lieu de vie, d’épanouissement des êtres humains à travers leurs relations sociales, physiques, économiques, culturelles et historiques », disent-ils.
« Tout notre patrimoine est attaqué par les appétits féroces des forces de l’argent »
Et ils regrettent qu’« un grand pan de notre histoire et de notre culture est en train de disparaître. L’immeuble Brière de l’Isle, le Building Administratif, le stade Assane Diouf, le marché Sandaga aujourd’hui. De nombreux autres immeubles au centre-ville, la Corniche de Dakar risquent de ne plus exister dans quelques années ».
« Le peu de qualité environnementale que nous avions est un lointain souvenir : les bandes de filaos de la corniche des Parcelles Assainies, les rares forêts qui nous restent, les terroirs villageois, les alizés qui balayaient la ville et qui sont obstrués par les constructions sur la corniche, tout notre patrimoine est en train d’être attaqué par les appétits féroces des forces de l’argent. Ils attaquent même l’air que nous respirons et la vue sur la mer qui nous reposaient des angoisses de vivre dans une capitale chaotique en hyper-croissance », se désole le Collectif « Sauver Sandaga ».
Du reste, pour le Collectif, « assurément Sandaga n’est qu’une partie d’un problème plus large, mais c’est l’urgence du moment. Nous voulons, par cette conférence de presse, inviter les autorités de ce pays à une discussion apaisée sur le futur de notre patrimoine et sur l’image de notre ville. Nous nous proposons donc de donner au grand public, les informations en notre possession, en attendant que les promoteurs de ce projet acceptent une discussion publique autour de cette problématique, discussion à laquelle nous sommes ouverts et invitons les sénégalais à participer, en masse ».
Aidara KARARA
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