Hussein Bakri est l‘architecte libanais chargé de la conception du projet Akon City au Sénégal. Il vit aux Émirats arabes unis. Ce « citoyen du monde » parle ici de sa philosophie de l‘architecture.
Un projet mégalo ?
Ce que recherche l‘architecte, c‘est plutôt laisser une empreinte, nous raconte-t-il. Avec Akon City, « je suis d‘ailleurs heureux de pouvoir concevoir quelque chose qui participe au développement du pays » poursuit l‘architecte. Pourtant, le projet n‘a pas forcément toujours eu bonne presse. Certains le qualifient en effet de mégalo. Tandis que d‘autres accusent les déséquilibres socio-culturels que ce projet pourrait causer. La ville du futur Akon City sera en effet construite dans une zone rurale située à une centaine de kilomètres de Dakar.
« Monsieur Akon a rencontré les populations locales pour leur expliquer que ce projet est d‘abord pour eux » tient à préciser Hussein Bakri. Par ailleurs, « certains n’ont pas compris pourquoi mon client n‘a pas choisi un architecte originaire du continent. Je leur réponds que l‘architecture est un langage universel. Vous pouvez certes comprendre la culture d‘un pays parfaitement, mais cela veut-il dire que vous allez la représenter idéalement ? ».
Diamniadio Lake City
Hussein Bakri n‘est d‘ailleurs pas un inconnu du continent africain. Lui, qui a été formé aux États-Unis, a développé ses premiers projets dans les pays anglophones du continent. Notamment au Kenya ou encore en Tanzanie. Ce n‘est qu‘en 2017 qu‘il découvre l‘Afrique francophone et en particulier le Sénégal. Même s‘il ne parle ni le wolof, ni le français, il devient alors l‘architecte en chef d‘un projet aussi médiatisé qu‘Akon City : Diamniadio Lake City. Une autre ville du futur dont la construction est prévue en périphérie de Dakar. Pour nourrir ses inspirations, il visite alors le pays de la Teranga. Son passage dans la Maison des Esclaves sur l‘île de Gorée semble d‘ailleurs l‘avoir marqué. « Je me suis assis à côté de la Porte du voyage sans retour pendant 45 minutes pour m‘imprégner du lieu. À ce moment, je me suis dit : ‘c‘est bien ici que l‘on doit faire la différence‘ ».
Pour Hussein Bakri, l‘architecture est donc une philosophie. « Vous devez vivre l‘architecture. Ce n‘est ni plus ni moins qu‘un sentiment qui se traduit par une structure ». Il n‘aime d‘ailleurs pas qu‘on le réduise à son métier. Une simple « enveloppe » estime-t-il. Lui se décrit d‘abord comme un « créateur » qui prétend placer l‘humain au cœur de ses projets. « Lorsque je crée quelque chose, le résultat définitif ne m‘intéresse pas tant que ça. J‘apprécie en revanche le procédé pour parvenir à l‘identité que je souhaite donner au projet » complète-t-il.
Wakanda et le baobab
Le pays fictif Wakanda a d‘ailleurs souvent été cité en exemple pour parler d‘Akon City. « L‘aspect futuriste de cette ville facilite en effet la comparaison » explique Hussein Bakri qui nie toutefois l‘inspiration. « Akon City est une utopie de la nature » dit-il en revanche. L‘architecte s‘est en effet inspiré des éléments physiques qui composent la nature sénégalaise. Notamment le baobab, symbole qui figure d‘ailleurs sur les armoiries du Sénégal. Il s‘est aussi inspiré des vagues qui frappent le littoral sénégalais et des animaux emblématiques du pays comme la gazelle oryx. La vidéo diffusée au terme de la présentation du projet à la presse en septembre dernier reprend d‘ailleurs l‘ensemble de ces éléments. « Nous utilisons la nature pour la protéger » résume-t-il en quelques mots.
Akon City
Ce projet est aussi une manière « de donner au Sénégal son propre style architectural ». L‘architecte libanais promet d‘ailleurs, sans donner plus de détails, « d‘autres projets vont venir ».
Les chiffres clés d‘Akon City
– La première phase de développement, qui devrait être achevée en 2023, couvrira 55 hectares. À la fin de la décennie, le complexe devrait s’étendre sur 514 hectares
– Le coût de la ville intelligente est estimé à 6 milliards de dollars
– Selon Bakri & Associates Development (BAD) Consultants, la construction d‘Akon City pourrait créer directement et indirectement environ 100 000 emplois