Publié dans la revue Art et poésie (No.11-2ème trimestre 2020), le texte « Ah covid-19! » de Chantal Bonono, écrivaine et enseignante de littérature à l’école normale supérieure de Yaoundé I, dont le « libéralisme scriptural » dévoile un profond désir d’anéantissement de la pandémie covid-19, énonce toute la brutalité caractéristique de ce jeune siècle, l’insoutenable fragilité de la condition humaine et notre impuissance généralisée face à notre monde qui se gargarise tristement de sa propre fin.
Par Baltazar Atangana Noah
La «Coro-poésie » dans laquelle s’inscrit ce texte de Bonono est versification explicite de l’espoir. Désir d’apaisement. Épuration de toute misère existentielle. Travail d’esprit, au spectre poétique, qui révèle que malgré ce drame existentiel, l’espoir demeure.
Loin de constiper l’imagination, loin de priver le lecteur d’espérer, et refusant de le plongrt dans une vision et une logique fataliste, l’écrit « coro-poétique » de Bonono invite son lecteur à une participation active. Celle qui, à ses côtés, fait désormais du lecteur un acteur vif. C’est, subtilement, une révolte proustienne qui quête la réincarnation-renaissance de ce passé sans confinement, moins triste et peu atroce, puisqu’il s’agit d’attiser ce souffle de l’espoir- capital pour garder tout équilibre de l’espace psychique humain- qui permet de restaurer l’ordre social bousculé et agité par la covid-19 afin de changer le destin humain.
Les pandémies ont toujours nourri la littérature. D’abord dans les grandes tragédies grecques, dans Œdipe roi Sophocle fait de la peste, qui accable Thèbes, le point initial de la découverte par Œdipe de l’accomplissement de son destin. Les motifs de la peste, du choléra et du Sida sont aussi mis en texte chez des auteurs tels Jean de La fontaine( Les animaux malades de la peste), Antonin Artaud(Le théâtre et son double), Albert Camus( La peste) en passant par Gabriel Garcia Marquez( Cent de solitude et\ou L’amour au temps de choléra), Tony Kushner( Angels in America) et Hervé Guibert( A l’ami qui ne m’a pas sauvé la vie). La liste n’est en rien exhaustive. Ces écrivains dépeignent ces effroyables maladies. Ce, sous toutes leurs formes dont le ferment de décrépitude est à la fois physique, physiologique, psychologique, moral, social. Plus amplement, la fictionnalisation des pandémies, loin de n’être qu’une des multiples pistes du renouvellement esthétique des clairières littéraires, se veut donc une manière de forme de méditation, sans fissuration, distanciation ni fracturation, sur l’Homme étreint par toutes les formes de crises.
En guise de critique
S’il est vrai que la Covid-19 est l’expression ahurissante de la déshumanisation du monde, alors il est question de fond en comble de réapprendre à aimer l’humain et la vie. Cette démarche offrira à tout un chacun la possibilité d’une vie pleine d’espoir. Pourrons-nous, à partir des heurs et malheurs animés par la covid-19, en ce siècle matraqué psycho-somatiquement, redécouvrir l’urgence d’aimer l’humain et de servir la vie ? Ainsi est donc, désormais, l’interrogation, l’ultime, avant toute éventuelle rédemption du chaos-monde.
Le droit mondial au souffle de l’espoir est une invite au regard universel, au-delà des différences, de l’humain. Quête pour le conserver, le protéger, mieux l’appréhender. Sans violence, sans haine. Éradication des crises sanitaires et sécuritaires étant donc capitale dans les espaces publics dans lesquels il évolue. Il faut donc le concevoir comme un droit vital à la vie. Dès lors, la poésie devient chez Chantal Bonono mouvement et action, parmi les déploiements protéiformes des humains, pour éradiquer la covid-19, et échappe de ce fait à tout élitisme puisqu’elle synthétise le principe élitiste en soi.
« Ah covid 19 ! » de Chantal Bonono nous dévoile que si l’infiniment petit, c’est-à-dire l’Homme, ne peut, tout compte fait, pas se soustraire de sa condition, il peut, en revanche, continuer ou réapprendre à faire de ses actions et de ses infinies quêtes existentielles une apothéose de l’humanité. Ainsi, il devient possible d’espérer que, sans être ignorées ni négligées, la cruauté et la propagation du covid-19 peuvent être repoussées et dénudées littérairement en s’appuyant, extase du paradoxe, sur son âme cynique!
Baltazar Atangana Noah, dit Nkul Beti, est écrivain, critique littéraire et chercheur-associé à l’Institut Mémoires de l’Edition Contemporaine. Il a publié Mixture (2014), Aux Hommes de tout…(2016) et Comme un chapelet (2019).