(Par Ousseynou Nar Gueye)- C’est un temps que les moins de 20 ans ne peuvent pas avoir connu, n’est-ce pas, comme le chante Charles Aznavour : la présidence de Senghor jusqu’en 1980, son hibernation en France à Verson, le village normand de son épouse, et puis « ce coup de tonnerre dans un ciel d’hivernage » (pour paraphraser son élégie à Philippe Senghor) qu’a éteint l’annonce de sa disparition le 20 décembre 2001. Ce jour là, Leopold Sedar Senghor s’endort définitivement dans la paix du Créateur, à l’âge de 95 ans. En hommage au président-poete, Tract dont je suis alors le directeur de publication, publie le lendemain en Une « Femme nue, femme noire », avec le sculptural profil peu vêtu d’une fille d’Éve à la peau d’ébène . Cette Une recevra des hommages venus des (hauts) milieux les plus insoupçonnés. Et u fils spirituel Sénégalais de Senghor, lui-même poète et fonctionnaire culturel, nous dira : « C’est la plus belle Une pour Senghor! ».
Au fronton de notre journal, le poème in extenso Femme nue, femme noire :
« Femme nue, femme noire
Vêtue de ta couleur qui est vie, de ta forme qui est beauté
J’ai grandi à ton ombre; la douceur de tes mains bandait mes yeux
Et voilà qu’au coeur de l’Été et de Midi,
Je te découvre, Terre promise, du haut d’un haut col calciné
Et ta beauté me foudroie en plein coeur, comme l’éclair d’un aigle
Femme nue, femme obscure
Fruit mûr à la chair ferme, sombres extases du vin noir, bouche qui fais lyrique ma bouche
Savane aux horizons purs, savane qui frémis aux caresses ferventes du Vent d’Est
Tamtam sculpté, tamtam tendu qui gronde sous les doigts du vainqueur
Ta voix grave de contralto est le chant spirituel de l’Aimée
Femme noire, femme obscure
Huile que ne ride nul souffle, huile calme aux flancs de l’athlète, aux flancs des princes du Mali
Gazelle aux attaches célestes, les perles sont étoiles sur la nuit de ta peau.
Délices des jeux de l’Esprit, les reflets de l’or rouge sur ta peau qui se moire
A l’ombre de ta chevelure, s’éclaire mon angoisse aux soleils prochains de tes yeux.
Femme nue, femme noire
Je chante ta beauté qui passe, forme que je fixe dans l’Éternel
Avant que le destin jaloux ne te réduise en cendres pour nourrir les racines de la vie. »
Ousseynou Nar Gueye
Fondateur-éditeur de Tract.sn
Directeur général du cabinet Axes & Cibles Com SARL