Une note manuscrite saisie lors d’une perquisition menée par la police anticorruption lie l’embauche de Laurent Platini au rachat du PSG par le Qatar, une opération dont la justice soupçonne qu’elle a été conclue grâce à son père, Michel Platini, lors d’un déjeuner de l’Élysée de novembre 2010.
Paris, juin 2019. Les enquêteurs de l’office anticorruption (OCLCIFF) de la police judiciaire perquisitionnent les bureaux parisiens du fonds d’investissement américain Colony Capital, à deux pas des Champs-Élysées. Ils recherchent des documents sur la vente du PSG par Colony au fonds souverain Qatar Sports Investments (QSI) en 2011, dans le cadre de l’enquête judiciaire pour « corruption » sur l’attribution de la Coupe du monde de football 2022 au Qatar.
Dans le bureau du président de Colony Europe, les policiers saisissent une partie des archives laissées par son prédécesseur, Sébastien Bazin, aujourd’hui PDG du groupe hôtelier Accor.
L’un de ces documents est explosif. Il s’agit d’une page de notes manuscrites intitulée « Nasser 28.4.11 ». Il y a, sur ce feuillet, des informations sur la vente du PSG et le futur salaire que le Qatar devra verser au fils de Michel Platini : « 70/30 % – Laurent Platini back of salary (€ 150 000 à vérifier !!) »
Grâce à des SMS issus du téléphone de Sébastien Bazin, les policiers ont pu vérifier que, le 28 avril 2011, le patron de Colony Europe et Nasser al-Khelaïfi, président de QSI, s’étaient discrètement rencontrés à Miami, pour une dernière séance de négociation sur l’opération PSG. La note a donc manifestement été rédigée à cette occasion. Le rachat de 70 % du club a été annoncé publiquement trois jours plus tard, puis signé le 30 juin.
Diplômé d’un master de droit fiscal et des affaires, ce supporteur passionné du PSG avait travaillé à partir de 2005 comme responsable juridique du club parisien, puis, depuis 2009, comme responsable juridique de la branche sport de Lagardère. C’était donc un pur juriste, sans expérience de gestion opérationnelle d’une entreprise.
Il a, malgré tout, été embauché par Nasser al-Khelaïfi dans une filiale de QSI : la société suisse Pilatus Sports Management, propriétaire de la marque Burrda, un équipementier sportif créé par l’État du Qatar pour concurrencer Nike et Adidas. Son titre était « directeur général provisoire » (« acting general manager »), selon un document confidentiel issu des Football Leaks. Le provisoire a duré jusqu’en 2016, lorsque Laurent Platini est retourné travailler chez Lagardère.
La note manuscrite découverte chez Colony apparaît comme capitale pour l’enquête judiciaire. Pour la première fois, un document vient accréditer le soupçon que le Qatar aurait embauché son fils pour récompenser Michel Platini d’avoir promis qu’il allait voter Qatar pour le Mondial 2022, lors du fameux déjeuner à l’Élysée, neuf jours avant le scrutin du 2 décembre 2010, avec le président Nicolas Sarkozy et le prince héritier (et actuel émir) du Qatar, Tamim al-Thani.
La note montre, en effet, que l’embauche de Laurent Platini et le montant de son salaire faisaient partie intégrante de la négociation sur le rachat du club, au même titre que la répartition du capital (« 70/30 % »).
Or, les enquêteurs ont déjà rassemblé des témoignages et documents montrant que ce déjeuner du 23 novembre visait bien à convaincre Michel Platini d’accorder sa voix à l’émirat et qu’il aurait changé d’avis à cette occasion. Des SMS montrent aussi que Nicolas Sarkozy, grand fan du PSG et ami de Sébastien Bazin, a obtenu du prince Tamim, lors du même déjeuner, que le Qatar rachète le club parisien s’il obtenait le Mondial. « NS m’a rappelé. HH [son altesse le prince Tamim – ndlr] a confirmé que le deal se ferait après le 2 décembre », écrivait Sébastien Bazin, le lendemain (lire le précédent volet de notre enquête).
Michel Platini a publiquement démenti tout lien entre son vote pour le Qatar et l’emploi qatari de Laurent. « Mon fils a été embauché un an après la décision. Il a été embauché parce qu’il est bon. […] C’est M. Bazin qui l’a mis en contact avec Nasser, j’y suis même pour rien, moi », a-t-il déclaré, en 2014, sur France 2.
Le fait que Bazin ait justement obtenu la vente du PSG au Qatar lors du déjeuner et la note manuscrite retrouvée chez Colony fragilisent cette ligne de défense. Sébastien Bazin et Nasser al-Khelaïfi n’avaient normalement aucune raison d’évoquer, lors de leur ultime séance de négociation sur le PSG, un recrutement intervenu sept mois plus tard chez le fabricant d’articles de sport Burrda.
Par AFP