A chaque arrivée de Paul et Chantal Biya à l’hôtel Intercontinental de Genève, les bagagistes se demandaient ce que pouvaient bien contenir ces grands cartons légers, hauts d’environ un mètre vingt, qui semblaient flotter sur la marée de valises de marque du couple présidentiel camerounais et de sa nombreuse escorte. Mystère! D’autant que le jour du départ, il y en avait toujours un ou deux de plus.
Le secret des cartons est celui d’une coiffeuse française d’origine balkanique qui officie dans un petit salon genevois de la rive gauche; appelons-la Branca. Longtemps, elle a travaillé pour une enseigne parisienne réputée, non loin du Palais de l’Elysée. Chantal Biya était une habituée et Branca son obligée. Le courant passait bien. Il y a une dizaine d’années, Branca a quitté Paris pour s’installer à Genève. Une aubaine pour Chantal qui, jusqu’à la récente pandémie de coronavirus, y séjournait plusieurs mois par an. Les deux femmes ont ainsi pu nouer au bord du Léman une spectaculaire association capillaire.
A Branca de trouver des dizaines de milliers de vrais cheveux, souvent d’origine asiatique, de les décolorer avant de les teindre dans les tons fauves de sa cliente puis de les assembler en montagnes et en torrents, chez elle, le soir et les week-ends – un travail d’une infinie patience. A Chantal de porter ces perruques inouïes jusqu’à la Maison Blanche. De fait, la première dame camerounaise, qui vient de célébrer son 50e anniversaire, ne passe jamais inaperçue. Tenue violette pétante puis à fleurs rouges avec Michelle Obama en septembre 2016 pour une réunion sur «l’éducation de la jeune fille», chemisier jaune canard un an plus tard avec Melania Trump, à l’occasion d’un événement sur le «bien être des enfants». Dans les deux cas, une chevelure monumentale, colorée dans de puissants tons cuivrés. Une chevelure «made in Geneva».
Car à n’en pas douter, Chantal Biya a besoin d’un service très personnalisé pour sculpter ces racines crêpées très haut au-dessus du crâne que les journalistes de mode appellent la «banane», une crinière volumineuse qui entoure comme un casque flamboyant son visage maquillé. Symbole de puissance, coûteuse coquetterie? De quoi peut-être faire oublier le règne autoritaire de son époux, président depuis 1982 et dont le régime est régulièrement dénoncé par Amnesty International pour ses violations des droits humains. En 2011, cette association dénonçait l’incarcération de Bertrand Zepherin Teyou, écrivain camerounais, pour avoir publié un livre biographique sur Chantal Biya. Il passera pour ce «crime» plus de six mois à New Bell, la prison de Douala.
«Pas la grosse tête»
Dans une autre presse, on préfère commenter le combat de «Chantou» contre le VIH/sida, ou le chic de ses tenues. Le magazine Gala met par exemple la première dame en couverture en juin 2010. «Malgré les exigences du protocole, la première dame privilégie la détente et le naturel, écrit l’envoyée spéciale au Palais présidentiel de Yaoundé. Tailleur fuchsia, escarpins à talons hauts assortis, sa tenue est à son image: baroque et énergique.» Et ajoute un peu plus loin: «N’en déplaise à ceux qui s’interrogent sur sa chevelure, Madame Biya n’a pas la grosse tête».
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