[Paru une première fois dans Tract Tabloïd Digital Hebdo du lundi 15 février 2021] – Nous avons jugé utile de consacrer un Grand Format à Cheikhou Oumar Sy, sorti deuxième du vote des lecteurs de Tract pour désigner la personnalité de l’année 2020. Fair – play, Sy estime que la première place du Pr Oumar Seydi dans ce vote des tractonautes « se justifie largement », du fait que nous avons eu la pandémie, du rôle que le Pr Seydi y a joué, de sa constance : « les Sénégalais ont beaucoup apprécié son rôle et ont été rassurés que le Pr Seydi puisse répondre à un certain nombre d’urgence et apaiser la tension née de cette pandémie-là ». Toutefois, Cheikhou Oumar SY se dit fier et honoré de sa deuxième place comme personnalité de l’année 2020 : « je pense que cela entre dans une dynamique de reconnaissance de mes combats, que les Sénégalais ont dû constater, apprécier, je ne sais pas ». Il donne sa langue au chat ? Tract refuse de le faire et a décidé d’aller à la rencontre de Cheikhou Oumar Sy, pour en savoir plus sur l’homme et ses combats.
En cette fin de première dizaine du mois de février, c’est par les moyens technologiques de conférence à distance que Cheikhou Oumar Sy s’est entretenu avec Tract, pour les besoins de ce portrait. Il a dû garer sa voiture, entre deux questions envoyées par messages vocaux, pour y répondre. Nous ne le cachons, Cheikhou Oumar Sy est un ami de Tract et de Tract.sn. Il a offert un texte (sur la Guinée, pour l’anecdote) lors de la mise en ligne de Tract.sn, le 8 mars 2018, il y aura de cela bientôt trois ans. Alors, pour cet entretien qui est la base dont nous avons tiré le matériau pour son portrait, nous imaginons bien la charpente élancée de Cheikhou Oumar Sy au volant de son 4X4. Certainement engoncé dans un boubou descendant jusqu’aux chevilles ou une tenue africaine du même cru. Avec sa taille de près de deux mètres, il porte bien ses 47 ans. Un léger embonpoint est venu avec les ans et une certaine forme de sérénité. Même si en dessous, il reste le même volcan vibrionnant d’idées.
On est loin du jeune homme filiforme d’il y a 20 ans, alors membre du personnel d’une ONG sur l’île de Gorée, qui était toujours à 100 à l’heure et constamment pendu au téléphone portable, y compris au volant avec des oreillettes. C’est ainsi qu’à cette époque du début du siècle, une bonne âme charitable visiblement inquiète de sa santé mentale rapportera à sa mère …l’avoir vu parler seul dans sa voiture, alors qu’en fait, il parlait au téléphone avec des écouteurs, qui n’étaient pas encore très répandus. Interrogé, le fondateur de Tract, Ousseynou Nar Gueye, qui a été son collègue sur l’île de Gorée témoigne : « Oui, Cheikhou Oumar est un geyser d’idées, toujours en mouvement dans sa pensée, riche en propositions pour une société plus inclusive. Il est fidèle en amitié et chaleureux. C’est quelqu’un sur qui on peut compter. Il fait assurément partie de la relève dans ce pays ».
La relève ? Cheikhou Oumar Sy en fait-il toujours partie alors qu’il n’a plus aucun mandat politique électif ou nominatif ? Répondre par « non » serait aller vite en besogne. Il est vrai qu’il est désormais de retour dans la société civile, comme président de l’OSIDEA (Observatoire de suivi des indicateurs de développement économique en Afrique). L’observatoire travaille sur les questions de bonne gouvernance des ressources minérales et « a contribué à la rédaction du contenu local dans le secteur pétrolier et gazier ». Ceci est en droite ligne du combat que Cheikhou Oumar Sy menait comme parlementaire, qui a abouti au Code Minier, à travers l’action du Réseau (parlementaire) pour la bonne gouvernance des Ressources Minérales (RGM), dont Sy a été l’initiateur et la cheville ouvrière. Aujourd’hui, en plus de sa présidence d’OSIDEA, il n’en gagne pas moins sa vie à la sueur de son front, à la tête de sa société de communication Almudoo.
Ce retour à la société civile (et à l’exercice d’une profession « normale ») fait donc suite au passage par la case Assemblée Nationale, où il aura été très remarqué par l’opinion nationale, pour son action et ses interventions publiques. Comme député de la 12ème législature (2012-2017), pour le compte du mouvement Bes Du Ñakk, dont le chef de file est le marabout-politicien Mansour Sy Djamil. Cheikhou Oumar SY avait été élu député du département de Guédiawaye, où il habite. Loin des villas cossues des Almadies, du Point E et de Fann Résidence. Il continue d’y vivre en 2021. Comme un attachement et une expression de sa fibre d’homme proche du peuple. Cheikhou Oumar Sy a pourtant des quartiers de noblesse maraboutique et conquérante, de par sa lignée, si on ose ainsi écrire en république. S’il se livre pudiquement sur sa vie privée « compliquée, pas compliquée », il ne peut complètement la celer. Son père Aboubacar Sy a été ambassadeur du Sénégal. Notamment en poste en Egypte. C’est le fils cadet de la grande sœur de Thierno Mountaga Tall. Sa mère, Madina Mountaga Tall, est l’ainée de la famille de Thierno Mountaga Tall, de la grande famille de Thierno Madani Tall. « Donc, ma mère et mon père sont cousin et cousine », indique Cheikhou Oumar Sy. Un type de mariage dont on sait qu’il fait partie des meilleurs, chez les Hal Pulaar. Il parle encore avec émotion de son défunt père, qui, en tant qu’ancien ambassadeur, était « extrêmement généreux ». « Pour l’anecdote, lors d’une visite officielle du Président Senghor, il avait tellement préparé d’enveloppes pour la délégation afin de leur remettre chacun quelque chose à chacun, qu’il avait préparé une enveloppe pour le président Senghor. Et le consul en son temps, Moustapha Cissé, lui a dit : « Mais, vous allez remettre une enveloppe à celui qui vous paye ! ». Donc sa générosité était extrêmement légendaire. C’était quelqu’un de très serviable et qui ne lésinait pas de prendre les ressources de sa famille pour le bien des populations ».
C’est certainement, d’après lui, cette fibre paternelle généreuse qui « poursuit » Cheikhou Oumar Sy et même tous les membres de sa fratrie : « Dans la famille, nous avons le désir de servir l’autre et de nous mettre à la disposition de tout un chacun, pour les aider ». Dans cette fratrie, il y a le frère aîné Ahmed Tidiane Sy, sa grande sœur Madina « qui a beaucoup contribué à [sa] formation », Aïcha Moussa Sy, Dieynaba, Thierno Sy, « une famille solidaire » qu’il remercie et qui l’aide dans le combat au quotidien. « Je pense que c’est nécessaire pour pouvoir atteindre les objectifs de demain », conclue Sy là – dessus.
L’ancien parlementaire quadra est le père de deux fillettes, Madina Marine Fatima Sy et Leïla Rouguiatou Sy, qui sont nées de son mariage aux États-Unis avec Hawa. « Mes filles sont les deux prunelles de mes yeux, qui me motivent aussi pour voir comment contribuer à leur avenir et dans mes combats pour la jeunesse, qui peut les pousser à espérer avoir un meilleur avenir demain. Et ça aussi, c’est important pour moi » indique Cheikhou Oumar, d’un ton égal et convaincu. Il a «bourlingué de droite à gauche et fait pas mal de métiers », qui lui ont permis de se construire dans la vie active et d’ouvrir les yeux sur les réalités de la vie.
La réalité actuelle de sa vie, c’est son combat pour la préservation du littoral et pour une gestion « plus juste » de l’autoroute à péage. Mais le combat au sujet de l’autoroute de l’avenir – qui se mène depuis 2018 – n’est – il pas terminé avec les dernières mesures du président Sall ? « Non, notre combat n’est pas caduc », argumente Cheikhou Oumar Sy. Il est formel sur le fait que « c’est grâce à ce combat » que les prix pour les usagers ont été baissés substantiellement de 1000 frs, que l’on va avoir un éclairage de l’autoroute jusqu’à Keur Massar, que la redevance payée à l’Etat est passée de 1000 francs à 800 millions par an et « indexés au chiffres d’affaires de la société exploitante », sans parler de « l’ouverture du capital à hauteur de 25% aux nationaux ». En projet, le collectif prévoie d’élaborer un « guide des usagers » pour l’autoroute à péage, afin de faire prévaloir leurs droits. Dans cette lutte autoroutière, Cheikhou Oumar Sy bat le macadam avec, à ses côtés, les Bachir Fofana, Cheikh Tidiane Dieye , Demba Makalou, Fatou Mactar Diop, et « un certain nombre de personnalités qui ne sont pas nécessairement connues dans les médias ». Mais qui, selon Cheikhou Oumar SY, « font un travail important pour faire en sorte que des droits des citoyens soient respectés ». Ils prévoient aussi une étude sur l’accès des handicapés aux infrastructures de troisième génération que sont le TER et le BRT.
Pour l’instant, il y a aussi la lutte pour la préservation du littoral. « Et le littoral, beaucoup de gens se trompe, mais ce n’est pas que Dakar. Ce sont les 718 km de côtes », tient à préciser Sy. Dans ce combat, il est avec d’autres, dont certains connus du public : Moctar Bâ de la PERL, Oumar Ngalla, encore Demba Makalou, Pape Thiam, Nathalie Dia. « Il n’y a pas que Dakar. Il y a des organisations à Malika, Yeumbeul, Guédiawaye, le Forum civil : autant d’organisations impliquées pour la préservation du littoral », tient à énumérer Sy. Comme fruit de leur activisme citoyen, Cheikhou Oumar Sy annonce, pour bientôt, le vote d’une loi d’orientation sur le littoral qui sera prise par le gouvernement Sall. Dans ce combat pour le littoral qui a lieu depuis 2012, Tract estime qu’on attend encore des résultats. Même si Cheikhou Oumar Sy indique qu’il y a eu « des avancées notables » et qu’ils ont « tenu beaucoup de réunions avec les services techniques du ministère de l’Environnement et avec les autres services concernés de l’Etat ». Soit.
Qu’est ce qui fait courir Cheikhou Oumar Sy ? il assure que « c’est un engagement comme pour tout un chacun. Désintéressé. Nous devons tous participer à construire un pays où les citoyens ne sont pas obligés d’aller à Paris ou à New-York pour découvrir un environnement où il fait bon vivre et où on peut utiliser les infrastructures communes mises à dispositions dans les normes ». Cheikhou Oumar Sy semble à nouveau nager comme un poisson dans l’eau dans la société civile, « qui fait un excellent travail pour amener les politiques à prendre les meilleures décisions possibles. Ce sont deux paires de manches complémentaires. La société civile fait un plaidoyer, l’exécutif peut planifier, mais dans la planification, il peut y manquer l’aspect de l’inclusivité que la société civile peut le pousser à prendre en compte. Le plus important, c’est que chacun puisse jouer un rôle pour la bonne gouvernance de nos ressources ».
Sur l’actualité politique récente, Sy indique que le ralliement d’Idrissa Seck au régime en place est « un libre choix politique ». Toutefois, sur les arguments avancés par Idy pour justifier sa jonction avec Macky Sall (la pandémie, la situation économique…), Cheikhou Oumar Sy les juge « assez légers ». D’autant plus qu’on a traversé des crises plus aigües « où on n’a pas entendu le leader de Rewmi se prononcer. Et dans cette crise de la pandémie, on ne voit pas quels actes il a posé pour y répondre ». Bon, on pourrait rétorquer à Cheikhou Oumar SY que Idrissa Seck n’est pas (totalement) en charge de l’exécutif… Mais il revient à la charge : « Je n’ai pas encore vu quelque chose au niveau du Conseil Economique, social et environnemental (dirigé par Idrissa Seck) en termes de plaidoyer, en termes de mobilisation des ressources, en termes de descente sur le terrain pour venir aider les populations. Au contraire, on a constaté l’augmentation du budget à hauteur de 2 milliards pour des salaires, pour le fonctionnement et cela ne répond pas au besoin des citoyens ». Cheikhou Oumar Sy et Idrissa Seck n’irons pas en vacances ensemble…
Que pense Cheikhou Oumar Sy du Sonkogate et de son impact sur la stature d’opposant du leader de Pastef ? « 15 % de l’électorat à la dernière présidentielle dont il est sorti troisième, cela positionne Sonko, si aujourd’hui Idrissa Seck n’est plus dans l’opposition ». Sy estime que Sonko est dans un « bras de fer continuel avec le régime, sans parler des faits récents » et que cela montre que cet opposant « joue sa partition en tant que leader de l’opposition et mène un combat au nom de la jeunesse sénégalaise. Mais pourra-t-il tenir jusqu’en 2024 ? » termine Cheikhou Oumar Sy. Pourrait-il aller à la rescousse de Sonko, au nom de la parenté générationnelle (ils sont nés la même année, en 1974) ? Tract ne lui a pas posé la question.
La galaxie de personnes autour de laquelle gravite Cheikhou Oumar Sy, à part ceux déjà cités qui l’accompagnent dans ses combats personnels ? Il dit avoir « beaucoup d’amis avec lesquels il n’est même pas lié par la politique », mais qu’il « apprécie de par leur posture et de par leurs idées » : Pierre Atepa Goudiaby, Amadou Bâ, Moctar Ba de la PERL, Maleine Niang qualifié de « jeune frère avec qui [il] travaille beaucoup ». D’autres avec lesquels ils se « consultent mutuellement beaucoup » : Ousmane Diack, Ndèye Ndack Touré, « très engagée sur les questions environnementales, Fatou Mactar Diop. Il y a aussi les jeunes avec lesquels il travaille dans OSIDEA et dans sa société de communication : Alioune Ndiaye, Babacar Nam.
« Mais », indique Cheikhou Oumar Sy, « mon guide est certainement quelqu’un à qui je me réfère beaucoup : c’est le khalife Thierno Madani Tall avec qui j’entretiens de très bonnes relations et c’est une référence. Et aussi, toutes mes prières et ce que j’entreprends dans ma vie passent par celle qui nous reste encore ici : c’est notre mère Madina Mountaga Tall et je sollicite au quotidien ses prières ».
Quid de l’avenir et de son éventuel « retour en zone », dans la politique ? Cheikhou Oumar Sy répond ceci : « Quand j’ai quitté société civile, j’étais en politique. Quand je suis retourné dans la société civile, je fais partie de la société civile. L’avenir nous édifiera. Si je retourne en politique, je serais carrément dans le landerneau politique ». Cheikhou Oumar Sy briguera-t-il à nouveau un poste électif (y compris le plus élevé) ? Sera-t-il nommé à un haut poste politique, un de ces quatre matins ? Tract conclut que les jeux sont ouverts. Mais, la route est longue et la pente est raide.
Tract ne l’a pas interrogé sur ses liens actuels avec son (ex) « leader de parti », Serigne Mansour Sy Djamil, président du mouvement Bes Du Ñakk, qui a révélé Cheikhou Oumar Sy à l’opinion nationale, en le faisant élire comme son député. Mais notre rédaction pense que si les chemins des deux hommes resteront perpendiculaires, ils ne sont désormais plus superposés.
Par Damel Mor Macoumba Seck
Tract @2021