[Tract] – Malongo nous livre une fiction psychosociologique. Un roman d’analyse, à partir de la trajectoire de Ferrari, protagoniste principal de l’œuvre, qui s’attache à décrire les variations et les contradictions de la passion : la soif de réussir, même au prix de la compromission.
Par Baltazar Atangana Noah- Nkul Beti / (noahatango@yahoo. ca)
Elle nous offre un premier projet romanesque qui portraiture les impasses d’un luxe trop rêvé au cœur d’une vie qui se moque d’être aigre et douce à la fois. Au fil des pages, en suivant les traces du parcours bouleversant et tristement heureux de Ferrari, on est entre regrets, déchirements, besoin de réussir et drame. Fortement inspiré d’un topos-espace de référence, le Cameroun donc, Malongo travaille à déballer un paquet de clichés et de stéréotypes faussement homologués : par exemple le mariage entre des personnes n’appartenant pas à une même tribu (le cas de Younouss et de Ferrari) ou encore le manque de considération d’une épouse qui n’a pas encore enfanté par sa belle-famille.
Dès le premier chapitre, prologue tacite de l’acte d’écriture de Malongo, tous les axes narratifs et réflexifs du roman sont dévoilés. Seulement, il faut beaucoup de patience et de curiosité pour poursuivre la lecture à la découverte d’une intrigue que la jeune romancière déshabille et découvre avec son lecteur. Ce, à travers la voix, solitaire, mais à écho pluriel de Ferrari. Ferrari, c’est moi, c’est vous. C’est Nous. C’est la vie. Ce sont nos vies jalonnées de peurs, de réussites et/ou de traumatismes qu’on ne parvient pas toujours à conter. S’entrechoquent donc souffrance, déprime, transparence et espérance.
La manière donc Malongo mène les différents chapitres qui constituent les deux parties de son fait littéraire, donne le sentiment qu’elle est pressée de boucler son roman. Elle s’attarde très peu sur les descriptions, privilégiant l’histoire. Pendant qu’on s’attend alors à une description bien détaillée d’une partie de sexe entre Ferrari et son Younouss, Malongo nous déjoue en faisant évoluer l’histoire. Cette impression de bouclage est d’autant plus forte qu’elle s’inscrit au cœur du principe de construction du roman L’ambitieuse : dans la mesure où le début et la fin de l’œuvre semblent être racontés concomitamment.
Le fond de l’intrigue est un peu mêlé, nous faisions déjà allusion à cette impression de bouclage. Les deux parties de son roman auraient pu constituer deux volumes de ce fait littéraire. On sent et ressent, cependant, un besoin de se lâcher, une envie, quasi-pressante, de tout dire et de tout livrer. Ne rien laisser. Ne rien oublier. Tout dire. Tout donner. Objectif atteint. Car, on ne s’ennuie pas en lisant ce roman. L’authenticité de Malongo réside dans sa compétence scripturale à mettre en interaction ses personnages au plus près de leurs émotions.
Partout dans l’acte d’écriture de Malongo, on se reconnait, on se voit et on se projette. Le roman de Malongo appuie bien fort sur le curseur social. A l’instant où le lecteur se lasse des revirements du récit, Malongo retourne la situation avec une fin improvisée à portée didactique : la témérité ne déçoit jamais, la vie n’est pas une sinécure, tous nos actes nous rattrapent toujours, la loi du karma est irréversible, la vie amoureuse et vie professionnelle peuvent être mâtinées, si on veut…
Malongo a su trouver une ligne esthétique, faite de délicatesse et de douleur, qui nous fait vivre la beauté savoureuse du désir de réussir et les retombées d’une naïveté consubstantielle incurable. C’est sûr, si elle continue à peaufiner sa trace scripturale, elle se révélera comme l’espoir d’une littérature camerounaise d’expression française en pleine ébullition.