(Tract)- L’Université populaire/Quai Branly a dédié sa séance de mercredi dernier au cinéma africain, à travers l’œuvre de Djibril Diop Mambéty. Une occasion de revenir sur le propos artistique et le legs du cinéaste avant-gardiste qui a marqué son époque et son art par son audace dans la maestria. C’est le quotidien le « Soleil » qui donne l’infos, avec un large focus sur cette rencontre.
Sur la planche du Théâtre Claude Lévi-Strauss (Paris), l’œuvre de Mambety était mise sur scène, mercredi dernier. C’était à l’initiative de l’Université populaire/Quai Branly qui, pour une séance dédiée au cinéma africain, a choisi de poser la question de savoir «Quel héritage a laissé Djibril Diop Mambety au cinéma international ?». Pour parler du legs de l’un des cinéastes les plus avant-gardistes, l’universitaire et réalisatrice Mélissa Thackway a interrogé le critique de cinéma Thierno Ibrahima Dia, la réalisatrice Maty Diop et le musicien Wasis Diop. Ce dernier, qui s’est montré sous des traits intimement affectueux, a partagé avec les spectateurs par visioconférence les qualités et les particularités de l’homme, son frère, qui a construit le cinéaste Mambety (encadré).
Dans une approche académique, le chercheur en arts Thierno Ibrahima Dia a relevé, chez le cinéma de Djibril Diop Mambety, la dé-représentation par la projection d’un autre point de vue. Il soutient que Mambety est venu effacer cette image fâcheuse et dégradante de l’Afrique véhiculée par le cinéma de propagande. «Son œuvre a permis de voir et de comprendre les enjeux de la représentation. Certains historiens le classent dans la deuxième génération de cinéaste, mais moi, avec «Badou Boy» (1970), je conçois qu’il est un pionnier», corrige le critique de cinéma, avant d’ajouter, péremptoire, «Mambety est la figure de proue du mouvement poétique des cinémas africains».
Le quatrième art est quelque peu la caisse de résonance des sociétés. Toutefois, avant l’arrivée des précurseurs tels Sembène Ousmane et Mambety, l’Occident a réalisé le cinéma en Afrique en produisant une scénarisation de la propagande. C’était par la projection d’une perception fantasmée et exotique, comme le décrit Mélissa Thackway. Le mérite de Mambety est d’avoir marqué les désillusions et les défis de l’Afrique en empruntant la poésie, la philosophie et l’enthousiasme. Thierno Ibrahima Dia trouve que ces voiles artistiques cachent un propos. «Tout son œuvre parle de survie», conçoit le critique et enseignant en cinéma comparé. D’après lui, avec «Contras’ City», Mambety montre comment survivre à l’hégémonie culturelle après la décolonisation. «Badou Boy», lui, cherche à survivre à la misère sociale. «Touki Bouki», aussi, parle de la survie d’un couple désillusionné par les promesses des indépendances et rêvant de l’eldorado parisien. «Hyènes» est un sujet de survie aux démons du passé. Dans «Le Franc», la porte présente la planche du salut. Dans «La Petite vendeuse de soleil», l’idée de survie est plus présente avec les efforts salutaires de la jeune handicapée.
MATY DIOP, SYMBOLE DE L’HÉRITAGE DE MAMBETY
Encore sur l’idée du legs de Mambety, Thierno I. Dia estime que Wasis et Maty Diop interrogent le sens de cet héritage. «Wasis a été co-constructeur de son œuvre. Il a été son acteur, son photographe de film, et sa musique a donné de la profondeur au cinéma de Mambety», relève Thierno I. Dia. Il ajoute que, concernant Maty, elle a eu le mérite de revisiter et de ressusciter, 40 ans après, «Touki Bouki». «Maty Diop a ajouté à l’œuvre filmique de Mambety du charme et a appelé un public plus jeune avec son film « Mille soleils » notamment», soutient Thierno, avant d’être confirmé par Maty elle-même. «Je me frustrais déjà que le cinéma africain soit ghettoïsé dans les programmations à Paris. Avec l’invitation à Dakar, en 2008, pour la commémoration du 10ème anniversaire du décès de Mambety, j’ai senti le besoin de faire un retour aux sources. Cela explique un peu le projet du film «Mille soleils», justifie Maty Diop, réalisatrice et nièce de Mambety. La fille de Wasis Diop représente résolument l’héritage de son oncle. Elle témoigne que son travail répondait déjà à une quête personnelle et ensuite à l’exploration de Dakar comme territoire familial et cinématographique. Enfin, elle dit avoir voulu rendre justice à l’œuvre de Mambety, «encore assez peu visible à cette époque», et la sortir de son côté poussiéreux de film d’époque.
«En réalisant « Mille soleils », je faisais aussi, en tant que femme et jeune cinéaste, le choix d’être portée plutôt que d’être écrasée par l’œuvre de mes pères», partage Maty Diop. Le terme «tuer le père», selon elle, n’est pas le principe d’entrer en conflit avec le vieil âge, mais de tout simplement reconnaître ce qui a été fait et de prendre sa place à l’intérieur, avec ses propres outils. Des instruments cependant aiguisés, résolument, par l’esprit et l’art de Mambety.
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