SENtract – Bonjour Aïda, tu as assisté au Festival de Cannes de 2021 en tant qu’habitante, citoyenne de la ville mais aussi en tant que présidente de Panafrica Women Glam Ship. Peux-tu nous donner tes impressions sur ce rendez-vous mondial du 7e art ? Quel visage l’Afrique a affiché à cet évènement ?
Merci de me donner l’occasion de parler de cinéma, mais surtout de la 74ième édition du festival du film. Ce n’était pas évident de l’organiser, mais la ville de Cannes a mis le dispositif sanitaire nécessaire pour y arriver. Cette année, il faut le noter, le jury était majoritairement féminin. C’est une première. On avait Spike Lee comme président du jury dans lequel on trouve Maty Diop qui était là, l’année dernière, en tant que réalisatrice.
Pour l’Afrique, six films ont été présentés parmi lesquels celui de Aïssa Maïga « Marcher sur l’eau », un documentaire tourné dans le nord du Niger ; on a eu aussi Freda, de l’Haïtienne Gessica Généus qui a fait beaucoup couler d’encre. On n’oublie, surtout pas, Lingui qui parle des codes, des cultures… Cette année, on peut dire qu’il y a eu beaucoup plus de représentativité africaine par rapport aux éditions précédentes. Et je pense que la participation, au fur et à mesure, de la femme africaine à cet évènement va inspirer les autres et les motiver à faire partie de ce rendez-vous.
Vous me permettrez d’ajouter également ce discours : « Si l’an dernier, le contexte sanitaire avait pris le dessus sur les festivités de la 73e édition, l’évènement cinématographique de cet été́ est une réussite sans précédent malgré́ un protocole sanitaire strict et respecté. Sous la présidence d’un Fervent défenseur de la cause noire et des minorités, Spike Lee, avec un jury majoritairement féminin l’honneur était aux femmes.
Grande (et bonne !) surprise, cette année, puisque c’est une femme qui remporte la Palme d’Or, une grande première depuis 1993 et la Palme d’Or de Jane Campion pour La Leçon de Piano.
Grâce à la Mairie les Cannois ont eu la possibilité́ d’assister à une projection de film présenté́ dans le cadre de la sélection officielle et bénéficié de nombreuses Places pour monter les marches. Alors, force honneur et encouragement à la municipalité́ Cannoise ».
Bravo pour cette représentation féminine. Mais quelle signification a-t-elle pour toi ? Est-ce par ce qu’on a décidé de donner plus de place aux femmes, ou est-ce que ce sont, elles-mêmes, les femmes, qui veulent dévoiler qu’elles ont du cran pour se mettre au-devant de l’écran, pour ne pas dire de la scène ?
Depuis que le Collectif 50/50 a été mis sur pied pour plus de diversité et de parité dans le monde du cinéma avec Aïssa Maïga et Laurence Lascary entre autres, je pense qu’il y a eu beaucoup plus d’influences et de présences. Mais, c’est que les femmes ont également ce dévouement de s’affirmer encore dans l’univers du cinéma. Elles n’ont plus peur, elles n’ont plus le complexe d’être dans ce secteur jadis réservé aux seuls hommes, surtout dans la production, la réalisation. Tenez, la palme d’or a été remportée, cette année, par une femme, Julia Ducournau. C’est vrai que son film « Titane » est un peu violent mais, il faut se dire que cette femme a eu beaucoup de courage – qu’il faut saluer – pour cette réalisation.
Aïda, tu as eu l’occasion de regarder quelques films. Lequel d’entre eux t’a le plus marquée ?
Le film qui m’a marqué est bien « Lingui, les liens sacrés » du célèbre réalisateur tchadien et ancien Ministre de la culture Mahamat Saleh Haroun. Il l’a fait avec une belle représentation féminine. Le film a été tourné au Tchad sur un thème tournant autour de l’avortement. Et au Tchad, ce sont des sujets tabous, nous a dit Saleh Haroun. Faire un film sur ce sujet, – le combat d’une mère pour faire avorter sa fille – et de le porter jusqu’à Cannes, était pour lui une manière de casser les stéréotypes de la culture dans son pays. Ils ont pris des risques pour tourner ce film. Alors, cette production a un aspect éducatif et culturel très fort. C’est surtout cela qui m’a touchée.
Le cinéma peut-il alors porter le combat dans le changement des mentalités, et particulièrement pour l’évolution de la place de la femme en Afrique ?
Je pense que pour le cinéma, il faut une formation. On a besoin de structures qui accompagnent l’industrie cinématographique. Au Sénégal cela est en train de prendre forme, surtout avec l’organisation de certains événements comme le fait, déjà, Fatou Touré.
Mais, il faut des structures fortes comme le Collectif 50/50 – qui réunit à ce jour plus de 1500 professionnelles – pour porter haut le combat. Pour l’Afrique, il y a eu aussi à Cannes, la présence du Fespaco avec un mouvement venu de Ouagadougou, accompagné du ministre Burkinabé de la Culture, pour porter la voix des femmes.
Globalement, pour l’année 2021, les femmes ont montré qu’elles peuvent bien être présentes, s’imposer et faire un excellent travail.
Quel est finalement l’apport de votre association PWGS sur la présence des femmes à ce festival de Cannes ? Et qu’est-ce que Cannes apporte à la femme africaine ?
Panafrican WGS, on le sait, est une association cannoise. Elle a des membres qui sont dans l’univers du cinéma. Et d’ailleurs, nous avons un projet cinématographique qui concernera le Sénégal… Ainsi, le Festival nous permet de faire des rencontres et de donner à d’autres personnes, l’occasion d’avoir plus de visibilité, de participer à des conférences, des networking, de ficeler des rendez-vous d’affaires, développer aussi notre réseau dans ce brassage où l’on retrouve toute l’industrie du cinéma mondial.
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