[Communiqué] Nous ne pouvons pas abandonner les femmes, les enfants et les adolescents afghans maintenant

Le 10 août dans le quartier de Shahr-e Naw, au cœur de Kaboul. © Oriane Zerah

Très Hon. Helen Clark, Présidente du Conseil d’Administration du PMNCH,

Ancien Premier Ministre de la Nouvelle-Zélande

 

Dans une maternité publique de la province méridionale de Kandahar, en Afghanistan, une femme a peur de perdre son futur bébé. Wati, enceinte pour la cinquième fois en quatre ans, a déjà fait deux fausses couches.

« J’ai peur de perdre à nouveau un bébé », confie-t-elle à un journaliste de l’AFP. « Je n’ai la permission de sortir de chez moi que pour aller chez le médecin ».

Ses paroles en disent long sur la « nouvelle norme » en Afghanistan – un pays où les femmes ont désormais besoin de la permission des Taliban pour quitter la maison. Alors que le pays plonge dans le chaos, des milliers de femmes comme Wati espère une issue qui ne fait que s’empirer. Même la relative libre circulation et un accès aux soins de santé limités qui se sont améliorés lentement au cours des 20 dernières années, ne sont plus acquis.

Les femmes et les filles, les enfants et les adolescents paient déjà un prix terrible dans la peur et l’oppression des Taliban. À moins que la communauté internationale ne prenne immédiatement des mesures décisives, ce n’est que le début d’une crise humanitaire qui durera des années.

La situation s’empire de jour en jour. La vie de millions de femmes, d’enfants et d’adolescents est en jeu – 20 ans de progrès durement gagnés vers la liberté ont été annulés d’un seul coup par la résurgence des Taliban.

La crise humanitaire en cours est épouvantable. La moitié de la population (plus de 18 millions de personnes, dont 10 millions d’enfants) a besoin d’une aide humanitaire d’urgence, et des centaines de milliers de personnes ont été contraintes de fuir leurs foyers. Le nombre de personnes déplacées à l’intérieur du pays a plus que doublé depuis mai.

Pourtant, la souffrance n’est pas un fait nouveau en Afghanistan qui fut pendant longtemps l’un des endroits les plus dangereux au monde pour les femmes et les filles. Même avant la pandémie et les troubles récents, plus d’un tiers des femmes afghanes étaient victimes de violence conjugale. Les systèmes de santé faibles étaient déjà en sous-effectif et sous-qualifiés, avec peu de fournitures et d’équipements sur lesquels compter. La vaccination des enfants (une mesure de force sociale) reste particulièrement faible dans les provinces les plus touchées par les conflits. Le budget de la santé de l’Afghanistan est presque entièrement financé par les donateurs.

Les 20 dernières années ont vu des progrès significatifs dans certains domaines pour les femmes, les enfants et les adolescents, notamment la réduction de moitié du taux de mortalité maternelle de 1 390 pour 100 000 naissances vivantes en 2001 à 638 pour 100 000 naissances vivantes en 2017, et la réduction de moitié du taux de mortalité des enfants de moins de 5 ans de 88 pour 1 000 naissances vivantes en 2001 à 47 pour 1 000 naissances vivantes en 2019.

Le système éducatif afghan a été durement touché par des décennies de conflit et de pauvreté. Alors que davantage de filles sont allées à l’école depuis 2001, beaucoup d’autres se voient toujours refuser l’éducation. Cela augmente considérablement le risque de violence à leur encontre et le fardeau des soins et du travail domestique non rémunérés. À moins que les Taliban n’aient complètement changé, ce qui semble hautement improbable, leur retour au pouvoir condamne les femmes et les filles du pays à une vie de violence, d’oppression, de servitude et d’opportunités perdues.

En 2019, le conflit a provoqué la fermeture d’environ 722 écoles, affectant 330 000 enfants et adolescents. Les attaques contre les écoles se sont poursuivies pendant la pandémie de COVID-19, avec neuf attaques entre avril et juin 2020 seulement. Au cours de l’intensification du conflit alors que les Talibans avançaient à travers le pays, de nombreuses familles ont perdu leurs moyens de subsistance, exposant ainsi les filles à un risque accru de mariage précoces forcés, tandis que d’autres se sont vu obligées de s’occuper de leur famille.

Les événements horribles de ces dernières semaines ne sont donc que les derniers d’un cycle intergénérationnel afghan d’inégalité des sexes, de crise, de pauvreté et de conflit.

La communauté internationale ne doit pas abandonner le pays maintenant. Les dirigeants mondiaux de l’aide humanitaire ont appelé à la fin de la violence et à ce que toutes les parties  « permettent et facilitent un accès sûr, rapide et sans entrave aux travailleurs humanitaires (hommes et femmes) afin qu’ils puissent fournir de l’aide aux civils dans le besoin où qu’ils soient. »

Les dirigeants mondiaux peuvent voir sur leurs écrans de télévision que les femmes, les enfants et les adolescents en Afghanistan ont désespérément besoin de leur aide. En réponse, ils doivent augmenter rapidement les investissements dans l’aide humanitaire, rétablir immédiatement les plans de réponse et de relance COVID-19, et créer et financer des coalitions mondiales pour aider le peuple afghan. Ils doivent fournir une protection et des ressources aux professionnels de la santé et aux travailleurs humanitaires, y compris l’accès aux produits, équipements et fournitures médicales essentiels dont ils ont besoin. Toutes les approches et tous les programmes doivent s’attaquer explicitement aux obstacles sexospécifiques aux soins de santé et autres services.

Une réponse multipartite forte et décisive est nécessaire. Les agences des Nations Unies, les ONG, les donateurs, les universitaires, le secteur privé et toute autre personne possédant des compétences utiles et pertinentes devraient collaborer sans réserve pour soutenir ces efforts avec des conseils, des ressources, une expertise et un financement. Les fonds communs d’urgence, par exemple en Somalie, ont été essentiels pour contourner les mécanismes de financement insensibles, l’ingérence politique dans la prestation de soins et de services, la concurrence pour le financement et les retards dans le déblocage des fonds.

Les voix, les visages et les histoires du peuple afghan doivent nous inciter à prendre des mesures immédiates et décisives pour le soutenir en cette période d’aggravation de la crise. Les femmes, les enfants et les adolescents ont le droit de vivre à l’abri de la persécution et d’avoir accès à la santé et à l’éducation et à tous leurs droits économiques, sociaux et politiques si l’Afghanistan lui-même veut se relever et prospérer.

 

NB : le PMNCH est la plus grande alliance mondiale pour la santé et le bien-être des femmes, des enfants et des adolescents.