[Tribune] L’urgence de « consommer local » (Par Momar-Sokhna DIOP)

« Consommons ce que nous produisons et contrôlons ce que nous importons ».

SENtract – Cet article est le fruit de mon indignation lorsque j’ai regardé, ce matin, un reportage animé par l’Association de la défense des consommateurs sénégalais sur la dangerosité de certains produits dits de première nécessité fortement consommés : le lait en poudre et le « cube Maggi ». 

 

    Dans mon ouvrage « Sénégal, diagnostic d’un pays candidat à l’émergence », paru aux Editions l’Harmattan en 2019, j’alertais, vigoureusement, nos concitoyens et en particuliers les autorités politiques sur la nécessité de se mobiliser pour que les produits que nous consommons soient mieux contrôlés. Une telle mesure d’urgence est à prendre, sans attendre, au regard de la prolifération incontrôlée des maladies liées à l’alimentation. 

    Il faut revenir à la responsabilité car il s’agit d’un enjeu de santé publique. Nous insistons sur cette recommandation car dans ce même reportage, Momar Ndao, Président de l’association des consommateurs Sénégalais démontre que 60% des produits avalés dont le lait et le Maggi en cube ne sont pas propres à la consommation. Le Maggi en cube est présent dans toutes les sauces quotidiennes dont le « Thiébou Djen » plat le plus consommé au Sénégal et reconnu par l’UNESCO comme patrimoine culturel immatériel de l’humanité. Il faudra, tout de même, que l’UNESCO revoie sa copie car le cube Maggi qui assaisonne le riz aux poissons contient une très forte dose de sel, ingrédient responsable de la plupart des maladies cardiovasculaires chroniques. Le cube Maggi tel qu’il est conçu est dangereux, très dangereux pour la santé. 

    Selon la diététicienne chercheure, Binetou-Cheikh Seck il y a dans le bouillon cube Maggi 17 ingrédients et sur 10 grammes, le sel représente 50% du produit. 

    Il en est de même pour le lait en poudre, principal ingrédient du petit-déjeuner. En effet, selon toujours Binetou-Cheikh Seck, un sachet de lait serait composé de lait écrémé, c’est-à-dire un produit dont on a retiré la crème riche en matières grasses et qu’on a engraissé avec de l’huile de palme et d’autres matières grasses bon marché et du sucre. Tous ces produits de remplacement sont bien évidemment dangereux pour la santé et n’atteignent jamais le seuil nutritionnel nécessaire. 

Que faire face à cette situation ?

L’Etat sénégalais a réagi et proposé comme solution de taxer à 25% l’importation de ces produits. Il s’agit d’une meurette qui fait plaisir aux multinationales dont Nestlé et qui permet à l’Etat de capter, immédiatement, de consistantes recettes. Elle permet également aux délinquants économiques importateurs se s’enrichir et de verser des rétrocomissions souvent planquées dans des paradis fiscaux et comptes privés. Je le répète ; il faut absolument prendre à bras le corps ce fléau cause principale de la dégradation des systèmes de santé. La prolifération de tous ces produits importés et non contrôlés coûte chère aux contribuables et à tous nos concitoyens issus des classes défavorisées. 

    Il est urgent de diminuer les importations de produits manufacturés et d’encourager le « consommer local ». Sur ce point des efforts ont été réalisés et constatés dans « les cahiers de l’Alternance ». Toutefois, force est de constater que les pays africains continuent de livrer leurs matières premières minières, alimentaires, naturelles aux multinationales occidentales et qu’en même temps d’importer 80 % de leurs consommations. Nous devons consommer des produits locaux pour des raisons économiques, écologiques, sanitaires et socioculturelles. Le consommer local contribue à rendre la consommation plus saine et constitue un levier du développement économique et social. Dans la mesure où nous consommons local, nous stimulons la production, contribuons à créer des emplois et à combattre la pauvreté.

    Nous ne sommes pas en train de dire qu’il faut rejeter systématiquement tous les produits importés. La plupart d’entre eux ont leur place dans les marchés locaux africains. Seulement ils devront compléter les productions nationales au lieu de les étouffer ou de les  concurrencer férocement et souvent déloyalement. 

    En tous les cas, « on ne joue pas avec la santé ». Les produits que nous consommons jouent un rôle primordial sur notre santé. C’est pourquoi consommons mieux en produisant ce que nous consommons et en contrôlant les produits importés. 

 

Momar-Sokhna DIOP professeur d’économie-gestion/écrivain.