Sen’Tract, Tract du Sénégal – Rentrement ESskolaire… Il y a des moments où ne pas avoir d’enfant serait presque une grâce… Oui, oui, je vous vois déjà, adorés lecteurs, attraper votre crâne en murmurant « Starfourlah …! C’est Dieu qui donne les enfants. Les enfants, c’est une bénédiction, tout ça, tout ça… »
Mais batay. Ma tey… Wakh ko, wakhaat ko.
Il est des périodes de l’année où ne pas avoir de progéniture est une VRAIE BÉNÉDICTION….
Passaka, je peux vous dire que de Nogaye ma cuisinière à Mme Thiam ma conseillère bancaire, en passant par Thier notre coursier, livreur, homme à tout faire … Tous géniteurs et éleveurs d’enfants, il y a deux périodes de stress intense dans l’année : Noël et la rentrée scolaire .
« Mane deh dama khamoul fou may dieum mane…! » La cuillère en bois dans une main, son foulard calé sous l’aisselle, je regarde Nogaye tourner machinalement sa sauce mafé. ( J’adore le mafé, je voue une passion éternelle à la pâte d’arachide et donc au mafé…)
Je lui demande de m’expliquer la raison de son tourment. Et Nogaye de me dire que – « Vraiment daal, sonouna trope ! » Ecolou tay môme, ce n’est même pas possible daal «
Apparemment, avoir choisi de mettre son fils dans une école privée pour son entrée au collège n’est pas vraiment une très bonne idée.
Fournitures yi, comme kouye diaye yapp… Kilo ak liber, kilo ak genewalou… Bref la ruine !
Nogaye m’explique qu’elle a liquidé son avance sur salaire et mon prêt « étudiant » en 24 heures !
Bien qu’ayant acheté tous les livres d’occasion du côté de l’avenue Blaise Diagne. Bien qu’ayant négocié âprement chacun des livres achetés, à la sueur de son front et à la salive de ses amygdales… Nogaye a dépassé de très très loin ses prévisions, son budget, ses yaakars et sa capacité à comprendre le bien-fondé de la longueur de la liste des ouvrages au programme de la classe de 6e F de Madame Diédhiou …
Et si il n’y avait que cela …
« Les livres c’est quelque chose hein … «
Ça, c’est Mme Thiam Bintou Marie. Ma conseillère bancaire . Lundi dernier j’étais allé en personne négocier un report d’échéance pour mon prêt immobilier…Alors que je tentais d’expliquer les raisons pour lesquelles mon chantier était en retard, Mme Thiam s’excitait toute seule au téléphone : « Khana feutre dou feutre rek ???? »… « Niataa ? »… « Mane kholal, Bébé Ndeye, tu choisis : soit tu fais de la danse, soit tu fais du basket, mais pas les deux… » » Et non, le chauffeur de papa ne peut pas t’amener au Sea Plaza pour aller voir tes copines. « .
À coup de « Ay nioune, fou niuy dem…? » Mme Thiam, la perruque de travers et le menton dans sa main alourdie de bagouzes dorées, me décrit avec désespoir la quinzaine d’ouvrages qu’elle a dû acquérir neufs à la librairie des 4 Vents, Bébé Ndèye ayant refusé net de s’abaisser à trainer ses nouvelles « Air Force One » à la Foire au Livre de son Lycée. Indisposée à l’idée de « wakhaler » ses futurs outils littéraires auprès des élèves de seconde.
« Khamga ki dafa rew ! » – martèle ma conseillère en postillonnant en direction de ma pommette droite.
M’essuyant discrètement, je compatis et continue de l’écouter se lamenter sur la charge psychologique que représente l’achat d’un compas …
« Khana doù pour ay cercles rek ! », gémit -elle…
Et de se questionner à voix haute sur la raison pour laquelle, elle achetait son compas à la boutique du coin, il y a encore à peine 40 ans … Un petit compas en plastique, avec un petit crayon tout mignon. Lequel compas traçait des cercles tout aussi mignons … Mme Thiam, au bord des larmes, renifle sur la complexité des compas d’aujourd’hui. À ClairAfrique, elle avait eu le choix entre une boîte rectangulaire avec des dizaines d’accessoires tous aussi inutiles les uns que les autres à presque 15 000 frs et un compas ultra sophistiqué, ultra unique dans une pochette en plastique souple estampillée Staedtler à presque 25000 francs…
De retour au bureau, j’ai finalement laissé ma gestionnaire de compte en tête-à-tête avec ses glandes lacrymales… Je retrouve Thier assis au milieu de la salle de réunion. Ses cinq portables alignés devant lui. Thier a 40 ans, trois épouses, dix bouts de bois de Dieu, zéro diplômes et les poches toujours pleines …
Il a deux atouts : il n’a peur de rien et ses trois frères vivent à l’étranger. Donc, Thier est un revendeur officiel. Vous voulez une puce, un téléphone, des préservatifs, du lubrifiant, une voiture, un téléviseur… Peu importe ce que vous voulez, Thier vous le procure. Ce n’est pas compliqué, tout vient de l’étranger… À chaque rentrée des classes, il commande via ses frères des trucs en quantité industrielle. Gomme, taille-crayon, stylo-plume, cartouche d’encre, rapporteurs, ardoises, cahiers… Il fait des lots dans des mbouss et passe ses journées à écouler sa marchandises en haranguant les conducteurs coincés dans les embouteillages… (Oui, du verbe haranguer…). « Khana do dieunde fourrnitirr ??? «
Même si les trois quarts du temps, on lui répond à coup de « tchipp », il finit tout de même par écouler l’intégralité de sa papeterie ambulante, réussissant même à distribuer son WhatsApp pour récupérer des clients et les livrer le lendemain.
Même le fils aîné de Thier, qui a commencé la Fac de lettres, est aux anges. Il a lui aussi initié grâce à ses oncles son propres business d’ouvrages littéraires … Il importe par conteneurs entiers des éditions passablement fatiguées de Molière à Racine en passant par Platon, Flaubert ou Sartre… Tous ces ouvrages intelligemment ramassés sur Le Bon Coin et autre sites de « refourgage »…
Les étudiants qui découvrent le Couloir de la Mort sont plutôt ravis, voire comblés, de récupérer pour une poignée de pain les oeuvres au programme de toute l’année …
Bref, on est bien loin de l’époque où je récupérais auprès des anciens tout le package de l’année écoulée, avec en bonus les marques-pages, annotations, traces de doigts, de café, odeurs de thiouraye et autres délices …
Je crois que le seul truc sympa pour les étudiants, c’était la possibilité d’acheter des feuilles par petit lot de 10 ou de 20 … Ndeyssaane…
Thier lui doit avoir une cinquantaine de rames sous son lit, dans sa chambre d’étudiant… Je ne sais pas qui il fournit à la direction du COUD-CROUS, mais il y a des entrées … Du coup, il vient vendre ses bouquins et ses papiers jusque dans les salles de classe. Nous avions Hélène, ils ont Thier …
Je pourrais aussi vous parler du jardin d’enfants et de la dernière de Nogaye qui vient de faire son entrée au CP et qui piaille à longueur de journée que « Maîtresse Cécile nena patati nena patata », pendant que Nogaye fulmine en remettant systématiquement en rayon l’article qu’elle vient de prendre ( le moins cher, bien sûr) pour finalement suivre les instructions de Cécile Tine à la lettre …
Courasss … Plus que deux mois avant Noël…
Votre ancienne cartoucharde Doc Gynéco
alias Coach Juliette Bâ
cheffe-koronikeuse chez Sentract (www.sentract.sn)
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