Tract – Sans préjudice des actions judiciaires sur lesquelles peuvent déboucher les actes de violence gratuite, délibérée et prenant pour cible une femme enceinte, des mesures disciplinaires que peut et doit prendre l’Assemblée nationale, il faut s’interroger sur la qualité de cette institution.
La scène que nous avons regardée, éberlués, d’un colosse quittant le perchoir pour aller frapper une dame est l’indice d’une dégénérescence de la politique au Sénégal. Il faut ajouter à l’indécence de ce geste, si peu sénégalais, l’indignité d’un autre homme, député aussi de son état comme le premier, qui a donné un coup de pied à la dame avant de s’affaler comme une masse. Quel courage ! Deux hommes, qui n’ont pour eux que l’appartenance à ce genre par la naissance mais non par les valeurs, en molestant une femme, ont ainsi donné de l’Homme Sénégalais une bien piètre image. Car c’était notoire, jusque là, que le Sénégalais est un gentleman. Mais ça c’était avant cette législature.
Cette assemblée est en train de marquer l’histoire de notre nation, de bien triste façon hélas. C’est la chienlit ! Absolument. Définitivement. Irrémédiablement. Les invectives, les disputes, les attaques ad hominem, les mises en cause personnelles, les bagarres, les hurlements, et j’en passe et des meilleures… Tout, je dis bien tout, dans cette assemblée m’est insupportable.
Sans revenir sur le fond de la querelle, il faut dire avec force que rien, je dis bien, rien ne peut expliquer le recours à la violence. Surtout pas contre une femme. Sans sexisme aucun, autant je puis concéder qu’entre deux femmes, à la borne fontaine, une dispute puisse dégénérer, autant il m’est impossible d’imaginer que cela puisse arriver, entre un homme et une femme, tous deux députés, dans le Saint des saints, la maison du peuple.
Au-delà de l’histoire que je viens de relater, il faut admettre que, loin d’être une anecdote, cette insupportable péripétie, de violence faite aux femmes est le fait d’hommes qui sont caractérisés, hélas, par une impuissance. Intellectuelle d’abord, cette impuissance se manifeste par une incapacité à trouver des arguments de qualité. Impuissance émotionnelle ensuite, à se dominer et à prendre sur soi, pour avancer. Enfin, incapacité culturelle enfin à revisiter nos consensus traditionnels pour passer l’éponge quand la personne qui en est l’auter est une femme.
Après avoir crié – urbi et orbi – que leur arrivée réhausserait la qualité des débats, les nouveaux députés ont choisi pour cheval de bataille, les incivilités, la discourtoisie, la violence verbale et, depuis peu, avec le verbe haut, celle physique. En effet, ces députés qui se réclament de l’opposition radicale, en faisant de leur propension à insulter, invectiver et à bander les muscles, un marqueur déterminant, révèlent leur inaptitude démocratique.
En arrivant à l’Assemblée nationale à la faveur du suffrage universel, les députés se sont plu à imaginer que le mandat populaire constituait un permis de dire n’importe quoi, de frapper et même de tuer, en fonction d’une hiérarchie de la gravité des actes qui n’est compréhensible que d’eux-mêmes.
Vous n’avez pas honte ! Faiblards qui vous y prenez à deux pour molester une femme, de surcroit enceinte. Il y a un nom pour cela : lâcheté !
Avec Camus, je veux vous rappeler que « Non, un homme ça s’empêche. Voilà ce que c’est un homme, ou sinon… ce n’est pas un homme ! »
Gorgui Kafindia