C’est ce mercredi 4 janvier, (vendredi précédent au Sénégal) que sort en salles en France le film Tirailleurs de Mathieu Vadepied. Projeté au dernier festival de Cannes dans la section Un certain regard, ce long métrage met en scène la star Omar Sy dans l’uniforme français d’un poilu de la Première Guerre mondiale. Une façon pour l’acteur français d’origine sénégalaise, également producteur du film, de raconter une histoire méconnue.
: Dans Tirailleurs, vous incarnez Bakary Diallo, un éleveur peul qui va s’engager dans l’armée française pendant la Première Guerre mondiale pour aller sauver son fils de la boucherie des tranchées. En quoi ce film était-il si important que non seulement vous jouez l’un des personnages principaux, mais vous en êtes aussi le producteur ?
Omar Sy : En fait, c’était important pour moi juste pour rappeler qu’on a eu ces soldats-là, quelle a été leur implication dans cette guerre. Et les conditions aussi, pour eux, comment ils sont arrivés ici, et comment ça a été pour eux de vivre cette guerre-là. Ils ont été, j’ai l’impression, un peu oubliés dans le récit de notre histoire.
Pour cause, moi, j’ai appris ça un peu tardivement, le détail. Par exemple, moi, j’avais une notion des tirailleurs seulement sur la Seconde Guerre mondiale, alors qu’ils étaient là pour la Première Guerre mondiale. Et quand on nous raconte les histoires des poilus, ils ont eu aussi des tirailleurs à leur côté. Et producteur, c’était m’impliquer parce que, en fait, avec Mathieu Vadepied, on parle depuis une dizaine d’années. J’ai lu toutes les versions possibles de ce film. Je l’accompagne depuis un moment. C’était un mouvement naturel, on va dire.
Vous dites que cela fait dix ans que vous en parlez avec Mathieu Vadepied, c’est parce qu’en fait, cette histoire n’aurait pas existé s’il n’y avait pas eu Intouchables d’Olivier Nakache et Éric Toledano. C’est ça ?
Exactement. Cette histoire est née à la cantine. On était en train de tourner Intouchables. Mathieu Vadepied était le directeur de la photo. Et un jour, on parle de cette histoire, il me pose cette question justement : « Et si le soldat inconnu était un tirailleur ? ». Alors, moi, je me pose la question, est-ce que c’est possible ? Pourquoi je ne me suis jamais posé cette question ? Et là, je me rends compte que j’ai un manque d’informations qui m’empêche ce questionnement. Donc, le film vient justement pour essayer de pallier et de corriger ce manque d’informations finalement.
Au départ, vous deviez jouer le fils…
Il y a dix ans, oui. Quand on parlait de l’histoire, c’était pour jouer un soldat qui va entrer dans cette guerre-là. Puis, le temps passe. Je ne suis plus suffisamment jeune pour jouer le fils. Je dis ça en rigolant, mais c’est finalement la meilleure des choses possibles, parce qu’en fait, le meilleur rôle dans cette histoire, en tout cas celui qui me touche le plus et qui est une suite logique dans mon trajet d’acteur, qui est quelque chose de nouveau, Bakary est parfait pour ça.
Tirailleurs, c’est un film de guerre. Mais c’est aussi un film intimiste sur une relation père-fils avec à un moment une inversion des valeurs, puis le fils [Thierno, joué par Alassane Diong] qui se rebelle…
Oui, mais c’est juste ça. Pour moi, ce n’est pas un film de guerre. En fait, c’est un film qui se passe pendant la guerre, mais c’est essentiellement cette histoire de ce père et de ce fils, et de cette bascule. Il y a toujours un moment où l’enfant rejette toutes les valeurs de ses parents pour devenir l’homme qu’il a envie de devenir. C’est comme ça qu’on se construit. Mais, il se trouve que là, ça arrive un peu prématurément et ça arrive dans un endroit avec beaucoup de tensions, parce qu’on est en pleine guerre et qu’on a un fils qui comprend deux, trois trucs et un père qui ne comprend rien du tout. Donc, ça rajoute à la violence. La violence de cette guerre vient rajouter à ce moment qui, de toute façon, est violent dans la vie des hommes, c’est-à-dire le moment où notre fils devient un homme et qui dit : je ne prends plus tout ça, tout ton marché, tous tes machins-là, ça ne m’intéresse plus. Oui, c’est surprenant.