Tract – Si « former » (enseignant) est le métier qui rend possible tous les autres métiers; « informer » (journalistes) est le second et dernier métier qui garantit l’exercice paisible et digne de tous les autres métiers!!!
J’ai écrit ce texte en 2001. J’étais alors journaliste à SUD FM et chroniqueuse à TRACT Quotidien où je signait des articles sous le pseudo Doc Gynéco.
Je l’ai quelque peu dépoussiéré mais l’esprit est intacte…
Bonne Lecture 😉😊
Vos commentaires sont les bienvenus 😊
On les dénigre dès que l’occasion se présente, on les insulte souvent, ils ou elles sont pourtant les personnes les plus écoutées, les plus lues, les plus regardées et pourtant les moins payées de notre baobabesque pays…
Vous avez dit pisse-copies… ?
AU COMMENCEMENT ETAIENT MALAYE, JEROME, ELISABETH, SADA, PEDRE, SIMON ET LES AUTRES…
Pour la plupart, tout commence de la même façon : môme déjà, vous vous extasiez devant la choucroute dégringolante et la diction impeccable (déjà pour l’époque … restons techniques… !) de Babeth Ndiaye, la volubilité d’Oumar Dia et la (grande…) classe de Sada Kane… sans oublier la célébrissime « radio majeure », c’est en l’écoutant que vous avez pour la première fois compris le sens de l’expression « réseau synchronisé », rappelons que vous suiviez avec délectation avant l’avènement de Canal et autre TV5, l’émission « éducatiiiiive et récréayatiiiiiive de Serigne Ndiaye Gonzalessssss…
Vint ensuite l’avènement de la presse privée, radios, quotidien et évidemment vous vous êtes rendu compte que le métier de journaliste vous était accessible… Moyennant concours pour le Cesti par exemple mais plus ouvert ailleurs… Donc nous arrivons à ce 12 juillet 2001, l’occurrence l’heure et l’instant même où vous me lisez et je me propose de faire les assises de la presse… 3, 2, 1… Grattez… !
JOURNALISTES : LA PROFESSION AUSCULTEE FOCUS SUR UNE JOURNÉE TYPE DANS LE MONDE DE LA FM !
Tout commence par la sonnerie de votre réveil 6h45… Vous soupirez, vous vous étirez, foncez sous la douche… Vous ravisez au dernier moment et entamez une toilette de chat… Ensuite, tout en vous habillant, vous guettez le klaxon de la voiture de ramassage un joli petit van désespérément Hundaï ou car de police (tirant sur le bleu… que celui qui se sent morveux se mouche…).
7h30… La dead line est dépassée. Le chauffeur vous venez de le piger vous a une nouvelle fois planté, à vous, comme trois matins sur six de vous débrouiller pour rallier votre chèèèèèère rédaction avant la fin de la réunion du matin… L’âme en peine et la sacoche sous le bras, vous sortez de chez vous en grignotant un bout de pain partiellement beurré et vaillamment, vous vous rendez vers l’arrêt de cars rapides le plus proche…
8h26… Vous voilà ruisselant et odorant à souhait, le souffle court, vous vous affalez sur la dernière chaise libre de la salle de rédaction, celle qui n’a plus qu’une moitié de dossier et vous tentez de capter l’orientation des discussions autour de vous… La réunion commence à 45, pour une fois, vous n’êtes pas en retard. D’ailleurs les vrais retardataires arrivent, la bouche encore pleine de pain thon et autre « forokh thiaya » acquis à crédit chez le Diallo et les différents « borom tabel » du « cogne »
9h10. Après 25 minutes passées à parler des fautes de français des uns et des autres, après avoir tenté (pas toujours en vain…) de démonter sournoisement les journaux du matin, enfin après avoir placé des blagues qui ne font rire que leurs auteurs, le petit monde réunit autour de vous (et de la pseudo table ronde bancale…) décide de passer aux choses sérieuses, en l’occurrence le menu du 12 heures (le journal de midi quoi !) et les sujets de défiler, telle conférence de presse de tel ministre, telle réunion extraordinaire de telle coopérative, tel tuyau de telle canalisation qui a explosé dans tel quartier populeux, tel procès de tel journaliste pour diffamation… Et puis bien sûr, le creusage de cervelle, quand vous arrivez en retard et que les sujets disponibles sont déjà distribués, les neurones qui fument, pour essayer de trouver un truc qu’on n’a pas trop développé… La saleté ? On en a trop parlé… La recrudescence de la violence ? Même chose… Les portables, les voitures d’occasion, les poubelles dans la rue, les communautés étrangères, le consulat de France et l’épineux problème des visas etc…
09h45. Heureusement vous avez la chance d’être envoyé(e) au Méridien-Président pour couvrir une quelconque réunion sur l’eau et la technologie… Le truc auquel vous ne risquez pas de vous intéresser mais puisqu’il faut travailler… ! Au moins il y aura une pause-café. (Vous, Diallo ne vous fait plus crédit car votre dette avoisine l’intégralité de votre salaire…) et plein de documents de distribués. Et là vous jubilez car tout bon journaliste le sait ? Séminaire, conférence et table ronde = les 3 P… Pause-café, Papier, Perdiems… Donc en résumé. Vous allez manger à l’œil, faire le plein de papier recyclable et avir le « paass » de toute la semaine… Elle est pas belle la vie ?
11h 00. Le chauffeur vous dépose aux Almadies ou devant un quelconque complexe hôtelier en mesure d’abriter la centaine de cerveaux qui la semaine durant plancheront sur la meilleure façon d’acheminer l’eau aux populations défavorisées en milieu rural … Ledit chauffeur vous assure qu’il reviendra vers midi et demi, bien qu’il doive déposer quatre de vos camarades aux quatre coins de la ville, banlieues comprises… Dubitatif vous descendez du véhicule et vous préparez mentalement à rentrer par vos propres moyens…
11h15. Vous avez tourné pendant un bon quart d’heure avant de trouver la salle où se déroule ladite réunion et finissez par atterrir dans une petite salle où un petit comité assis autour d’une petite table semble discuter d’affaires ultra secrètes… ! Maladroitement, (le journaliste tordra sa cravate bleue sur sa chemise jaune-orange dans tous les sens et la journaliste se tortillera maladroitement dans son tailleur rose bonbon…), vous essayez de repérer un visage bienveillant à l’air plus ou moins sympathique, pour vous expliquer que c’est une erreur…
Dix minutes plus tard, (donc à 11h25), en nage et vexé(e) comme un pou, vous trouvez enfin la salle B 56. Vous reconnaissez Coura, votre consœur d’un média concurrent et vous installez a ses cotés en ouvrant la sacoche en pagne tissé que l’on vous a remise à l’entrée de la salle. Un sourire aux lèvres vous commencez à vous attendrir devant son contenu. Un bloc-notes, un stylo, une enveloppe avec 20 000 f cfa !!! Vous avez presque la larme à l’œil (C’est qu’on est le 26 là… Comme qui dirait, le mois est « creux » ! Vous écoutez d’une oreille les différentes allocutions. Vous avez raté le ministre mais pourrez récupérer le « son » auprès des confrères… Pour le reste, tout est dans la documentation … alors vous poursuivez tranquillement la parlotte avec Coura.
16h50. Trois pause-café, un déjeuner et quelques interviews plus tard, vous sortez de l’hôtel, (ravi)e de votre journée et scrutez le parking à la recherche de celui que tout le monde à la Rédaction surnomme « mangui niow »… Point de trace du van Hyundai.
A 17h40, après cinquante minutes d’attente, dépitée(e) et en sueur, vous regardez le ciel et priez pour que le chauffeur arrive au galop… ce, tout en jetant des regards nerveux à votre portable et en appréhendant le coup de fil que le technicien du journal de 18h00 ne manquera pas de vous passer pour vous faire entrer dans le journal, en direct… Et évidemment, vous n’aurez rien à dire parce que tout à votre conversation avec Coura vous n’avez pas fini d’écrire votre papier… seulement voilà. Le technicien vous a appelé il y a dix minutes pour vous dire que vous passez dans le journal et que ce n’est pas négociable.
18h07. La sonnerie du téléphone vous fait d’ailleurs sursauter en retentissant, vous avez à peine le temps d’entendre « je te mets en ondes… » que vous y êtes déjà, muet(te) de malaise, vous entendez le présentateur vous annoncer puis vous lancer…Alors tel « Gaindé Ndiaye » un jour de disette, vous vous élancez dans votre savane radiophonique… : « Que les populations rurales, patati patata »… « Que le ministre patati patata » « et que d’ailleurs les bailleurs patati pata » et puis c’est déjà fini. Vous entendez le présentateur vous désannoncer… et le technicien vous balancez un « Ok, cool » avant de raccrocher…
Vous soupirez. Voilà une bonne chose de faites. Vous écrirez votre papier dans la voiture en profitant des embouteillages et rendrez votre papier à temps pour le journal de 22h00.
19h00. Vous n’en pouvez plus de scruter le parking vide. Vous êtes (dépite)e a l’idée de « casser » vos billets de 10 000 tout frais. De plus en plus énervé(e), vous vous demandez à présent pourquoi le chauffeur n’est pas encore là alors que la lune pointe son nez …
19h30. Vous envisagez tristement de prendre un taxi… Ils sont garés en face de l’hôtel. Plongés dans une vive discussion sur le meilleur moyen d’annoncer à sa première qu’elle va avoir la joie de voir débarquer une « niareel »… Pour les faire bouger, il va falloir casquer !
La mort dans l’âme vous concluez votre « waxalé » : 5 000 fcfa et vous vous engouffrez dans le taxi…
20h37. Arrivé(e) sur les lieux de votre rédaction adorée, la queue habituelle vous attend devant les machines et autres bancs de montge, vous vous asseyez dans un coin de la pièce climatisée et tentez d’écrire un semblant de texte cohérent sur les canalisations de Cambèrène et les possibilités de reproduire des schémas économiquement viables en matière d’approvisionnement en eau… Pas de chance, impossible de retrouver votre stylo tout neuf… Vous avez laissé vos affaires sur la table le temps d’une pause « leweul » et à votre retour, plus de stylo ! Vous n’êtes pas sans le savoir, le « bic », quelque soit sa couleur est une denrée rare dans toute Rédaction qui se respecte…
21h00. Le studio libéré, vous vous empressez d’enregistrer votre papier, papier qui ne passera pas (vous l’apprendrez plus tard) le chapeau (le texte introductif) s’étant juste, banalement volatilisé…
« YAN’GI LEKK SA XALISS..! » … (TU PARLES !)
Coach Juliette aimerait profiter de l’occasion pour tirer au clair, une bonne fois pour toutes la question de la soit disant fortune des journalistes.
Que ce soit clair et ce définitivement, le journaliste est pauvre comme Job…
Les stagiaires et les pigistes étant les individus fournissant le plus de boulot en étant le moins payés, ces esclaves touchent entre 50 et 100 000 f toutes rédactions confondues… Les prestataires eux ont droit à 75 ou 100, voire 150 000 f et les embauchés sont payés selon la convention des journalistes : 157 000 f ou quelque chose dans le genre à partir de Bac + Cesti, Issic, Iseg et toute la clique d’écoles de Com qui foisonnent à tout va, en ajoutant à peu près 10 000 f par année universitaire supplémentaire (ayant abouti à un diplôme évidemment… Vous ne serez pas payé pour avoir fait trois fois la première année de droit… ça non !).
Vous voyez… constatez par vous-même… il n’y a pas de quoi ouvrir un compte en Suisse ! Ni même à BICIS Prestige…
Ensuite et en conséquence, un journaliste aura deux caractéristiques qui lui collent à la peau : il est soit surendetté et ou toujours fauché… !
Eternellement à 100 f près, les journalistes n’ont aucune perspective d’avancement (c’est bien connu, la retraite d’un Rédacteur en chef, c’est sa démission, son « débauchage » ou son décès…) et puis comme de toute façon il y a toute une rédaction d’appelée pour un seul et unique Red’chef élu, (Red’chef qui, quand il ne bosse pas et que la rédaction n’ose pas le virer, est secondé par des chefs de desk qui, quand eux-mêmes ne bossent vraiment pas sont secondé par des chefs de desk adjoints, bref : toute une gamme de « chefetons » qui sont payés à parfois se tourner les pouces, (parfois pas) les doigts de pieds en éventail (pas toujours) dans des chaussures pas toujours très clean (quelque fois)… ! Red’chef qui touche quelque chose dans les 300, 400, voire 500 000, le même salaire qu’un commercial en post début de carrière à la Sonatel… Affolant… !
Les journalistes connaissent donc les propriétaires mécontents, les coupures définitives de courant, les crédits téléphoniques microscopiques, le portefeuille vide le jour même ou l’on reçoit son salaire, les aller-retour a la compta dès le 10 du mois pour prendre une avance, les sandwiches qu’on ingurgite à longueur de reportages, on a beau varier, ils finissent tours par avoir le même goût : un goût de fatigue et de ras-le-bol… Ras-le-bol devant les lecteurs, auditeurs et téléspectateurs qui aiment dévorer la presse sans plus.
Comprenez : aucune participation ! Pauvre journaliste chargée d’un micro-trottoir se prenant sans arrêt les mêmes paroles blessantes « yénn journalistes-yi dé nguen di wakh rèk lù amool…! » Bul ma camera waay », et autres « niata ngay fay » (et tiens prends ça dans la g… pour te décourager à jamais…).
Pauvres pisses-copies poireautant deux heures durant, attendant le bon vouloir d’un ministre, ou d’un « grand quelqu’un » sans considération aucune de la part de ceux-là même qui quelques jours avant ont fait parvenir une invitation ou une demande de couverture à la rédaction et qui aujourd’hui vous font du « door cii khèr-yi… » … Navrant, tout ça…
IL NOUS RESTE LA GLOIRE… ET LA PARESSE… (TU PARLES… !)
Il reste évidemment, me direz-vous, la gloire… les gens vous reconnaissent dans la rue… (Peut-être mais ce n’est valable que pour la télé…). « ey yow aka ma la beugueu !»… « Yow moome tu es mon fan’s !!! »
Les gens qui vous demandent où vous travaillez finissent par vous reconnaître… (OK, mais et après ? La gloire, surtout celle du journaliste n’a jamais payé les factures de téléphone, que je sache… ?). Alors évidemment, sans espoir d’avancement, sans perspective financières… ce n’est pas avec un salaire de journaliste que vous habiterez aux Almadies, achèterez la dernière BM et irez à la Mecque… surtout quand il est payé le 28 du mois à venir !
Donc forcément, on se décourage, on en fait de moins en moins, parfois on déprime (même si on fait croire à tout le monde que tout va bien et qu’on est plein aux as… !) et finalement on cultive l’effort minimum et la paresse… guette !
Alors un jour, parce qu’il se marie et devient « borom njaboot » le journaleux va bifurquer.
Chargé de presse, conseiller en communication, écrivain, ministre, … Il va se retrouver dans une ambassade ou un consulat quelque part entre Dubaï et Genève. Ou arpenter les couloirs des nombreux organismes des nations Unies et autres ONG.
De tous mes confrères de l’époque (ce papier à été écrit en 2002 et publié pour le Tract, je l’ai juste un peu remis au gout du jour…) de tous mes confrères de l’époque donc, seuls quelques irréductibles siègent encore dans les rédactions. Ils sont devenus des CHEFS et ont la lourde tâche de… TRANSMETTRE. Transmettre RIGUEUR, PROFESSIONALISME et HUMILITE à ceux qui aujourd’hui représentent la NOUVELLE GÉNÉRATION de journalistes …
BON COURAGE !🌸🌸🌸
Je suis reconnaissante à l’extrême à mes maîtres, mes mentors… Ceux qui un jour de septembre 95 m’ont donné ma chance et quelques années plus tard m’ont offert une bourse …
Chérif Elvalide, Latif Coulibaly, Babacar Touré, Abdoulaye Ndiaga Sylla, Vieux Savané, Baba Diop, El Hadj Kassé et tant d’autres… 👊
MERCI !!!
#Rigueur
#Professionnalisme
#Humilité
Votre Doc Gynéco pisse-copie aka Juliette BA MAIRESSE
Journaliste
Coach Mieux-ÊTRE
Professeur de Yoga
« ARROSEURS ARROSES : ILS PARLENT DE TOUT, ECRIVENT SUR TOUS, SAUF SUR… EUX-MEMES »
(TRACT n° 384 du 13/07/01, P.4)
Tract.sn