Tract – M. Tariq Ramadan,
J’ai lu avec intérêt votre publication sur votre page Facebook.
Merci pour votre vision éclairée sur le rôle crucial des leaders religieux, particulièrement les khalifes des confréries mouride et tijane, dans la destinée politique du Sénégal.
Votre appel à la sagesse et à la responsabilité est un rappel salutaire de la primauté des principes sur les calculs politiques. Il est inapproprié cependant puisque la mission fondamentale que se sont librement choisie nos vénérables guides sprituels est celle de constituer pour notre pays, notre pirogue commune, les piliers qui l’empêchent de chavirer, lorsque la mer de notre vie en société est quelque peu agitée. C’est de cela qu’il s’agit.
Votre texte lapidaire, manque d’équilibre, cependant. Sûrement à cause du parti-pris, en faveur d’une des parties prenantes de la situation au Sénégal. Ce biais est notoire et justifie sûrement qu’il manque à votre production intellectuelle, les facteurs de la situation que nous vivons et que, par commodité argumentative, vous imputez au régime en place et, à vous lire, au silence des Khalifes. Vous avez tort ! Sans ambages.
La préservation de notre démocratie et de notre République ne repose pas uniquement sur les épaules de nos dirigeants religieux, aussi respectés soient-ils. C’est un fardeau que nous devons tous porter, en tant que citoyens du Sénégal, patriotes de l’intérieur et de la diaspora. Nous devons tous nous tenir responsables de la protection et de la promotion de nos principes démocratiques.
Il est facile de tomber dans la tentation de la division et du conflit, mais en tant que nation, nous devons résister. Nous devons rappeler aux citoyens sénégalais, de tout bord ; dirigeants comme opposants, qu’ils soient politiques, religieux, militaires ou civils, que la véritable richesse du Sénégal réside dans son peuple.
C’est tout pour ce qui vous concerne !
Puisque vous parlez assurément de loin, pas de France, où vous assignent à résidence, les multiples procès dans lesquelles vous vous débattez pour retrouver un honneur, mis à mal par des accusations infamantes, hélas plusieurs fois répétées par de très nombreuses plaignantes, mais plutôt du haut de votre condescendance. C’est la raison pour laquelle je voudrais saisir l’occasion que m’offre votre tribune pour adresser un message au peuple sénégalais. Tout d’abord, à la diaspora.
Mes chers frères,
Restons engagés et contribuons au débat politique avec des idées constructives. Votre lien avec le Sénégal, bien que tendu par la distance, ne s’est jamais rompu. Vous le savez, le rôle que vous avez à jouer, dans le développement de notre pays, est crucial. La crise que nous vivons constitue l’ordinaire des nations, celles qui se veulent fortes, ne peuvent pas faire l’économie de crises similaires à celle en cours. Investissez-vous pour proposer des solutions.
Vous en avez le bagage intellectuel, vous en avez le parcours professionnel et la légitimité personnelle, tous, en raison de ce que vous êtes pour ce pays. Que plus un franc n’aille au financement de ce qui ressemble à une insurrection, pour user d’un euphémisme ! Telle est ma prière. Que plus un seul effort ne soit fait dans une autre direction que celle de tisser à nouveau les liens qui font de nous une grande voix dans le concert des nations ! C’est le coeur de ma supplication.
Au peuple du Sénégal maintenant, surtout aux sénégalais restés au pays, je dis ceci :
Notre démocratie a peut-être été mise à prix par des sénégalais, comme vous et moi, mais l’âme de ce pays ne peut pas être vendue.
A titre de rappel, la voix du peuple est la véritable épine dorsale de notre nation ! Ne permettez, ne permettons, à personne de priver l’autre de son droit imprescriptible de parler, de protester et de participer à la gouvernance de notre pays. Fût-il aussi charismatique que celui qui vous encorage sur la « voie escarpée », celle qui nous oppose les uns aux autres dans un conflit sans issue.
Et à nos leaders religieux; musulmans, catholiques et traditionnalistes, pour finir, je souhaite humblement, filialement, rappeler que :
Votre influence est grande, mais avec elle vient une grande responsabilité. Celle de guider le peuple, puisque c’est assurément le vôtre, non pas vers un parti ou un individu, mais vers les principes et valeurs qui font la grandeur du Sénégal et des religions qui la composent : la justice pour tous, la transparence dans son administration et la compassion entre frères.
Ensemble, nous pouvons veiller à ce que notre démocratie et notre République restent solides et résilientes, indépendamment des forces qui cherchent à les déstabiliser.
C’est notre devoir le plus sacré en tant que citoyens et patriotes du Sénégal.
Maurice Coulibaly