(Sentract)- De la craie à l’animation. L’animateur Cheikh Sarr n’est plus à présenter dans le monde des médias. Il a su s’imposer dans le milieu de l’animation grâce à son talent. Mais sa réussite n’a pas été un long fleuve tranquille. Le célèbre animateur a parcouru du chemin. Celui-ci a été semé d’embûches. Il a vécu des débuts difficiles qui l’ont obligé à dormir dans la rue. Cheikh Sarr, un sans-abri ? Il faut le lire pour le croire. Heureusement, l’histoire a viré à la success-story. Après une petite pause dans sa riche carrière, suite à sa démission du groupe D-Média, en juin dernier, Cheikh Sarr débarque à Emedia. Entretien…
Vous avez quitté le groupe D-Média il y a peu et vous voilà à Emedia. Pourquoi le choix de Emedia ?
J’ai quitté une famille. Mais à Emedia, je rejoins une autre famille. J’y retrouve des gens bien. Au cours des discussions avec le Directeur général du Groupe Emedia Invest, Alassane Samba Diop, j’ai découvert qu’il était mon beau-père. Al Hamdoulilah. Ensuite, Boubacar Diallo est mon grand-frère. On se respecte beaucoup. Il m’a très bien accueilli. Il m’a dit : « Cheikh, tu es mon petit frère. Tu es chez toi à Emedia ». Je dois tenir l’antenne de 10h à 12h. Mais, j’ai le sang chaud en ce moment. J’ai envie de continuer jusqu’à 14 heures. J’en exprime la demande. Surtout que j’ai eu le temps de marquer une petite pause qui m’a permis de faire une évaluation pour la suite de ma carrière. J’ai bien réfléchi. J’ai eu beaucoup de propositions. Mais à l’heure du choix, c’est Emedia qui remplissait tous les critères. On va apporter des innovations. J’en ai discuté avec le directeur des programmes de la télévision (Itv). Je lui ai fait des propositions. Il y’aura de nouvelles émissions. On verra ce qu’on n’a encore jamais vu dans aucune chaîne de télé ici au Sénégal.
A quel point votre passage à D-Média vous a marqué ?
J’ai rejoint D-Média avec une charge lourde (ndlr : Il devait remplacer Pape Cheikh Diallo). C’était très difficile. Mais avec l’appui de mes collègues de travail et des Sénégalais, j’ai réussi à relever le défi. J’ai fait là-bas 10 ans. Malgré tout ce qu’on a dit, je n’ai pas souhaité répondre, parce que j’ai une philosophie dans la vie. Je ne retiens que les bons moments que j’y ai vécus. Mes collègues ont apprécié mon apport pour l’essor du groupe. J’ai apporté ma pierre à l’édifice. Et ça, j’en suis très fier. A mes débuts, des gens travaillaient pour que je perçoive mon salaire. Par la suite, c’est grâce à mon travail que d’autres employés étaient payés. C’est dur de quitter une famille, mais je retiens que c’est la volonté divine. C’est ça l’essentiel pour moi.
Et votre duo avec Alima Ndione et votre sens du partage dont on parle…
Je ne pouvais pas agir autrement, puisque j’ai été éduqué ainsi. J’ai le sens du partage, parce que cela m’a été inculqué par mes parents. Ils aidaient les familles démunies du quartier à l’insu de tous. Mais ce sont les bénéficiaires qui tenaient à en parler. C’est dans cet environnement que j’ai grandi. Je ne pouvais agir autrement. Partager un micro n’est pas facile. Les duos finissent souvent par se disputer et par se lancer des piques. Je viens à Emedia avec cet esprit de partage.
Votre départ de D-média n’a-t-il pas détérioré vos rapports avec Bougane ?
Bougane reste mon grand-frère. Il en sera toujours ainsi entre nous. Quand j’ai annoncé ma décision de rejoindre Emedia, sa maman, son épouse, ses jeunes frères, ce sont des fans, ils m’ont tous contactés. Des collègues m’ont envoyé des messages, d’autres m’ont contacté directement. C’est une famille.
Quel regard vous avez sur le milieu de l’animation ?
On anime de différentes façons. Il y’a l’animation musicale où on met beaucoup de musique et peu de paroles. Certains le font toujours, mais c’est caduc. Aujourd’hui, la tendance englobe plus le volet commercial. L’animateur vend son organe de presse et attire les sponsors. Pour ça, il faut faire beaucoup de bruit. Sinon, l’auditeur peut utiliser une clé USB, et écouter la musique tranquillement chez lui. L’animateur doit être beaucoup plus ingénieux, «am ay fem, kebetu, rakadiou». Je n’approuve pas non plus les animateurs laudateurs. Mais on doit mettre en exergue des exemples pour les ériger en modèles. La société en a besoin. Chacun a son style. De mon côté, je ne cite jamais quelqu’un à la radio pour de l’argent.
Que vous inspire la situation politique actuelle du pays ?
Aimer sa patrie fait partie de la foi. C’est une exigence de l’Islam. Dieu a fait que je parle à la radio et à la télévision, je dois élever la voix face au danger. Le fait est que la situation du pays est vraiment tendue. Il suffit d’une étincelle pour que tout s’embrase. On doit tout faire pour apaiser la tension, surtout avec les coups d’Etat qui se multiplient dans la sous-région. Que Dieu nous en préserve. De notre côté, on va jouer notre partition, en bon citoyen, grâce aux valeurs que nos parents nous ont inculquées. J’interpelle le pouvoir et l’opposition. On doit respecter celui à qui Dieu a confié le pouvoir. Ce dernier doit aussi veiller au bien-être de la population. Il faut un équilibre à respecter. Le Sénégal n’a jamais connu de coup d’Etat, que Dieu nous en préserve, tout le monde doit jouer sa partition pour la stabilité et la paix.
Pouvez-vous revenir un peu sur votre parcours Cheikh ?
Ça n’a pas été facile. J’étais salarié. J’ai commencé à enseigner en 1998 jusqu’en 2003. J’ai appris dans chacune des localités où j’ai eu à servir. Pour l’animation, ça a démarré en 1999. Mon grand-frère, Ndongo Sarr, qui était Directeur de radio, me disait : « Devant un micro, considère tes auditeurs comme des stars. Tu dois apprendre d’eux pour mieux les servir ». J’ai été très tôt pris par le virus. Parce que j’ai grandi à côté de grands-frères qui aimaient beaucoup la musique. L’un d’eux, Zale, et mon oncle, Ousmane Sall, que Dieu ait pitié de son âme, avaient une chaîne à musique. Ils me laissaient animer la première partie. J’ai aussi animé des cérémonies tels que les baptêmes, les mariages et même les funérailles. Je mettais des versets du saint Coran. Voilà comment j’ai intégré le milieu. En 2003, j’ai quitté Keur Momar Sarr, pour venir à Dakar exercer ma passion. Mais les débuts étaient très difficiles.
Ah oui…
Ça oui ! C’était la radio par et pour les enfants. J’ai travaillé sans salaire ni indemnité. Voyant ma situation, ma grande sœur, dont le fils aîné était plus âgé que moi, et qui pouvait donc être ma mère, m’a ordonné de rentrer à Keur Momar Sarr. Elle ne pouvait pas supporter la situation dans laquelle je m’astreignais alors que j’avais laissé un salaire. Elle m’a posé un ultimatum : rentrer ou sortir de chez elle. J’ai choisi la seconde option. La nuit, je dormais dans la rue, sur les deux voies de Liberté 6. Le matin, je rejoignais la radio pour animer comme si de rien n’était. Des gens m’enviaient alors qu’ils ne savaient pas ce que je vivais. Un jour, un de mes neveux m’a surpris dans la rue. Comme je ne voulais pas que mon secret soit dévoilé, j’ai déménagé à Yoff. Je me suis alors installé près du mausolée de Seydina Limamou Laye. J’avais confié mes affaires à un ami, Djiby. Je me douchais chez lui aussi.
De combien était votre premier salaire… ?
C’était 10 000 FCFA. Je vous explique comment je l’ai gagné. Je suis allé trouver des pêcheurs. Je les ai aidés à accoster. Ils m’ont donné des yaboye (sardinelle en français), que j’ai revendue à 10 000 FCFA. Je me suis alors rendu au marché et avec la somme gagnée, j’ai acheté du parfum et du déodorant, que j’ai mis dans un sac à dos avant d’arpenter les rues de Yoff à Grand-Yoff. C’était mon gagne-pain à l’époque. Quand j’avais beaucoup de bénéfices, je me régalais chez le «Maïga». Par contre, en période de vaches maigres, je me contentais de «Fondé» (bouillie de mil) ou du «Thiéré» (couscous de mil) à 100 FCFA, un sachet de lait à 50 FCFA et du sucre à 25 FCFA. Je pensais aussi à ma famille, surtout à mes parents qui étaient devenus âgés. Je me rendais jusqu’aux Parcelles Assainies pour envoyer de l’argent. J’attendais le jeudi pour remettre à l’apprenti du bus horaire pour Keur Momar Sarr, (je suis kaw kaw et fière de l’être) (rire), 5 000 FCFA, 3 000 FCFA pour ma mère et 2000 FCFA pour mon père. Et malgré cette difficulté, Dieu merci, je n’avais pas une mauvaise fréquentation, je ne buvais pas d’alcool, ni fumais de la cigarette. C’est ce début qui m’a forgé. J’étais toujours sans abri. Mais un jour, j’ai parlé de ma situation à un ami, Cheikh Lo. Il m’a alors accueilli dans son atelier de tailleur. Je dormais sous sa table à coupe. C’est là que j’ai appris à cuisiner. D’ailleurs, je prépare très bien le « Moukhamza» (pâtes perles au lait). (il pouf de rires). C’était succulent, mon ami en raffolait. C’était une vie de célibataire. Quelques années plus tard, j’ai intégré le groupe Walfadjiri où j’ai eu mon premier vrai salaire de radio. Après, j’ai fait la radio Premier Fm, puis Sopi FM, ensuite D-Média et aujourd’hui je suis à Emedia.
Vous avez servi comme enseignant dans beaucoup de localités. Quels sont vos rapports avec vos anciens élèves ?
La première localité où j’ai enseigné en 1998, c’était Keur Bassine. Après 3 ans, je suis allé à Keur Yaral Thiam, puis à Diokoul Fall. Et mon dernier poste c’était à Keur Ma Niang. J’ai de très bonne relation avec mes ex-élèves, certains mêmes ont fondé des familles et il y en a qui sont même des polygames, alors que leur maître est toujours monogame (rires). Pour vous dire que le rapport enseignants-élèves est un lien très fort. L’enseignant est celui qui peut dire les défauts et les qualités de ton enfant. Il est un analyste comportemental.
Pourquoi alors avoir déserté la craie pour de l’animation ?
C’était plus fort que moi. La musique est jalouse, finalement l’animation a pris le dessus sur la craie.
Vous êtes quelqu’un de très spirituel, récemment vous étiez à La Mecque. D’aucuns disent que maintenant, vous devez quitter l’animation. Quel est votre commentaire ?
La question, c’est de savoir si l’animation est «Xaram» ? Et ça, je le demande à Oustaz Taïb Socé. Au Sénégal, la manière dont on utilise l’islam, l’islam dépasse ça. Car, résumé l’islam à la prière, au jeûne, à l’aumône, ce n’est pas ça. L’islam nous a mêmes appris le développement. Moi, même si je partais 1000 fois à La Mecque, je vais animer 1000 fois.
Vous êtes un adepte de la monogamie. Et vous magnifiez souvent votre épouse à l’antenne. Dites-nous comment vous vous êtes connu ?
Je touche du bois, mais j’ai une très bonne femme. Elle est discrète, disponible, pieuse, généreuse, c’est une mère pour moi. J’ai une petite sœur qui s’appelle Maïmouna, je lui disais c’est toi qui va me trouver une femme. Un jour elle m’envoie une photo de la fille, elle me dit c’est ta femme. J’étais à la radio et je ne savais plus quoi animer. Dès ma descente, je l’ai appelé, elle m’a dit je te rappelle. Quand elle m’a dit ça, j’étais découragé, mais quand elle m’a rappelé j’étais aux anges. Nous sommes sortis ensemble 3 semaines et nous nous sommes mariés. Parce que son père, Thierno Madani Tall de la famille Omarienne, m’a appelé vers les coups de crépuscule, il m’a dit tu aimes ma fille. La réponse fut positive. Il me dit aujourd’hui, c’est mercredi ce jeudi envoie ta famille pour qu’on officialise le mariage. Et voilà.
Tract avec Besi