(Tract)- C’est un homme géant de tient noir, avec des lunettes noires, habillé de manière très simple, qui était dans les locaux de E-Media, pour l’émission « Tous au ciné ». Thian Thiandoum était venu pour présenter sa nouvelle série : « Bakary Taximan ». Auteur, réalisateur qui a démarré sa carrière en 2006, son premier film « Diarobi » a remporté le Prix du public du Festival du film de quartier de 2008. Il a ensuite enchainé avec « La Reine et le Soleil », un court métrage Prix « Clap Ivoire » 2010. Homme multitâche, Thian a fait une bonne partie de sa carrière à la télévision, mais c’est aussi un concepteur et réalisateur de beaucoup d’émissions télé à succès, de séries, de films, notamment avec la maison de production Marodi, dont le dernier est « Rebelle », qui a été malheureusement interdit au Sénégal. Montez à bord avec le conducteur de « Bakary taximan » dont l’avant-première s’est tenue ce 21 octobre à Sorano à l’occasion de la soirée d’anniversaire de iRadio.
Vous bouclez une nouvelle série, « Bakary Taximan ». Parlez-nous un peu de son concept ?
« Bakary Taximan » parle du vécu d’un Sénégalais lambda qui tire le diable par la queue pour subvenir à ses besoins et ceux de sa famille. C’est taximan qui a un taxi en très mauvais état qui circule dans Dakar et il doit se battre tous les jours pour justement assurer la dépense quotidienne, préparer son baptême à venir, gérer les fêtes familiales. Egalement, s’occuper de la carrière de sa sœur qui veut devenir musicienne. Il doit faire face à la concurrence de son demi-frère qui coache sa fille pour qu’elle devienne une star de l’opéra. Sans compter gérer les caprices d’une maman dépensière. (…) En quelques mots, « Bakary Taximan », c’est ce Sénégalais-là qui vit dans un tumulte social familial exacerbant, qui le pousse généralement à déverser tout ce tumulte dans la rue. Ce qui est en général à l’origine de beaucoup de problèmes liés à la sécurité routière.
Qu’est-ce qui a été le déclic pour mettre en son et image cette transformation sociale dans le vécu des familles sénégalaises ?
C’était à la suite de l’accident meurtrier de Sikilo, le 8 janvier 2023, qui a fait plus de 40 morts et plusieurs blessés. En tant qu’artiste, je me suis interrogé, je me suis projeté et je me suis dit qu’il serait intéressant peut-être, au lieu de juste m’indigner, de chercher des coupables, mais d’aller vers une démarche beaucoup plus constructive en écrivant une histoire qui mettrait en scène un taximan. Et puis, à travers ce personnage peut-être m’interroger sur les causes réelles des comportements que l’on retrouve dans nos rues. C’est là qu’est venu le projet, c’est parti d’une chronique que j’avais postée sur ma page Facebook qui a été largement partagée. Et donc, j’ai décidé d’en faire une série télévisée, afin de pouvoir parler de notre société de manière générale. Mais également de faire de la sensibilisation sur la sécurité routière. Dès qu’on a mis en place le projet, l’Agence nationale de la sécurité routière (Anaser) a voulu nous accompagner. Je pense que c’est un projet très intéressant dans la mesure où il est d’intérêt général. Parce qu’au-delà du rire et de la dérision que nous allons apporter, ce projet va nous permettre de nous questionner, de nous mettre face à nos responsabilités.
C’est une série de combien d’épisodes ?
C’est une série de 36 épisodes de 13 minutes qui sera diffusée sur iTv. Nous comptons faire beaucoup de saisons, parce que nous pensons que la série elle-même est dans son univers qui est coloré, qui est riche, qui est une représentation en miniature de la société sénégalaise. Elle pourrait effectivement être un phénomène de société. C’est un narratif autour duquel nous pourrons toujours nous réunir pour exorciser nos démons.
On constate également une dose de modernité avec même des femmes de ménage qui demandent à leur employeur si la maison à du wifi. Que voulez-vous montrez par-là ?
C’est parce que la modernité nous envahit, nous ne pouvons rien contre elle. Nous avons tous des téléphones portables, nous sommes tous connectés, l’essentiel de nos activités se passent dans les réseaux sociaux. Donc, c’est une réalité, nos villes se transforment avec des bâtiments qui poussent à tout bout de champ. Nos transports sont en train d’être modernisés avec l’arrivée du Ter, du Brt, etc. Donc, la modernité nous submerge. Et face à cette modernité, il y’a une façon de vivre qui est assez conventionnelle pour ne pas dire archaïque, parce que ce n’est pas notre rôle de juger. Mais en tout cas, il y’a un choc entre notre culture et cette modernité-là.
Expliquez-nous le choix de votre casting par rapport aux différents personnages ?
En fait, je pense qu’il fallait trouver un équilibre dans le casting. Effectivement, il y a des têtes d’affiche comme Khalima Gadji (Marième Dial), Djibi Sèye, Malcom, Pape Daouda, etc. Mais il y a également des comédiens qui ne sont pas très connus. C’est un challenge pour moi. Je suis réalisateur et ce n’est pas la première fois, des carrières sont passées entre mes mains. Modestie à part, j’ai fait beaucoup de stars de la télévision, qu’il s’agisse d’animateurs, de journalistes, d’acteurs, j’ai pu accompagner beaucoup de personnes dans le milieu audiovisuel et cinématographique. Je n’ai aucun doute que ces personnages-là pourront, à travers l’univers de « Bakary taximan », s’exprimer, faire leur chemin, et puis devenir des têtes d’affiche comme les Khalima Gadji et autres ?
On ne peut pas terminer cet entretien sans évoquer la série « Rebelle » qui a été interdite par les autorités sénégalaises. Quelle a été la suite ?
Nous sommes dans une sorte d’imbroglio. En tout cas, ce qui est factuel, c’est que l’autorité a décidé de suspendre la série et pour ne pas être en faute vis-à-vis des institutions, nous avons décidé d’arrêter les tournages. Mais nous espérons trouver un consensus ou un compromis pour pouvoir tourner ce film d’une importance capitale, géopolitique pour le Sénégal dans l’échiquier mondial.
Envisagez-vous de céder la série à d’autres chaines à l’international ?
Non, du tout ! « Rebelle », c’est un film qui a de la qualité pour se retrouver dans les plateformes internationales comme Netflix, ou Amazone. Mais nous nous sommes dit que c’est un film qui doit être regardé par les Sénégalais, parce que fait d’abord à destination du public sénégalais. Notre combat, c’est de réussir à convaincre les autorités étatiques, ne serait-ce que jeter un coup d’œil sur ce qui a été fait, par-delà même les préjugés. Et je pense qu’elles se rendront compte qu’il y’a plus de peur que de mal. Que « Rebelle » est une série responsable, qui a abordé cette histoire de la Casamance sans chercher à prendre parti ou à faire du mal. Mais c’est plutôt un film qui retrace un pan de notre histoire très douloureuse. Je pense que les films sont des catharsis et qu’il est très important que nous puissions nous réunir autour d’un narratif extrêmement important.
Tract A.A.K Besbi