Tract – Depuis Samedi 3 Février 2024 date à laquelle le Président de la République Macky Sall annonce le report de l’élection présidentielle, élection initialement prévue le 25 Février 2024, le Sénégal fait la une de l’actualité politique mondiale.
Il s’agirait d’une manœuvre politique qui vient gonfler la mille-feuille de « deals » mis en place depuis 1960 et que tous les chefs d’État sénégalais qui se sont relayés ont entérinés et reproduits.
Mais la situation actuelle est inédite. En effet, depuis la dite alternance de 2012, le Sénégal, pays considéré comme un modèle de démocratie en Afrique subsaharienne dispose d’un « Président politicien », un soldat qui « tire sur tout ce qui bouge ». Il tire sur ses adversaires mais également sur ses partenaires voire même sur les arbitres médiateurs pour la paix sociale.
Parmi les actes graves qu’il a posés, nous avons le prolongement de son premier mandat. En effet, dès son accession au pouvoir en 2012, il organise un référendum, son référendum et ramène son mandant à 7 ans au lieu de 5 promis en campagne électorale. Les Sénégalais acceptent.
Ils apprivoisent, grâce à la corruption politique, les deux gourous du Landerneau politique sénégalais : Moustapha Niasse de l’Alliance des forces de progrès (AFP) et feu Ousmane-Tanor Dieng du Parti socialiste (PS) qui avait confisqué le pouvoir pendant 40 années.
Le soldat Sall fournit à ses 2 professionnels de la politique, les armes de combat dont l’Assemblée nationale et le Haut conseil des collectivités territoriales (HCCT) deux institutions considérées par les Sénégalais comme des structures budgétivores conçues uniquement pour récompenser ces opposants devenus collaborateurs.
Toujours convaincu qu’il faut absolument « réduire l’opposition à sa plus simple expression », le soldat Sall réactive la Cour de répression de l’enrichissement illicite (CREI) et crée l’Office national de lutte contre la fraude et la corruption (OFNAC), deux institutions chargées de traquer les biens mal acquis et de sanctionner l’enrichissement illicite dont des candidats potentiels comme Karim Wade seraient acteurs. Sans surprise, parmi les 26 personnes auditées et soupçonnées, seul Karim sera épinglé, incriminé, incarcéré puis exilé au Qatar dans des conditions toujours non élucidées. Karim Wade a purgé une partie des 6 années de prison requises par le tribunal. En revanche les 138 milliards de francs CFA d’amendes qu’il doit verser restent toujours en interrogation.
Toujours soucieux de faire un second mandat en 2019 et de préserver le pouvoir le plus longtemps possible, le soldat Sall se charge de nettoyer au Karcher le champ de l’opposition potentielle. Il ordonne un audit des collectivités locales et finit par épingler le candidat Khalifa Ababacar Sall qui aurait détourné de l’argent de la caisse d’avance de la mairie de Dakar, argent qui est voté pour venir en aide aux nécessiteux. Khalifa Sall est incriminé, incarcéré et privé de ses droits civiques. Les Sénégalais laissent faire.
En 2016/2017, il poursuit son projet de destruction, attaque l’administration qui, jusqu’à présent était sous son contrôle de l’État. Le cancer de la mal gouvernance se généralise et finit par amener des agents patriotes comme Ousmane Sonko à engager des campagnes de lutte et de dénonciation des mauvaises pratiques au sein des administrations publiques dont les services des impôts et domaines.
Le soldat Sall décide alors de radier Ousmane Sonko par décret N°22016-1239 pour « manquement à l’obligation de discrétion professionnelle ». Mais contre toute attente Ousmane Sonko va devenir son ennemi politique N°1.
A la tête du Parti africain pour le travail, l’éthique et la fraternité (PASTEF) Ousmane Sonko éveille les consciences et devient la personnalité politique la plus populaire et la plus crédible du Sénégal. Il dit combattre le système ainsi que toutes les personnes qui l’incarnent. Et malgré toutes les étiquettes que le régime a cherché à lui coller, il détient l’adhésion des 80 % pour ne pas dire 100 % des Jeunes qui représentent 75 % des 18 millions de Sénégalais.
Vexé, le soldat Sall en fait une affaire stricto-personnelle et met tout en œuvre pour liquider Ousmane Sonko. Il instrumentalise l’Assemblée nationale et surtout la justice qui accélèrent tous les dossiers pour incriminer et liquider Ousmane Sonko : les sombres et dramatiques affaires Adji Sarr et Mame-Mbaye Niang laissent toujours un goût amère aux Sénégalais qui ont vécues en directe tous ces moments très difficiles.
Malgré une farouche résistance d’Ousmane Sonko, malgré les centaines de morts et de blessés, le Soldat Sall utilise les moyens de l’État dont les forces de défense et de sécurité (FDS) et finit par incarcérer de force Ousmane Sonko et les Sénégalais laissent faire.
Il tire sur les médiateurs dont les chefs religieux qu’il finit par ne plus écouter.
Toujours assoiffé de combat, le soldat Sall s’interroge sur une possible 3ème candidature interdite par la constitution car « nul ne peut faire plus de deux mandats consécutifs » au Sénégal. Il garde quand même le silence le plus longtemps possible. Il sème le doute mais sous la pression nationale et internationale il renonce, malgré lui, à une 3ème candidature mais déclare « tout mettre en œuvre pour appliquer les décisions de justice », de sa justice très instrumentalisée. Il semblait faire allusion aux dossiers portants sur Ousmane Sonko.
C’est ainsi qu’il dissout illégalement PASTEF le parti que dirige Ousmane Sonko, incarcère la plupart de ses leaders. Il met également en détention des milliers de militants de PASTEF et de la société civile et les Sénégalais laissent faire.
Comme il n’est pas candidat, le soldat Sall doit absolument trouver un valet à sa convenance. Il organise un dialogue, trompe les partisans en leur promettant monts et merveilles. Le Soldat Sall tire aussi sur son propre camp aujourd’hui divisé. Amadou Ba imposé par lui-même ne fait pas l’unanimité.
Toujours à la recherche d’une porte de sortie, le Soldat Sall se tourne vers sa famille politique d’origine, le Parti démocratique sénégalais (PDS) d’Abdoulaye Wade en partie complice et responsable de la situation dans laquelle le Sénégal se retrouve confiné depuis mars 2000, date à laquelle le pays avait connu la 1ère dite alternance.
Enfin, grâce au parrainage et en complicité avec son Conseil constitutionnel le soldat Sall organise l’invalidation de plusieurs candidats dont encore Karim Wade. Le PDS saisit le soldat Sall, établi un deal et l’amène à tout mettre en œuvre pour reporter l’élection présidentielle prévue ce 25 Février 2024. C’est chose faite. L’assemblée nationale a fini par valider mécaniquement le décret de report. L’élection prévue le 25 Février 2024 est reportée au 15 Décembre 2024.
Cette décision semble être la goutte d’eau qui fait déborder le vase. Partout dans le monde et au Sénégal, les Sénégalais et la communauté internationale expriment leur indignation.
Suite à ce diagnostic des évolutions politiques du Sénégal ces deux dernières décennies, notre propos est de dire que pour sauver le Sénégal, il faut d’abord sauver le soldat Sall. Lorsqu’un soldat ne parvient plus à faire la différence entre ses ennemies, ses partenaires et les arbitres, il faut tout mette en œuvre pour d’abord le désarmer, ensuite l’écarter, le soigner, déminer ses champs d’actions et de se dire « Plus jamais ça ».
Le Sénégal possède les ressources nécessaires pour atteindre cet objectif. Le Soldat Sall ne tombe pas du ciel, Il est des nôtres. Ses partisans le sont également.
Le Sénégal a aussi toujours été désigné par l’Union africaine et par la Communauté internationale pour régler, diplomatiquement, les graves conflits qui gangrènent ses pays voisins. Il s’agit d’un pays qui dispose encore de ressources humaines compétentes pour ramener le soldat Sall à la raison. Il peut également mobiliser tous les acteurs concernés afin de retrouver la paix.
Les Sénégalais réclament de la justice. Ils veulent des élections libres, inclusives et transparentes. Il faut avoir le courage de respecter cette demande sociale et laisser de côté les ambitions personnelles.
Une fois ce travail d’apaisement réalisé, il faudra très vite, s’atteler à prendre à bras le corps les difficultés des Sénégalais noyées par toutes ces désordres de politiques politiciennes.
Voilà en résumé notre contribution pour un Sénégal plus apaisé.
Momar-Sokhna DIOP
Professeur d’économie-gestion et écrivain autour de plusieurs ouvrages dont « Sénégal, diagnostic d’un pays candidat à l’émergence », Editions l’Harmattan, 2019.