Tract – L’on peut trouver que le surbooking est une invention géniale des compagnies aériennes pour se maintenir à flot, et même prospérer. Jusqu’à ce qu’on en soit soi-même victime, du surbooking. Pour ceux qui n’ont pas l’esprit voyageur ou migrateur et ne se sont donc jamais intéressés aux pratiques des sociétés d’aéronefs, le surbooking est une pratique commerciale qui tient de l’invention du tapis volant magique : il consiste à vendre plus de places qu’on en a à bord de son avion. A l’origine, pour être sûr que l’avion sera plein même en cas de no show ou de retard important du passager. Ou encore de crainte qu’un client annule son voyage pour un cas de force majeure et en demande le remboursement.
Objectif : Que l’avion soit plein donc et pas plus. Car on ne peut tout de même pas fourrer un passager dans la soute ou dans les compartiments à bagages de l’habitacle, aussi rapace que l’on fût. Les clients surbookés prendront un autre avion affrété par la compagnie, avec départ et arrivée prévus à une autre heure du même jour, quand le premier avion aura été plein de passagers, conséquence automatique d’un surplus de réservations.
Mais ne voilà t-il pas que vous êtes victime de surbooking. Sans que la compagnie aérienne ne vous en ait avisé avant votre arrivée à l’aéroport, tout fringant et sentant déjà comme un cheval la proximité de votre écurie.
Vous avez passé une semaine d’un séjour idyllique dans une capitale du continent, été par monts et par vaux (y compris au sommet d’une vraie montagne), visité un château désaffecté, bu a la source d’une vraie cascade naturelle, déambulé dans un musée, testant au passage des plats locaux jusqu’alors inconnus de vous, qui ont enchanté votre palais comme Adam goûtant à la pomme dans le jardin d’Eden; eu des discussions passionnées avec vos hôtes formidables qui se trouvent être vos compatriotes amis habitant la capitale en question depuis des années et qui en connaissent tous les secrets et recoins qu’ils vous font visiter; vous avez fait des emplettes pour vous en retourner chez vous et le plein de belles images et de sensations procurant du plaisir comme avoir les doigts en éventail dans le sable fin d’une plage de la capitale visitée. Arrive le jour du retour chez vous. (Nota Bene : Toutes autres péripéties fâcheuses au moment de votre vol retour, même si vous fâchez tout rouge pour cela dans l’instant , ne seront que minimes et pas graves, au regard des beaux souvenirs futurs que vous garderez du pays visité) .
A l’aéroport, vous vous présentez au contrôle précédant le check- in. La préposée au sourire automatique vous dit : « attendez Monsieur (ou Madame hein! Le surbooking n’est pas sexiste.), je crains que votre vol ne soit plein. Je peux vous mettre sur notre vol suivant ?
– Non madame, une navette automobile réservée et déjà payée m’attends à mon aéroport d’arrivée !
– Monsieur (ou madame), il se trouve qu’on a eu des passagers qui voyageaient en groupe.
– Justement je faisais partie d’un groupe de voyageurs, pour Dakar.
– Ah oui, dites moi lesquels sur cette liste; vous dit la préposée.
Puis:
– Ne vous en faites pas, je m’occupe de vous.
– Dans combien de temps ?
– Ce ne sera pas long. Dans 5 à 10 minutes.
Bref. Vous avez eu beau faire. Montré vos compagnons de voyage sur la liste du vol. Expliqué votre cas urgent à la collègue de la préposée, arrivée en gilet jaune avec un obsolète talkie-walkie à la main pour s’enquérir de ce qui se passe Bref. La sentence tombe. La préposée vous l’annonce :
– Monsieur (ou madame, hein). Il n’y a plus de place dans ce vol.
La préposée en tenue d’hôtesse (au sol) a plissé les lèvres, comme si elle avait dû vous dire que votre animal de compagnie préféré a été percuté par la voiture du voisin.
Vous encaissez le coup. Vous constatez q’elle a noté au Bic bleu votre nom sans rajouter votre second prénom, seulement le premier. Cela sera lourd de conséquences.
Vous étiez dans la file en classe économique de cette compagnie aérienne X (X car anonymisée ici, et pas parce qu’elle appartiendrait à Elon Musk). Pour prendre le vol suivant, vous demandez à vous faire enregistrer au guichet sans file indienne de la classe business. Même si ce sera pour aller en classe éco, après. Au comptoir, vous avez les narines et les oreilles qui fument. Vous donnez votre pièce d’identité, qui vous tient lieu de passeport, puisque vous voyagez au sein de la même communauté sous-régionale. Le bonhomme placide au comptoir vous fait déposer le premier de vos deux gros bagages sur le tapis roulant, y appose un sticker, la valise enregistrée va vers le tarmac, sur le tapis roulant derrière les comptoirs d’enregistrement. L’agent au regard blasé vous demande de poser le deuxième bagage. Vous vous exécutez. Il vous tend votre carte d’embarquement dans le même geste, étend son bras pour apposer un sticker sur le deuxième bagage.
Catastrophe ! C’est la loi de Murphy qui est en œuvre contre vous : vous constatez que c’est le nom d’un parfait inconnu qui est inscrit sur votre carte d’embarquement, un autre passager dont le patronyme de 7 caractères commence par les deux mêmes lettres que le vôtre!
Là c’est trop. Vous tempêtez à n’en plus finir. Vous exigez qu’on aille chercher votre valise sur le tarmac, là-bas au loin. L’agent en essayant de corriger son erreur, sort de la machine deux cartes d’embarquement : l’une avec un seul de vos deux prénoms; l’autre avec vos deux prénoms ! Que se passe-t-il donc pour que j’ai une telle scoumoune??? Vous demandez-vous.
10 minutes ont passé. Un autre bonhomme obséquieux a tenté de vous calmer et promis daller chercher votre valise déjà partie avec un sticker portant le nom d’une personne qui n’est pas vous. Pendant la moitié de ces 10 minutes, vous avez crié au scandale dans l’aéroport. Le bonhomme plein de courbettes sollicite votre compréhension. Bref.Bref.Bref. Il finit par vous remettre votre carte d’embarquement avec au dos les deux talons de vos bagages, avec écrit a la main sur la carte, les mots » Machin Chose Salon » et sa signature. Vous allez finir de calmer votre colère d’abord hors de l’aéroport avec trois cigarettes; puis au salon business avec un plat cuisiné en barquette et un breuvage titrant 12.6° de volume. A l’heure dite, vous montez dans le second avion. Il décolle une heure trente après le vol précédent dans lequel on vous a spolié de votre siège, avant que de vous « spoiler » un tantinet en salon Business, afin d’obtenir votre mansuétude.
C’était le surbooking.
Ousseynou Nar Gueye
Post-scriptum : j’ai voyagé en avion ce dimanche 05 mai 2024. Toutefois, je ne dirai pas sur quelle compagnie. Ni si j’ai été « surbooké » par eux.