TRACT – Le gouvernement du Sénégal, dans le but d’avoir une souveraineté alimentaire, a comme objectif d’atteindre à priori, une autosuffisance alimentaire qui est d’une importance capitale pour l’atteinte de son objectif fixé.
Parlant d’autosuffisance alimentaire, elle est un concept qui généralement signifie la capacité d’un pays à satisfaire les besoins alimentaires de la totalité de sa population à partir de sa propre production nationale et donc satisfaire la demande finale.
Vu cette définition, nous avons sollicité le savoir de l’agronome Saliou Ndiaye, ‘agripreneur’ et ‘agroécologue’ à l’Université Gaston Berger de Saint-Louis afin qu’il nous fasse une analyse sur les possibilités d’atteindre l’autosuffisance alimentaire pour le Sénégal.
À la question de savoir à quoi consiste l’autosuffisance alimentaire, Saliou Ndiaye répond:
“ D’abord, il faut savoir que l’autosuffisance alimentaire est un concept souvent évoqué par les hommes politiques et qui est indispensable à l’atteinte de la souveraineté alimentaire d’un pays. Elle désigne la capacité d’un pays à produire suffisamment de nourritures pour satisfaire les besoins alimentaires de sa population sans pour autant faire recours à l’importation de denrées alimentaires. Elle implique donc une implication de beaucoup de parties prenantes du pays qui jouent chacun un rôle spécifique et important selon son niveau d’intervention et ses moyens. Maintenant, pour réussir le défi de l’autosuffisance alimentaire, il est nécessaire d’avoir une production forte, diversifiée et efficace qui sera accompagnée d’infrastructures de conservation, de transformation et de distribution afin de réduire la dépendance vis-à-vis des marchés internationaux. Au Sénégal, avec l’élection récente d’un nouveau régime politique qui se proclame souverainiste, il se trouve raisonnable et urgent que le débat sur l’autosuffisance alimentaire soit soulevé”, a d’emblée soutenu l’agronome.
L’entrepreneur agricole précise:
“Au Sénégal, avec l’élection récente d’un nouveau régime politique qui se proclame souverainiste, il se trouve raisonnable et urgent que le débat sur l’autosuffisance alimentaire soit soulevé. Et, un pays qui lutte pour sa souveraineté doit donc obligatoirement être occupé par sa souveraineté alimentaire. Cette dernière est un concept politique très large et qui englobe, entre autres, la sécurité alimentaire et l’autosuffisance alimentaire. Donc, aucun pays ne peut avoir la souveraineté alimentaire sans pour autant régler ses problèmes de sécurité et d’autosuffisance alimentaire. Cependant, l’atteinte de l’autosuffisance alimentaire est bien plus qu’un simple souhait d’un État ou une simple expression utilisée pour embellir les débats politiques. Elle nécessite, entre autres, la mobilisation de véritables moyens financiers, des ressources humaines bien formées, des instituts de recherches agricoles efficaces pour répondre aux problèmes des producteurs et des infrastructures de qualité pour assurer la conservation, la transformation et la distribution sans oublier la logistique. Parce que la technologie, de nos jours, est devenue également indispensable pour optimiser l’agriculture avec des solutions plus innovantes. Ainsi, il serait pertinent de nous poser objectivement la question à savoir “Est-ce le Sénégal pourrait-il atteindre l’autosuffisance alimentaire dans ce quinquennat du gouvernement du Président Bassirou Diomaye Faye ?” S’est interrogé l’agroécologue.
En réponse à cette interrogation, l’agronome argumente:
“De mon point de vue personnel, je trouve que les cinq années à venir seront trop proches pour atteindre l’autosuffisance alimentaire au Sénégal. Le délai me semble très court. Ce quinquennat doit plutôt servir à préparer le terrain en résolvant, en amont, les problèmes majeurs qui entravent le développement de l’agriculture sénégalaise. Parmi ces problèmes, on peut citer, entre autres, les difficultés d’accès aux terres et l’aménagement de ces dernières, l’importation de la plupart des semences, la gestion et la maîtrise de l’eau car je trouve utopique de vouloir atteindre l’autosuffisance alimentaire en comptant sur une agriculture pluviale au moment où les pluies se font rares et deviennent de plus en plus instables avec les changements climatiques. On peut aussi noter le manque de financement, de sensibilisation et de formation des producteurs sur les bonnes pratiques agricoles. La recherche académique n’est pas très orientée aux vrais problèmes des producteurs et du monde rural. Son financement semble aussi insuffisant. En plus, la plupart des formations agronomiques ne répondent pas aux vrais besoins du marché. Les changements climatiques sont aussi un obstacle à l’atteinte de cette autosuffisance alimentaire”, a estimé M. Ndiaye.
Ce dernier, émettant ses idées pour la résolution de ces problèmes, signe :
“La résolution de ces problèmes nécessite une bonne politique agricole du gouvernement qui devra prendre son temps pour une meilleure planification et mesurer les enjeux pour apporter des solutions efficaces et durables car depuis l’indépendance l’agriculture semble être orpheline au Sénégal et tarde à décoller malgré les milliards injectés chaque année. Une bonne politique agricole inclusive reste, pour moi, la seule solution pour atteindre une autosuffisance alimentaire durable. Et pour cela, il faut de gros moyens financiers mais surtout du temps pour consulter toutes les parties prenantes et bien planifier les actes qui devront permettre d’atteindre les objectifs fixés”, a estimé Saliou Ndiaye.
Hadj Ludovic