Tract – Le legs colonial est finalement une dette inexpugnable, dans la tête des « panafricanistes de gauche » qui nous dirigent désormais au Sénégal. Surtout de l’un d’entre eux.
En cette fin juillet 2024 dont nous sortons, le Premier ministre Ousmane Sonko s’insurge, tous ergots dehors, contre la France, en prenant bien soin de signer de sa casquette de président du parti Pastef : la France est « coupable » d’avoir reconnu que six tirailleurs massacrés lors des événements du camp de Thiaroye en 1944, sont « morts pour la France ». Parmi ces soldats « réhabilités » par l’ancien colonisateur, quatre Sénégalais, un Ivoirien et un Voltaïque (ancien nom des habitants du Burkina). M. Sonko demande à la France officielle de « revoir ses méthodes » et indique que ce n’est pas à ce « pays d’hiver et varié » de dire de quelle manière doivent être réhabilités les soldats africains massacrés lors des événements de Thiaroye.
Fort bien. Sauf que, parler « contre » la France comme vous le faites, M. Sonko, c’est encore, pour vous, penser « par rapport » à la France. Et donc définir ce que vous êtes et ce que vous faites, « en fonction » de que vous serez sans doute tenté de nommer « l’Afrance », et de l’image que vous vous faites d’elle. Cela renvoie, sauf votre respect, à l’image de la souris qui court dans sa cage grillagée en forme de roue, qu’elle fait tourner, sans jamais elle-même avancer d’un pas.
C’est là, hélas, le triste manège inlassable, mais lassant, des « décoloniaux professionnels compulsifs », parmi lesquels je pense pouvoir vous compter, M. Sonko.
Monsieur le Premier Ministre du Sénégal, vous saviez fort bien que cette année 2024 marque le 80ème anniversaire du terrible crime contre l’humanité, survenu au camp de Thiaroye. Pourquoi avez-vous laissé la France officielle « tirer la première », en ce mois de juillet 2024 finissant ? Comment avez – vous anticipé et qu’avez-vous prévu et annoncé en avance pour marquer cette date symbolique de commémoration incontournable pour décembre prochain ? Là est la question. Et la réponse vous fâchera sans aucun doute. Car elle tient en ceci : rien.
Ce « schème de pensée » de ne jamais sortir du prisme victimaire, vous l’aviez déjà adopté lors de votre raout avec Jean Luc Mélenchon à l’université Cheikh Anta Diop de Dakar. Vous y déclariez que nous, Sénégalais, « gérons à notre façon » cette réalité millénaire sur notre sol, qu’est l’homosexualité.
Ce qui est une avancée du point de vue d’un discours progressiste chez nos dirigeants, mais aussi un rétropédalage de votre part, par rapport à vos propos du temps de l’opposition, affirmant vouloir “criminaliser les actes homosexuels, une fois au pouvoir ».
Dans la foulée, vous n’avez pas assumé le service après-vente de votre nouvelle position « médiane » sur l’homosexualité au Sénégal, huée par les étudiants de l’UCAD et pour laquelle un journaliste-activiste qui l’a commentée de manière certes véhémente, est aujourd’hui en prison, pour atteinte à une personne dépositaire d’une partie du pouvoir du chef de l’État, c’est-à-dire vous, M. Sonko. L’arsenal juridique sénégalais n’a point besoin d’être plus corsé encore, en matière de ce que la loi qualifie pudiquement « d’actes contre-nature », comme pour ne jamais nommer le mot et « la chose ».
Dans cet ordre d’idées, j’en appelle à la clarification de la position de votre « GOS », Gouvernement Ousmane Sonko, sur la question de la sanctuarisation constitutionnelle de l’interdiction de la peine de mort, qui est effective au Sénégal. Car pourtant, en effet, tous les jours, des citoyens, des journalistes et des politiciens, sur les antennes de l’audiovisuel et dans les colonnes de journaux de notre pays, en appellent à ce que la peine de mort soit réinstaurée. Du temps où vous étiez opposant, vous aussi, M. Sonko, aviez « promis de faire revenir » la peine de mort. J’espère qu’il ne subsiste rien de cette idée mortifère, chez vous. Souhaiter à haute voix le retour de la peine de mort au Sénégal, ce n’est pas une opinion : c’est un acte inconstitutionnel.
Il est du devoir de votre charge d’y mettre le holà, Monsieur le Premier ministre.
Ousseynou Nar Gueye
Éditorialiste (Tract.sn) et Communicant