Tract – Au Cameroun, nonobstant quelques progrès, les inégalités entre les hommes et les femmes en milieu professionnel subsistent. Il est désormais crucial d’identifier les différents freins et de renforcer les stratégies visant à rendre concrète la réduction de ces inégalités. Et ce, davantage afin de rendre les entreprises et les différents circuits professionnels (formels et informels) plus inclusifs et plus performants sans laisser personne de côté.
Le gouvernement camerounais prend plusieurs mesures pour réduire les inégalités entre les hommes et les femmes, parmi lesquelles un projet pour l’amélioration de l’accès des femmes et des filles à l’éducation, en particulier dans les zones rurales, et l’adoption d’une stratégie nationale pour l’égalité des sexes afin de faire valoir les droits des femmes et des filles dans tous les domaines, y compris la santé, l’emploi, la participation politique et la lutte contre la violence basée sur le genre (Ministère de la Promotion de la Femme et de la Famille, 2020).
Portrait d’un contexte atroce
Au Cameroun, certaines femmes portent encore le poids des traditions. Elles sont censées rester chez elles et assumer la charge des tâches domestiques. La conséquence ? Un accès restreint au marché du travail, dans ce pays où l’accès à un travail décent est déjà difficile pour l’ensemble de la population. Elles se retrouvent dépendantes économiquement de leur conjoint et parfois vouées à une certaine précarité. C’est d’ailleurs ce qui fait que le Cameroun se classe en 138ème position sur les 156 pays évalués en ce qui concerne l’égalité des sexes, d’après le Forum Economique Mondial (2021). On remarque également que les écarts entre les sexes continuent de désavantager les femmes et les filles (Brun, 2019). Alors que le taux de la pauvreté est de 39% au Cameroun, ce taux s’élève à 51,5% pour les femmes, et environ huit sur 10 d’entre elles sont en situation de sous-emploi.
Les femmes camerounaises en entreprise : où en sommes-nous aujourd’hui ?
Au Cameroun, la présence des femmes en entreprise progresse, mais certains chiffres montrent que la parité demeure un idéal encore non atteint. Selon une étude récente réalisée, en 2022, par le Gicam (devenu Gecam après fusion du Gicam et de l’Ecam) avec l’appui technique et financier du BIT, moins de 15% de femmes occupent des postes de responsabilité au Cameroun. Cette donnée met en lumière la sous-représentation féminine à des postes stratégiques, même si une progression est constatée ces dernières années, avec la mise sur pieds de programmes et projets conjointement avec l’État du Cameroun pour réduire les inégalités entre les hommes et les femmes. Toujours selon cette étude, on souligne également que un écart salarial persiste également. D’après le même rapport, 33% de femmes observent une différence d’avantages que les hommes, et 68% des femmes interrogées considèrent certains postes comme acquis aux hommes, notamment des postes nécessitant un certain effort physique, des postes non compatibles avec la situation familiale comme les fonctions nécessitant des déplacements trop fréquents. Cette différence se révèle plus marquée dans certains secteurs tels que la finance ou l’ingénierie, largement dominés par une présence masculine.
Au-delà des chiffres…
Au-delà de ces chiffres, les femmes camerounaises sont aussi confrontées à des challenges moins tangibles mais tout aussi prégnants. La pression de correspondre à une certaine image, ou de devoir continuellement prouver leur compétence dans des milieux « masculins », pèse sur leur quotidien professionnel.
Ces obstacles, bien qu’ils aient évolué avec le temps, rappellent que le combat pour une égalité professionnelle entre hommes et femmes est toujours d’actualité.
Les différentes données montrent aussi qu’en plus d’être discriminées les femmes subissent une ségrégation professionnelle. Cela vient essentiellement du fait que les femmes sont majoritaires dans les entreprises collectives et informelles où les salaires sont faibles, alors que les hommes sont majoritaires dans les entreprises privées qui offrent des salaires élevés.
De manière opérationnelle, au Cameroun, il est important d’améliorer des politiques du marché du travail et la promotion de l’emploi des femmes et des filles dans les secteurs souvent réservés aux hommes, notamment l’ingénierie. Cette amélioration doit passer par un certain nombre de mesures comme la multiplication des sensibilisations autour des emplois productifs et décents, des formations offrant aux femmes des possibilités d’emplois bien rémunérés sur le marché du travail.
Baltazar ATANGANA
Gender and inclusion advisor
Références :
Brun, D. (2019). Données sur l’égalité des sexes au Cameroun. GenCap.
Forum Economique Mondiale. (2021). Global gender gap report 2021 : Insight report.
Ministère de la Promotion de la Femme et de la Famille. (2020). Profil genre-pays. Nullans, R. (2019). Faire de l’égalité femmes-hommes le levier transversal pour un monde durable. ONU Femmes. 24 novembre.
Redford Mounkala et Eric Ileng Dépêche No. 769 d’Afrobarometer, février 2024.
Sabine NTSAMA, Les écarts salariaux de genre au Cameroun, Travail et genre, Volume 9, numéro 2, 2014, p. 124–146.