Tract – Claude Winnie Pefolé est camerounaise d’origine. Depuis l’année 2012, elle intègre la magistrature camerounaise. En 2017, elle devient substitut du Procureur de la République et, parallèlement depuis 2020, elle est chercheure en droits humains et genre, mais aussi point focal genre et droit des femmes. Winnie Pefolé est également auteure féministe, avec plusieurs œuvres scientifiques et littéraires publiées.
Votre engagement en faveur des droits des femmes au Cameroun en particulier, et dans le monde en général, est remarquable tant sur le terrain que sur les plateformes digitales et même à travers de grands rendez-vous (colloques, séminaires , etc.). Selon vous, que reste-t-il à faire aujourd’hui dans la lutte pour les droits des femmes dans le monde ? Quelles sont les priorités selon vous ?
A mon avis, beaucoup reste à faire, les probabilités pour l’atteinte de l’égalité des genres restent encore très éloignées en terme d’écoulement du temps. Il est indéniable que la communauté internationale et plusieurs états consentent des efforts incommensurables en l’état. Cependant, la rentabilité et l’efficience de ces efforts se heurtent à de nombreuses résistances qu’il faut absolument résorber:
-D’importantes réformes législatives doivent accompagner les volontés politiques claires et affirmées en faveur des droits des femmes; sans consécration légale, l’égalité des genres n’aura ni légitimité, ni force.
-L’investissement y afférent doit être conséquent; c’est vrai que plusieurs réformes dans le monde résistent du fait de l’importance des budgets qu’elles nécessitent. Cependant, quand il s’agit d’égalité des genres, il est important de mettre dans la balance le coût de l’inégalité, et le comparer à celui de l’égalité, tant est il qu’il s’agit d’une question d’humanité;
-La formation holistique sur la question: formation des acteurs, des communautés (initiations à la masculinité positive, l’importance de ne laisser personne en arrière), des plus jeunes…. Bref nous devons tous nous mettre à l’école de l’égalité des genres, du fait de sa complexité mais aussi de son essence, comme étant intrinsèquement liée aux question d’humanité, de culture et de religion, qui font partie de la vie quotidienne de nos communautés.
Quelle est la place de la société civile dans ces avancements à venir ?
En matière d’égalité des genres en effet, les chiffres des nations unies démontrent que la société civile est la plus engagée sur la question. Il est clair que les priorités des états peuvent diverger, en fonction de la réalité socio-politique de chaque pays. La société civile est à l’heure actuelle, la société civile est celle qui est le plus impliquée et celle dont les efforts sont les plus significatifs en la matière, les résultats parlent d’eux-mêmes. Les organisations de la société civile sont plus proches des communautés pour les campagnes de formation et de sensibilisation, plus proches de victimes de violences basées sur le genre, plus promptes à mener un activisme soutenu sur les causes que cette question soulève. Cependant, bien que plus actives, elles font face à plusieurs blocages qui paralysent partiellement ou parfois même inhibent leur dynamique. Les difficultés systémiques structurelles, financières et opérationnelles, sont celles qui touchent le plus ces organisations. J’en parle en tant que responsable d’un association de droit camerounais depuis 2019 qui milite pour l’égalité des genres et l’éducation. L’accompagnement tant des pouvoirs publics que des organisations internationales est nécessaire pour accompagner les efforts incommensurables de la société civile.
Pensez-vous que les femmes puissent changer le monde ?
Ce qui est certain c’est que le monde ne changera pas sans les femmes. Nous parlons effectivement de la moitié de l’humanité, il est à mon avis inconcevable d’envisager un changement de la face du monde en laissant la moitié de sa démographie en arrière.
Aujourd’hui, vous entendez poursuivre vos différents combats. Quels sont vos engagements actuels et futurs?
Je crois que mes engagements sont nombreux. Actuellement, je suis boursière du Humphrey Fellowship du département d’état américain, et au cours de la prochaine année je dois m’y consacrer entièrement, bien entendu dans ma sphère de recherche notamment les droits des femmes. Mon affiliation académique à l’American Washington College of Law et mon affiliation professionnelle dans les prochains mois, devrait impacter de façon considérable la suite de ma carrière. La consécration légale de l’égalité des genres est la thématique de recherche que j’envisage dans le cadre de mes travaux de thèse de doctorat Ph/D, que je souhaite défendre si tout va bien à la fin de l’année 2025 à l’Université de Douala au Cameroun. Il est indéniable que j’entends m’asseoir à la table et prendre part active à la discussion, le jour où le sort de nos lois en terme d’intégration du genre sera envisagé, parce qu’à mon humble avis, la relance économique et la crédibilité de notre pays ne se fera pas sans intégration du genre dans les lois et toutes les politiques publiques.
Votre mot pour les jeunes filles et les femmes du monde entier qui vivent dans les conditions de marginalisation et de vulnérabilité.
Les plus grandes réussites de notre ère ont pris source non pas dans des compétences, des faveurs, des discours, mais bien dans l’expression d’une volonté. J’aimerai leur dire que leur condition de naissance, de vie et tout le reste n’est en aucun cas une fatalité. La fatalité est à mon avis, le manque de volonté de faire autrement, d’obtenir autre chose, de sortir de sa zone de non épanouissement. La volonté fera naitre des circonstances qui pousseront à s’extirper de la marginalisation et de la vulnérabilité, pour cela il faut juste vouloir, et les planètes s’aligneront afin que la volonté prenne vie et devienne l’action, qui pousse systématiquement à l’amélioration. Aucune vie, aucune action, aucune contribution n’est inutile ou fortuite. Tout le monde même à une très petite échelle peut décider d’impacter son environnement, et ainsi le changement positif se généralisera pour envahir la société.
Propos recueillis par Baltazar ATANGANA