Tract-Entretien avec Darius DADA, artiste plurimédiacamerounais, qui a récemment exposé son œuvre multimédia « Quand les bendskins attaquant ».
Présentez-vous à nos lecteurs
Je suis SOUNG MEKE Louis Darius, je signe mes œuvres artistiques sous le pseudonyme Darius DADA. J’expose mon premier reportage aux Rencontres Photographiques entre le Brésil et le Cameroun à mon retour du Brésil après la Coupe du Monde 2014 ; et ma première exposition solo en photographie a lieu au Palais des Congrès de Yaoundé le 19 mai 2017 sous le titre Lions Indomptable : Ferment de l’Unité Nationale du Cameroun. Après cela, j’alterne des expositions photographiques, des développements pour des films d’animation, de l’écriture pour la bande dessinée et des installations plurimédias interactives immersives.
« Artiste plurimédia » original et pas très connu en contexte africain. Comment l’expliquer aux profanes ?
Plurimédia ou plusieurs médias, tout simplement parce que mes expressions artistiques sont diverses et j’utilise divers supports médiatiques de présentation mêlant images et sons, comme la photographie, la sculpture, l’image numérique et le dessin animé. Cette pluri–médiation s’illustre par le fait que je randonne aisément entre les arts numériques et analogiques en fonction de la pertinence et des besoins du projet de création pour lequel je travaille.
Quand les bendskins attaquent : la genèse.
Le projet me trottait déjà dans l’esprit depuis et je cherchais l’angle d’attaque original et un projet immersif, interactif et plurimédia. Au cours d’une discussion, Landry MBASSI, le commissaire du Ruinart Festiv’art, m’évoque le sujet d’exposition AFROLOGIES URBANES, repenser nos villes à la lumière de nos mythologies, l’inspiration d’une installation mixte de sculptures, de matières traditionnelles et de sons urbains se cristallise. Le titre de l’œuvre fait référence d’abord un vieil instant de cinéma avec le film « Quand les aigles Attaquent » mettant à l’écran Clint Eastwood dans l’Allemagne Nazie, un film datant de 1968.
Ce film vu dans ma jeunesse s’est rappelé à moi car, en juin dernier, j’ai visité Check Point Charlie et les vestiges du mur de Berlin, ayant été invité à l’Université Technique de Berlin par le Pr Bénédicte SAVOY, pour mes recherches sur l’origine des masques Nyattis du Cameroun.
Ce titre évoquant l’attaque, le dynamisme urbain et caractère baroudeur des moto-taximen illustre parfaitement mon propos. Et en un peu moins de 3 jours l’œuvre est réalisée in situ dans les décors du Comptoir des Arts à Yaoundé. Pour ceux qui n’ont pas bu le Ruinart ce soir–là, ils peuvent voir cette installation en photos et en vidéo sur Youtube et Facebook.
Votre œuvre se pose comme une manière d’alerte face au dédale urbain caractéristique de nombreuses villes africaines. Et encore ?
Les villes africaines que j’ai pratiquées sur le continent secréent avec des populations hétéroclites, riches et pauvres, averties et non averties qui s’installent comme elles peuvent sur l’espace et le temps. Les déplacements et les transformations défigurent de manière irrégulière et non contrôlée le relief et le paysage des villes et même des villages. « Quand les Bendskins attaquent » est une œuvre qui célèbre d’abord ces cavaliers contemporains, d’un autre genre, en mouvement presque continu entre les espaces ruraux et urbains, qui rapprochent les univers de la ville et du village.C’est mon moyen de transport par excellence. Je l’ai choisi car j’ai parfaitement observé leur robustesse et leur adaptationdans toutes les villes et villages du Cameroun, donc d’Afrique.
Que suggérez-vous comme recommandation, à travers votre œuvre, pour une possible régulation de cette invasion « Quand les bendskins attaquent » dans nos villes ?
Les bendskins urbanisent et même humanisent nos citésrurales, urbaines et périurbaines. Cette activité qui commence autour des années 1992-1993, trouve une ville dont la voirie est un peu amochée et le fait que les motos en esquivant les trous des chaussées font dandiner les passagers du fait les irrégularités des routes de Douala à cette période. Ceci fait penser à la sensation que subit un danseur de bendskin, un rythme musical d’alors très populaire pratiqué par André Marie TALA et les KOUTCHOUAM MBADA. Je suis à Douala à cette période, je suis comme un témoin privilégié de cette activité qui a finalement fait corps avec cette ville et s’est répandue à d’autres villes du Grand Sud du Cameroun parce que dans le septentrion l’activité avait elle déjà pignon sur rue.
Aujourd’hui, au-delà des mauvais rôles joués par ces gladiateurs dans les arènes urbaines et rurales, ils contribuent pour beaucoup dans les transports des hommes et des biens au quotidien, avec une plus grande aisance que ne le feraient les automobiles. Dans nos villes presque toujours embouteillées, ce motocycliste apparait comme l’homme providentiel. Aussi les interdire ouvrirait les vannes aux questions du chômage qui reviennent en pleine figure trop souvent. En effet, les bendskinds absorbent aujourd’hui une bonne partie des chômeurs dans les villes comme Douala, Yaoundé et d’autres contrées.Il faut une vraie analyse du sujet et un concours de patience pour essayer de dompter une activité qui s’est incrustée et développée de manière sauvage dans la culture camerounaise pendant près de 30 ans.
Face aux diverses crises qui frappent « les mondes »(environnement etc.), comment positionnez-vous vos créations face à tout ça ?
Ultranaturophile, je milite au quotidien pour la conservation de l’environnement, la nature, les hommes et la promotionl’histoire de l’Afrique. Et ceci est visible sur toutes mes œuvres qui montrent et célèbrent la simplicité de vie de nos ancêtres en total respect avec la nature. Hormis cette défense de l’environnement et de la nature mes œuvres célèbrent nos patrimoines africains. La case beti faite de poto-poto très répandue en zone équatoriale participe beaucoup à l’élaboration de mes œuvres. En effet, c’est l’une des plus grandes merveilles d’architecture d’Afrique. Cette case raconte et renseigne sur la vie de son occupant. En effet quand celui-ci est jeune et vigoureux, la case est droite, la toiture faite avec des nattes de raphia est imperméable. Au fur et à mesure que l’occupant vieillit, la case vieillit aussi et commence à se pencher. Si l’occupant meurt sans progéniture la case elle aussi disparait et est absorbée par la nature comme le sera l’occupant dans les entrailles de la terre. Mais s’il a eu une progéniture, la case renait et raconte aussi la vie de (s)ces nouveaux occupants.
Dans mes créations, j’aime confronter les matériaux traditionnels, les objets du quotidiens et les mettre en résonnance avec la modernité, les images numériques qui peu à peu inondent et modifient le regard.
SELECTION DE QUELQUES TRAVAUX DE DARIUS DADA :
| Date | Lieu d’exposition | Rôle | Typologie | PAYS | Liens internet cliquables |
Quand les Benskinds attaquent | 2024 | Comptoir des Arts | Designer/scénographe/ sculpteur | Installation | Cameroun | |
Fenêtre de Bagoboung ouverte sur l’Europe | 2024 | Musée National | Designer/scénographe/ sculpteur | Installation | Cameroun | |
Les tenues traditionnelles | 2023 | Russie | photographe | Expo photographique | Russie | |
NYATTI 3.0 | 2024 | Wemah Art Project de Bonendalè | Designer/scénographe/ sculpteur | Installation | Cameroun | |
La forêt qui chante | 2023 | CIPCA | Designer/scénographe/ sculpteur | Installation | Cameroun | |
NAO robot designs Nyatti | 2023 | Institut Goethe | Designer/scénographe/ sculpteur | Performance /Installation plurimédia | Cameroun | |
Ngan Medja | 2023 | Institut Français | Designer/scénographe/ sculpteur | Installation | Cameroun | |
Nyatti 2.0 | 2022 | Wemah Art Project de Bonendalè | Designer/ sculpteur/ scénographe/ prise | Installation | Cameroun | |
Ô Cameroun, Berceau de nos ancêtres, Afrique en Miniature | 2021 | scénographe/ prise | Cameroun | |||
Le Village | 2018 | Institut Français | Designer/ prise sculpteur | Installation | Cameroun |
N.B: Prière de suivre les liens suivants, ils conduisent à certains des travaux auxquels j’ai été associé avec une responsabilité significative.
Propos recueillis par Baltazar Atangana