Tract – Oui, restons-en au statu quo ante en ce qui concerne les homosexuel(le)s : celui d’un Sénégal d’antan ou ils étaient tolérés et seulement gentiment chahutés; admis et non bannis. Celui du Sénégal de mon enfance, il y a quarante ans. Quand j’avais douze ans. Ceci est mon point de vue personnel et non pas celui de la Coalition candidate à la députation à laquelle j’appartiens.
Mais, je suis très peiné quand j’entends tous ces leaders de coalitions pour ces législatives, à qui mieux mieux, (à qui pis pis ?) en appeler à la criminalisation du délit d’homosexualité : Ousmane Sonko « Ouvrier Spécialisé »; mon ami et frère Bougane Gueye Dani; l’homme d’affaires analphabètes-francophone-par-force Serigne Mboup…N’en jetez plus, la coupe est pleine !
Il est tragique que l’on vive un Sénégal contemporain où l’on déterre les morts « soupçonnés » ou « avérés » avoir été des homosexuels durant leur vie terrestre, pour les brûler et les jeter aux chiens. Un Sénégal où le leadership presque unanimement ne dit pas à la populace : »Tolérez ces gens, vivez votre vie et laissez – les vivre’. Live and let live. Ce devrait être le mot d’ordre et le consensus de la classe politique, si elle était civilisée dans son ensemble. Mais il y aura toujours des histrions pour se singulariser en appelant à pis que pendre contre les « pédés », les « deux puces », les « borom niari tur yi » les goordjiguénes.
Justement, s’il y a un mot dans nos langues pour les désigner et s’ils sont mentionnés aussi bien dans la Bible que le Coran qui les condamnent et les vouent à la Géhenne éternelle, c’est parce que les homosexuels ont existé de tout temps, y compris au Sénégal. Ce n’est pas une importation des Toubabs dans ce pays. Faisons-nous en une religion : ils ont toujours été là et sont là pour y rester.
Parlant de livres sacrés, cette tendance sénégalaise à ne stigmatiser que les homosexuels hommes et à en appeler à leur empalement en place publique , montre le caractère sauvage, essentialiste et bestial de cette homophobie : on n’a pas peur des homosexuelles femmes, des lesbienness, dont on pense que le saphisme est juste une lubie temporaire de femmes qui ne trouvent pas d’hommes, de chaussures à leur pied, de mâles « pour leur faire prendre leur pied » (excuse my French…!) et qui en seront vite guéries, de ces jeux érotiques, dès qu’elles se (re)marieront tout naturellement.
Non, l’ennemi, c’est l’homosexuel homme, celui la qui est capable de pénétrer l’orifice honni et interdit (« Soubhannallah!’ et « Jésus, Marie, Joseph! » horrifiés de tout ce beau monde, qui n’a d’autres occupations que de s’occuper de la vie privée des autres).
Grande tristesse et grande désolation, oui, devant cette psyché collective tribale et tripale.
Dans mon enfance, les gordjiguénes bénéficiaient d’un « tata ‘ devant leur prénom masculin et en étaient fiers. Dans les cérémonies familiales, engoncés dans leurs boubou amidonné en indigo, tie and dye ou autres teintures traditionnelles et s’activaient dans la preparation des mets en cuisine, tournant d’immenses ecumoires dans les imposantes marmites (les mbanas).Ensuite, ils faisaient passer les plats dans l’assemblée des convives. Dans les yebbi, ils faisaient le jottali réciproque des présents en concurrence. Dans les Tanneber et sabars, auxquels seuls étaient admis les enfants des deux sexes en bas âge, eux aussi, les homos, étaient admis, à regarder les femmes danser des sarabandes endiablées (et diaboliques?) en montrant leurs sous-vêtements de l’entre-jambe (ou bien plus).
Oui, restons-en au statu quo ante : nul, à commencer par moi, ne demande la légalisation totale de l’homosexualité au Sénégal (même si le Cap-Vert voisin l’a fait); encore moins leur droit au mariage et à l’adoption d’enfants, ou qu’il soit toléré qu’ils se roulent des french kiss et se tripotent le corps en pleine place de l’Indépendance.
Mais quand ils vivent leur orientation sexuelle dans l’intimité, la pudicité, l’opacité aux autres de leurs préférences sexuelles et le silence social, ne les trouvez pas dans leurs derniers retranchements pour les en débusquer. Ce ne sont pas des rats, diantre ! Ce sont des êtres humains, comme nous, « dignes de dignité ». Pour autant, je le dis haut et fort : « Jikko Sénégalais yi, yakkuwunniu ! ».
Personne ne se souhaite des enfants homosexuels. Aucun père de famille. Et j’en suis un, avec quatre bouts de bois de Dieu à mon actif. Ne serait-ce que pour la raison subjective de la perpétuation de son nom de famille et la raison objective de la perpétuation de la race humaine. Toutefois, si votre enfant devait se révéler etre homosexuel : après avoir tenté de le guérir à coups de bains mystiques, de coups de fouets, de ligotements en milieu domestique ou d’internements psychiatriques, allez-vous tout simplement, à la mode des papas fouettards quand ils nous soupçonnaient de vouloir dévier dans la voyoucratie majeure, les mettre à terre comme des moutons de Tabaski et menacer de les égorger fissa, à moins qu’ils ne viennent derechef à résipiscence ? Eh bien , non! J’espère bien que non !
Vous l’aurez compris, je me réclame politiquement du centre droit : de gauche, pour ce qui est des valeurs sociétales; et libéral, pour ce qui est des options économiques et de développement humain.
Alors vivons seulement, et laissons vivre, car ce monde est formidable, de sa diversité justement. Si la situation, l’orientation et le sort post-mortem des homosexuels vous interpellent tant au plus profond de vos tripes, contentez vous de prier pour le salut de leur âme ? En ces temps de Biennale ou l’Art adoucit les mœurs comme la musique le fait, art qui, comme la foi religieuse, donne un sens à la vie autre que la simple existence au jour le jour, j’espère être entendu, à tout le moins d’un nombre critique de mes compatriotes, d’ici et d’ailleurs. Et par un certain nombre de dirigeant.e.s politiques.
Ousseynou Nar Gueye
Éditorialiste-Communicant-Écrivain
Homme politique