TRACT – Dakar, la capitale vibrante du Sénégal, est devenue le théâtre d’une prolifération spectaculaire du commerce informel.
Dans ses rues encombrées, sur ses trottoirs et jusque dans ses marchés improvisés, les scènes d’échanges économiques informels sont omniprésentes.
Ce phénomène, bien que souvent perçu comme le symptôme d’une économie en difficulté, témoigne également de la résilience et de l’ingéniosité des Dakarois.
Un ‘secteur refuge’ pour les exclus du système formel
Le commerce informel à Dakar est en grande partie une réponse aux réalités socio-économiques difficiles. Selon les dernières statistiques, plus de 40 % des jeunes Dakarois sont sans emploi.
Face à un marché du travail formel incapable d’absorber cette population en quête de revenus, nombreux sont ceux qui se tournent vers l’informel pour survivre.
Les acteurs de ce secteur ne sont pas seulement des vendeurs de rue ou des marchands ambulants. On y retrouve des diplômés chômeurs, des femmes chefs de ménage, et même des artisans spécialisés, tous engagés dans des activités allant de la vente de fruits et légumes à la réparation de téléphones mobiles.
Ces activités, bien que modestes, permettent à des milliers de familles de subvenir à leurs besoins, en contournant des barrières comme l’accès limité au crédit ou la rigidité des réglementations fiscales.
L’innovation au cœur d’un chaos organisé
Si le commerce informel est souvent associé à la précarité, il est également un vivier d’innovations.
En l’absence de structures officielles de soutien, les vendeurs déploient une créativité impressionnante pour attirer et fidéliser leur clientèle.
Les plateformes numériques, autrefois réservées aux grandes entreprises, sont aujourd’hui investies par les acteurs informels.
Sur WhatsApp, Facebook, et même TikTok, il n’est pas rare de voir des tailleurs, des restaurateurs ou des commerçants promouvoir leurs produits et services.
Par ailleurs, des solutions innovantes comme le paiement mobile via Orange Money ou Wave facilitent les transactions, tout en renforçant l’intégration de l’informel dans l’économie numérique.
Certains acteurs informels réussissent même à franchir la barrière de la précarité pour atteindre une certaine forme de structuration.
Des groupements de vendeurs s’organisent en coopératives pour négocier de meilleures conditions d’approvisionnement ou accéder à des espaces de vente plus stables.
Ces initiatives montrent que l’informel n’est pas synonyme d’anarchie, mais peut devenir une force économique structurée, pour peu qu’il soit accompagné.
Un défi pour les autorités et les décideurs
L’explosion du commerce informel pose cependant de nombreux défis pour les autorités sénégalaises.
D’une part, ce secteur échappe en grande partie à l’impôt, privant l’État de ressources cruciales pour le financement des services publics.
D’autre part, l’occupation désordonnée des espaces publics entraîne des tensions avec les autorités municipales et des difficultés de circulation pour les citoyens.
Face à cette situation, la réponse gouvernementale oscille souvent entre répression et tentatives de régulation.
Les opérations de déguerpissement, bien que spectaculaires, offrent rarement des solutions durables. Elles déplacent le problème sans s’attaquer à ses causes profondes : chômage, pauvreté, et exclusion sociale.
Au lieu de voir le commerce informel comme une menace, il serait judicieux de le considérer comme une opportunité à encadrer.
La mise en place de zones de commerce dédiées, l’accès facilité à des microcrédits, et des formations adaptées aux réalités de ce secteur pourraient transformer ce vivier d’activités en un moteur de croissance inclusive.
Vers une intégration formelle de l’informel
Le commerce informel, bien qu’imparfait, reflète l’âme résiliente de Dakar. Ses acteurs, armés de courage et de créativité, pallient les défaillances du système économique formel.
Mais pour que cette dynamique se transforme en véritable levier de développement, une meilleure collaboration entre les autorités, les acteurs économiques et les citoyens est essentielle.
Plutôt que de chercher à l’éradiquer, Dakar doit apprendre à coexister avec son commerce informel, tout en trouvant des moyens de le formaliser progressivement.
En investissant dans des politiques inclusives et innovantes, la ville pourrait convertir cette explosion informelle en une opportunité économique durable pour tous.
Hadj Ludovic