[TRIBUNE] (R)évolution française fêtée ce 14 juillet | Sénégal-France, 400 ans de ‘sol(lic)itudes’ : une relation chahutée, mais un lien indéfectible. Quel bilan économique ? (Par Ousseynou Nar Gueye)

Ousseynou Nar Gueye

Tract – La BPI France, Banque Publique d’Investissement, vient d’organiser ce 8 juillet 2025 à Dakar, à une semaine pile de la fête nationale française qui commémore l’historique ‘(R…)Évolution française’ de 1789 (avènement de la république à laquelle succédèrent deux empires et trois monarchies, avant d’en revenir à la République définitivement en 1870)-; la BPI France donc, a tenu de belle main et avec haute réussite son Forum ‘Inspire & Connect – Afrique de l’Ouest’.

Anglofrancophonie

Notez bien le néologisme anglais – néologisme dès lors que des officiels et agents publics français utilisent l’anglais à l’oral, et pire – ou mieux – à l’écrit – par lequel la France des palais de la République se décolonise de sa propre langue française, avec ce poids du passé si lourd à porter, pour cet idiome international des Indigènes de Toubabie qui a conquis tant de locuteurs par la force des canons et la soumissions à ses visées impérialistes et assimilationnistes d’antan et de naguère. Trop connoté négativement, quand on parle de libertés, de démocratie ou de business, aussi bien chez la vieille France que dans les pays de la Jeune Afrique aux indépendances encore seulement sexagénaires. Et surtout, en ces temps de décolonialisme effréné et forcené à la sauce Kemi Seba né Robert Capo Chichi, Nathalie Yamb (‘Yambb’, l’abeille en wolof: ‘fly like a butterfly, sting like a bee’) et autres Franklin Nyamsi (qui enseigne la philo aux jeunes Normands du lycée à la fac, sans discrimination entre statut de prof de lycée ou de prof d’université ), des ‘Panafripons’ (pour reprendre François Soudan, directeur de la rédaction du magazine négropolitain Jeune Afrique) qui chauffent à blanc sur ces sujets la rue des pays de l’AES et la Twittosphère (X-sphère?) de la jeunesse francophone subsaharienne.

Forum ‘Inspire & Connect’ ? Onomastique anglo-saxonne identique à plusieurs autres programmes de développement tout aussi officiels de la France officielle de ces dernières années; en direction de l’Afrique francophone et non-francophone, que sont ‘Choose Africa’ ou encore ‘Digital Africa’.

Haut de bilan et bas de bilan

La BPI, organisatrice de cet événement de réseautage de haut niveau, de B2C et de B2G, du 8 juillet 2025 ? Un mécanisme financier et un organisme bancaire qui fait cruellement défaut à notre pays le Sénégal, à côté du fonds souverain FONSIS, du fonds de garanties prioritaires FONGIP, de la banque nationale BNDE et même de la Caisse des Dépôts et Consignations sénégalaise, qui n’arrive pas à pallier cette carence en matière de BPI. Il nous faut une BPI sénégalaise, et vite.

Alors, 400 ans de relations économiques entre le Sénégal et la France, le bilan ? Par où commencer ? Le haut de bilan ou le bas de bilan ?

Des colonisateurs français finalement assez… bana-bana

Eh bien, la rencontre économique entre nos deux pays et nos peuples devenus cousins est d’abord architecturale et passablement commerçante, pour ne pas dire… assez ‘bana-bana’ : la France construit l’île de Saint-Louis, ‘la Ndar d’Art », en 1655 et édifie des bâtiments majestueux sur l’île de Gorée, en 1677; c’est-à-dire les deux premiers postes avancés de comptoirs coloniaux commerciaux. Qui, pour Saint-Louis, est baptisé déjà du nom du roi de France par des mercantis gaulois venus de Nantes, Bordeaux, Marseille, etc. et forts avisés en matière de diplomatie d’influence commerciale et financière privée auprès des gouvernants de ce monde du 17ème siècle, époque faste pour les rois théocratiques, couronnés en France et ailleurs en Europe par la papauté ; une Europe conquérante qui se prend pour le nombril du monde et qui ‘découvre’ les autres contrées et les différentes autres peuplades du monde, comme si celles-ci attendent l’arrivée des grands bateaux à coques rebondies, à voiles et gouvernail, des Rouges d’Oreilles pour cesser d’être et commencer à exister.

Il y a loin, de ce 17ème siècle de colonisation française du Sénégal, entreprise coloniale d’abord commerciale et commerçante; puis militaire et administrative et officielle ; et enfin missionnaire catholique ; évangélisatrice et catéchumène ; jusqu’à ce ‘Inspire and Connect – Afrique de l’Ouest’ de début juillet 2025, qui rassemble dans la capitale du pays de la cantatrice Yandé codou Sène, 700 acteurs économiques et institutionnels autour de 12 secteurs-clés, pour l’industrialisation du continent. Avec pour vision et ambition de renforcer les relations d’affaires intra-africaines et franco-africaines. Autour de nouvelles générations d’entrepreneurs, d’investisseurs et d’acteurs économiques africains et français, dont les organisateurs de la BPI nous disent qu’ils sont ‘tous résolument tournés vers l’avenir et l’industrialisation du continent.’

Entre les deux ères, on passe de ‘la part sombre et du côté obscur de la force’ de l’entreprise coloniale dans laquelle sont intercalés trois siècles de honteux commerce transatlantique pour la vente de de bois d’ébène humains raptés comme des animaux sauvages tout anthropomorphes qu’ils fussent, et transportés en cale de bateaux négriers, avec un fort taux de mortalité en cours de route marine, vers les champs de coton états-uniens et les plantations de canne à sucre du Brésil et des Antilles françaises ; on passe de cela à une époque plus lumineuse, mais pas forcément éclairante, ni éclaircie, on passe à des rapports équitables à défaut d’être égalitaires, avec une aide au développement qui ne veut plus s’appeler que : ‘investissement solidaire’, pour reprendre le mot de Rémy Rioux, patron de l’Agence Française de Développement (AFD), reçu en audience il y a une semaine à Dakar par le président Diomaye Faye.

Sénégal-France : des vases communicants

Mais, passons vite de la colonisation à la période post- Indépendances :

– Léopold Sédar Senghor, avec la Constitution de la 4eme République Française tropicalisée au Sénégal, suscite et auto-fomente le coup d’État perpétré par le Président du conseil, le Grand Maodo Mamadou Dia, qui est le véritable chef de l’Exécutif à deux têtes, sous cette Constitution-là.

– Avec la Constitution de la Vème République Française de 1958 du Général De Gaulle, que Léopoète Senghor fait adopter en 1963 : il fait accoucher à son régime d’un État- garçon; un État fort; centralisé; étatisé et socialisant, qui redistribue les richesses mais finit par n’avoir plus que la pauvreté du plus grand nombre à redistribuer dans les années 1970 de sécheresse prolongée durant plusieurs années. Occurrence climatologique dramatique qui conduit d’ailleurs à l’émigration vers la France dite après des Trente Glorieuses, l’Hexagone des usines Peugeot et Renault qui recrutent à tour de bras et des foyers Sonacotra à lits superposés pour adultes sahéliens, des centaines de milliers de ressortissants du Fouta Toro; du Ferlo et de la Casamance, auxquels la capitale Dakar ne peut plus offrir un travail décent; ni même ce qui pourrait s’appeler un travail:

C’est l’époque où, avec la monoculture de l’arachide, Senghor pérore et se répète sur la ‘déterioriation des termes de l’échange’. En même temps que prophète venu trop tôt, Senghor affirme qu’il y a bel et bien du pétrole dans le sous-sol sénégalais.

En cette époque senghorienne de ‘parti unifié’ et de dure répression de la gauche autoproclamée ‘clandestine’; les commerces (supermarchés Printania, etc.), les PME et les industries sont françaises de capitaux et de personnels, y compris pour ce qui est des staffs subalternes.

Au Sénégal, le vrai Bug de l’An 2000 est… électoral

Vient le longanime Abdou Diouf. Pour vingt ans de pouvoir dominé par ‘les ajustements structurels’ imposés par le FMI et par la Banque Mondiale, ce dont la France (l’Afrance?) se lave les mains comme Ponce Pilate, jusqu’à la brutaliste dévaluation balladurienne de 50% du Franc CFA en janvier 1994.

Puis, ô divine surprise, il s’avère que cette dévaluation donne de l’air, une nouvelle respiration financière et des marges de manœuvre nouvelles et accrues à l’économie de plus en plus désétatisée du Président Diouf (désétatisation qui culmine avec l’emblématique privatisation des PTT qui deviennent la Sonatel en juillet 1997).

An 2000 : le vrai Bug de l’An 2000 a lieu au Sénégal. Dans les urnes sénégalaises, le 19 mars. Quand le longanime et longiligne Diouf pense enfin jouir des fruits de l’embellie économique; le Wade-Man-Show le cueille à froid et Diouf est définitivement…’Abdou des souffle’ .

Wade grand seigneur (la main un peu forcée par le Président français Chirac, parrain de Yacine la fille d’Abdou) expédie Abdou Diouf à la tête du Secrétariat Général de la Francophonie, quelques mois plus tard. Pour un long bail à la tête de l’OIF, de 2000 à 2014. Diouf étant élu à ce poste lors du 10e Sommet de la Francophonie à Moncton, au Canada, en 2000, et est réélu pour deux mandats supplémentaires en 2006 et 2010.

 Wade-Man-Chauve, Wade Man Show

Avec Wade, et son partenaire économique historique ‘de premier plan de tout temps’ qu’est la France, comme dans tous les autres domaines, c’est le grand chamboule-tout. Wadus Laïus démultiplie et diversifie les relations partenariales pour en finir avec le tête-à-tête si long à en devenir mortifère vis-à-vis de la France, en se tournant vers les pays du Golfe (qui financeront ‘SON’ sommet de l’Organisation de la Conférence Islamique, OCI, en 2008), la Turquie, l’Inde, la Chine qui devient le premier partenaire économique du Sénégal depuis ces années-là, en termes de balance commerciale.

Même si les beaux-parents français d’Abdoulaye Wade Premier (sa Première Dame Viviane Vert Wade étant Sénégalaise d’ethnie toubab) ont beau jeu de crier, depuis l’ère Wade jusqu’en cette ère Diomaye Faye , que la France reste « le premier bailleur du Sénégal avec, en 2025, 1500 milliards de FCFA investis dans 75 projets ».

Wade président arrache un grand terminal portuaire aux Français de Bolloré (devenus depuis AGL) pour le donner aux Dubaïotes de Dubaï Port World; il reprend des bases militaires aux Français; il parle d’apporter l’énergie nucléaire aux Sénégalais. Il se fait souverainiste et panafricaniste avant l’heure, Gorgui Wade, en organisant son troisième Festival Mondial des Arts Nègres -FESMAN -en 2010) ; en érigeant sur fond de vives polémiques y compris avec le sculpteur académicien de l’Académie française des Beaux-Arts Ousmane Sow, le fameux Monument de la Renaissance Africaine. Qui, après avoir fait vomir de dégoût et de dévotion religieuse menacée par cet immense totem gri-gri bien des Sénégalais, est devenu accepté par tous et représente l’emblème désormais le plus connu de Dakar, devant les cars rapides et le tieboudiene; bien que celui-ci soit inscrit à la fin du Salltennat de Macky Sall, comme patrimoine mondial immatériel par l’UNESCO, sur entregent dynamique de mon frère et ami Souleymane Jules Diop, alors Ambassadeur chef de la Délégation du Sénégal à l’Unesco, et de ses collaborateurs dont l’efficace Latyr Diouf, mon non moins frère cher et ami aimé, devenu dans l’opposition en 2025, membre du Secrétariat Exécutif National de l’APR.

Karim Wade, 1er président français du Sénégal ?

Mais Wade père finit mal : sous prétexte de rechercher un troisième mandat, il essaie (vainement !) de nous refourguer un Français comme Vice-Président en devenir rapide de Président de la République par génération spontanée (et du Concret?) élu sur ticket non modérateur au quart bloquant de 25% des électeurs. Karim Wade, son non moins fils, qui nous sort déjà par tous les trous du nez avec les black-outs intempestifs de 2011 dont son ministère en charge de tout est responsable et ses appels à intervention militaire française, lancés à son tonton Robert Bourgi, qui a autant de passeports différents que de personnalités variées.

Que dire de l’ère Macky Sall ? Il continue certes les projets de Wade et les termine, tout en gardant les partenariats internationaux diversifiés. Mais, Macky se livre aussi pieds et poings liés aux Français (qui selon lui, estimaient tant les Sénégalais qu’ils donnaient du dessert au tirailleurs wolofous et assimilés wolofous, et pas au tirailleurs sénégalais des autres territoires africains) : l’Autoroute à péage dite de l’Avenir est cédée à vil prix de redevance à Eiffage, avant que Macky ne réalise la bourde que c’est de ne réclamer que 800 000 frs de redevance d’occupation de terres au DG d’Eiffage Sénégal, Gérard Senac; et y mette bon ordre.

Avec le TER (Train Express Regional) à 800 milliards pour 36 kilomètres reliant Dakar à Diamniadio, Macky fait dans la dépense ‘pharamineuse” et somptuaire. Bon, il est quand même prévu une extension de 19 kilomètres de Diamniadio à l’AIBD, portant la longueur totale à 55 kilomètres et justifiant d’autant l’importance du TER avec cet accès aéroport.

Ce qui se fera sans doute sous le président Diomaye Faye, même si Macky a tenu à aller inaugurer la gare d’accueil du TER à AIBD et à poser aussi la première pierre de ce serpent de mer national fantomatique qu’est le Mémorial de Gorée, projet en cours et au long cours depuis l’époque du Président Abdou Diouf (sic!). Avant de quitter le pouvoir, oui, Sall a fait ça.

Avec Air Sénégal et ses avions Néo achetés neufs par son DG français Philippe Bohn chez Airbus en France, Macky a aussi accouché d’un autre gros et boiteux éléphant blanc, qui aujourd’hui, doit une dette intérieure très importante à ses prestataires nationaux. Le dépôt de bilan pointe le bout de son nez sur le nez des avions d’Air Sénégal, dont certains sont saisis par les créanciers étrangers sur les tarmacs de ce monde sans pitié in bizness.

Un BRT si populaire, si efficace

Trouve grâce aux yeux de beaucoup de Sénégalais, le projet devenu bien concret de BRT, Bus Rapide Transit, qui évacue en 40 mn vers le centre-ville du Plateau dakarois les populations de la banlieue proche et populeuse de Guédiawaye.

Il reste à éloigner du trajet du TER tous ces vieux Tata et taxis clandos qui en encombrent le chemin et causent des embouteillages aux intersections. Il reste aussi à faire en sorte que Dakar Dem Dikk, la belle création de Gorgui Wade qui remplace la Sotrac moribonde, mette en place assez de correspondances (y compris, bientôt, avec des bus roulant au gaz) pour acheminer les passagers-usagers des banlieues environnantes que sont Pikine, Thiaroye, Yeumbeul et Keur Massar vers les gares de départ du BRT à Guédiawaye, afin de maximiser l’efficience de ce beau BRT, opéré de belle manière par une multinationale française. Comme c’est aussi le cas avec le TER, qui se partage entre leadership sénégalais et gestionnaire français, entre SENTER et SETER.

Macky a aussi désaffecté l’ancien aéroport de Dakar Yoff en décembre 2017, sans préavis, pour aéroporter tous les acteurs ‘aviationnaires’ vers AIBD dans la région de Thiès, Aéroport International Blaise Diagne. Les terres de l’aéroport Léopold Sédar Senghor de Yoff, il a commencé à en vendre une bonne part, pour des projets immobiliers à des acquéreurs privés par la filiale immobilière de la Caisse des Dépôts et Consignations : devenue CDC Habitat sous le PR Diomaye Faye, elle est issue de la transformation de la Compagnie Générale Immobilière du Sahel (CGIS), son ancien nom sous le président Sall.

Enfin, au plan du rapatriement des œuvres d’art spoliées au Sénégal sous la coloniasation, par les guerres de colonisation, par des rapines, par des antiquaires européens peu scrupuleux avant et pendant la colonisation, pour rejoindre les musées français et les collections privées de riches familles françaises anciennement nobles ou actuellement bourgeoises : Macky n’aura réussi qu’à faire rapatrier une pièce unique dans tous les sens du mot : le sabre du résistant anti-colons El Hadj Oumar Foutiyou Tall; et encore, ceci pour un prêt de 5 ans au Musée des Civilisations Noires de Dakar. Car, (re-sic), la législation actuelle de la France ne permet pas de nous rendre nos œuvres d’art. Œuvres d’art qui pour nous sont des objets rituels qui trouvent leur place dans une large cosmogonie œcuménique entre religions révélées et paganisme africain, et non pas des objets décoratifs, aussi beaux ou chers soient-ils.

Le Diomayat 2024-2029 : il faut que tout change pour que tout reste pareil

Puis vinrent Diomaye et Sonko. « Sonko Mooy Diomaye, Diomaye mooy Sonko ». Avec le coup d’État électoral et démocratique de mars 2024 (pour reprendre le journaliste de RFI et écrivain du roman « Mâle Noir’’, Elgas né El Hadj Souleymane Gassama), putsch auquel j’ai activement pris part et avec enthousiasme fait participer par la campagne électorale et la mobilisation de jeunes et de moins jeunes au sein de la Coalition Diomaye Président.

Diomaye et Sonko donc. Le Diomayat, comme le définit le chef de l’État actuel, est souverainiste et panafricaniste de gauche : il faut donc que tout change pour que tout reste pareil. Les bases militaires françaises et toutes autres bases militaires éventuelles d’autres pays étrangers sont expulsées. Et le départ de la centaine de bidasses français résiduel devrait se faire définitivement en fin juillet 2025, avec armes, bagages, compagne, gamins, mobilier et munitions. Avec quand même 160 travailleurs sénégalais de ces bases, laissés au chômage inopiné et sur le carreau. Toutefois, le haut commandement français au Sénégal s’est escrimé à essayer de leur faire retrouver du travail par des formations et par l’organisation de forums pour l’emploi.

Les contrats pétroliers aussi seront renégociés, a fermement indiqué le PR Diomaye. Le PM Sonko veut, sur instruction du PR, travailler à fusionner des agences publiques. Ce n’est pas forcément une bonne idée, écrivais-je ici la semaine dernière. Car ces agences publiques ont une forte et efficace capacité d’absorption des fonds des bailleurs multilatéraux et bilatéraux, que n’ont pas les administrations de la Fonction Publique.

Mais bon : puisque l’objectif du président et du Premier est ‘de dépendre de ressources endogènes’, comme dit dans le communiqué du Conseil des ministres d’il y a 8 jours à ce sujet, ils peuvent bien supprimer des agences publiques et en fusionner d’autres. Toutefois, pouvons-nous vivre en autarcie économique? Sans le FMI ? Sans la Banque Mondiale? Sans les bailleurs bilatéraux ? Poser ces questions, c’est déjà en grande partie y répondre.

Le président Diomaye Faye a aussi érigé la question du massacre en 1944 au Camp de Thiaroye d’un nombre inconnus de Tirailleurs Sénégalais (de toutes nationalités ouest-africaines et pas seulement sénégalaise) comme un combat de principe et une question mémorielle et de retrouvailles dans la vérité et avec une justice qui passe, entre les Sénégalais d’abord, entre les Sénégalais et les Africains ensuite, et entre les Sénégalais et les Français enfin. Une problématique qu’il n’est pas possible d’occulter ou de balayer sous le tapis où sont envoyés les soldats inconnus des guerres coloniales et des guerres mondiales. Le minimum, c’est de savoir combien de soldats ont été tués (entre 35 et 170 selon les historiens) lors de Thiaroye 44 ! Et des fouilles sont opérées, à juste titre, en ce moment au camp de Thiaroye !

Sénégal- France, amour-haine? Il n’y a pas de désamour !

Alors ? Bilan de la relation économique Sénégal – France en 2025, trois cent soixante-dix ans après l’érection des bâtisses coloniales à patio frais et à balcons en ferronnerie de la belle ville-île-Venise du Nord qu’est Saint-Louis, la Ndar d’art ?

Eh bien, il n’y a pas de désamour, selon l’Ambassadeure de France à Dakar. À l’heure de l’agenda « Vision Sénégal 2050 » et de la volonté française de refonder sa coopération internationale, les deux pays sont sur le chantier inédit mais sincère de la révision complète du portefeuille d’actions menées au Sénégal. Pour vite et bien aligner les projets sur les ambitions des nouvelles autorités sénégalaises pour notre peuple, dans le cadre de politiques Nord-Sud de développement équitable.

Avec 220 projets de partenariat en cours, un investissement cumulé près de 2 296 milliards de francs Cfa, et 270 entreprises françaises employant majoritairement des Sénégalais, la France reste un acteur-clé dans les domaines de l’économie, de l’éducation, de l’énergie, ou encore de la santé.

Concernant la restitution d’objets culturels, après celle du sabre d’El Hadj Oumar Tall, Paris se dit ouverte à d’autres démarches… à condition que le Sénégal formule des demandes officielles, comme cela a été fait pour le Bénin avec les trésors d’Abomey.

Sur un autre plan, celui de la querelle des visas et de la question de la liberté légitime de circulation des Sénégalais et de leur droit à la migration, quel que soit le motif : en 2023, 5 300 étudiants sénégalais ont rejoint la France. Une application numérique a été mise en place pour permettre aux candidats d’évaluer en amont leurs chances de succès, et éviter ainsi les démarches coûteuses et vaines. Selon son Ambassadeur au Sénégal, l’Excellence Christine Fages, ‘la France reste attachée à l’accueil des étudiants étrangers, dans un esprit de réciprocité et de partenariat académique’.

A cet égard, Le Sénégal dispose de l’une des plus importantes communautés estudiantines en France : le Sénégal a la cinquième communauté estudiantine étrangère en France, avec quelque 15 mille étudiants : il se classe juste derrière le Maroc, la Chine, l’Algérie et l’Italie. Le nombre d’étudiants sénégalais vivant en France a augmenté de 62% en cinq ans.

Pour ceux qui ne sont pas des étudiants, reste le sujet fâcheux et épineux des délivrances de visas Schengen par la France au Sénégal : au moins 62% des demandes de visas Schengen de court séjour reçues par les services consulaires français au Sénégal sont accordés. Le taux d’acceptation de court séjour est supérieur à 62%». Ce qui est une bonne surprise, à mes yeux d’observateur, dois-je dire. Le Consulat général de France à Dakar a reçu environ 43 000 demandes de visas en 2022 et quelque 46 000 en 2023.

Les Binationaux et les Trinationaux

Alors, l’économie, l’académique, le patrimoine culturel : et après ? La France et le Sénégal, c’est aussi l’histoire de tous ces binationaux (Sénégalo-Français) ou même trinationaux (Sénégalo-Franco-Libanais).

Nous tirons de la fierté de ces binationaux. Au premier rang desquels les Lions du Football qui nous ont ramené le beau trophée de la CAN de foot de Yaoundé lors d’une victoire historique en 2022, au bout de la chaude nuit camerounaise, dans le pays – ‘Continang’ de Samuel Eto’o Père.

Mais quand ces binationaux entrent au gouvernement comme ministre ou prennent des Directions générales du public, cela râle de partout…

Les Binationaux sont aussi nombreux dans le Fouta et le Ferlo, où les pères franco-sénégalais, souvent, ne déclarent que leurs enfants mâles comme français et aussi les enfants mâles de leurs frères et cousins et sœurs comme étant leurs enfants français véritablement nés d’eux. Ce qui fait s’arracher les cheveux aux gens des services consulaires français, à juste titre (de séjour?…), qui vont souvent opérer des descentes-razzias-surprises dans les villages le long du fleuve Sénégal, pour saisir, vérifier et confronter les registres d’état-civil.

Ces Français du Sénégal qui votent Le Pen

La France au Sénégal, c’est aussi tous ces restaurants et pâtisseries, et nous Sénégalais ne sommes jamais en manque de fringale de bon pain (français). Le Sénégal en France, ce sont tous ces restos de divers standing, du boui-boui de cour de foyer au restaurant 4 étoiles, qui servent le tieboudiene et le mafé et le soupoukandia, y compris dans des food-trucks très courus par les clientèles urbaines des employés de barres d’immeuble, indigènes du pays, c’est-à-dire Français ‘de souche’.

La France au Sénégal, ce sont aussi tous ces Français dit de souche, retraités à Saly Portudal ou au Cap Skirring, et aussi des Français d’origine sénégalaise bon teint comme l’on dirait, qui votent le Pen et Zemmour aux dernières présidentielles et législatives françaises. Un peu triste, toujours incompréhensible.

Ce que je ne dois pas à la France, ce que je me dois envers le Sénégal

Puis-je parler de tout ce qui précède sans parler de mon rapport personnel à la France ? Peut-être pas.

J’ai été Directeur de l’Alliance Française de Saint-Louis du Sénégal, nommé à l’âge de 23 ans. Nommé pour trois ans par la Délégation Générale de l’Alliance Française au Sénégal et en Gambie, alors dirigé par celui qui est resté mon frère grand et cher et mon ami depuis 30 ans, Patrick Mandrilly, dont je salue la mémoire de la feue épouse, la si vivante Dominique aux yeux bleu marine et à la peau toujours bronzée.

Cela a été mon deuxième job après celui de professeur d’Anglais, sorti de l’École Normale Supérieure de Dakar.

Après l’Alliance Française de la Ndar d’art, j’ai opéré une reprise d’études pour changer définitivement de la carrière enseignante, en passant un DESS équivalence Mastère en relations Interculturelles Option Gestion des Arts et Politiques Culturelles Internationales, promotion 1999 de l’Université Paris III-Sorbonne Nouvelle.

A mon retour à Dakar en juillet 1999, j’ai refusé le choix de continuer ma carrière avec les Alliances françaises et la promesse au bout d’être naturalisé français pour servir dans des Alliances françaises ailleurs dans le continent noir et sur le globe.

J’ai choisi de persévérer dans mon être de Sénégalais et d’Africain. J’ai pleinement embrassé la double carrière d’ingénieur culturel et de journaliste et éditorialistes, que j’ai débuté en 1995 à Saint – Louis à Radio teranga et avec le quotidien Le Matin de Dakar, où j’exerçe occasionnellement pendant que je suis Directeur de l’Alliance Française de Saint-Louis, en même temps que je m’inscris en cours à distance à la fac de Droit de l’UCAD.

En juillet 1999, à mon retour de Paris, je rejoins trois rédactions simultanément : celle du quotidien Le Matin, celle de l’hebdo Le Témoin pour tenir les pages politiques, avec M.O.N, et celle de Radio Nostalgie Dakar.

En juillet 1999, je sentais bien venir la première Alternance politique (pour laquelle j’ai manifesté en 1998 devant le l’Assemblée nationale française en 1998, lors de la visite du Président Diouf aux députés hexagonaux pour y prononcer un discours). Alternance qui surviendra bel et bien, après 9 mois de grossesse temporelle politique le 19 mars 2000 : je voulais être du côté du pays où l’Histoire se fait. Pas en France où l’Histoire avait déjà fini d’être écrite et faite, et où tout était recommencements, et où aucun projet ne pouvait plus réellement bouleverser la société.

Bon, je me suis un peu trompé car Sénégal, France et reste(s) du monde : nous avons eu la révolution Internet, puis réseaux sociaux, qui a tout chamboulé, pour le meilleur et le pire. Et maintenant, nous avons droit à l’insu de notre plein gré, à la Révolution IA (Intelligence Artificielle) qui n’a pas fini de commencer de mettre la planète Terre et le monde du Travail et le secteur des industries culturelles et créatives et le journalisme et l’éducation : sens dessus dessous, et tête bêche, dans un tout sans queue ni tête.

A propos d’éducation, j’ai travaillé comme consultant international de l’International Trade Center en 2022 pendant un an et demi, mon contrat y étant supervisé par un Sieur Dard …dont l’ancêtre direct Jean Dard a créé la première école du Sénégal au 18ème siecle à Saint-Louis, la Ndar d’Art. La boucle est ainsi bouclée.

Au final, dans ce bilan économique Sénégal- France, je conclus que le bilan est globalement satisfaisant.

Les totems à déboulonner : et non, ce n’est pas la statue de Faidherbe !

Il reste des totems à déboulonner. Pas la statue de Faidherbe qui avait bien sa place à la…Place du même nom devenu Place Baya dans la capitale du Nord, ce qui veut dire ‘‘Place de la Place’’ en wolof et ne veut rien dire.

Non, ce qui doit disparaitre, c’est le nom Franc CFA pour un nouveau nom mais pour une monnaie toujours garantie par la Banque de France, qui est un bon banquier, d’autant qu’elle a totalement cessé d’être intrusive et caporaliste avec nous et nos avoirs et réserves supposées.

Ensuite, j’ai un peu les poils qui se hérissent que je vois confirmée l’information selon laquelle le séminaire intergouvernemental France-Sénégal se tiendra bien au deuxième semestre 2025 : il ne trouverait grâce à mes yeux que s’il se tenait au Sénégal, à Dakar ou Saint-Louis ou Kaolack et Ziguinchor. Sinon, je frémis déjà à la vision paternaliste du spectacle de notre GOS (gouvernement Ousmane Sonko) allant à la queue – leu-leu se faire faire la leçon de comment être ministre, dans les salons lambrissés de l’Élysée.

Bilan ? Je ne peux détester la France. J’ai bénéficié d’une bourse sénégalaise pour mes études supérieures, d’une bourse de la Coopération française pour mon DESS Mastère, de deux bourses de l’OIF pour deux certificats à HEC Montréal en 2004 et en 2006.

Ensuite, je suis un amoureux de la belle langue française (et aussi du wolof bien sûr), le français pour lequel j’enfoncerai une porte ouverte en disant que c’est “un butin de guerre coloniale” pour nous Africains et Afro-descendants, comme a fameusement dit le poète algérien Kateb Yacine.

Mon triple héritage, une richesse : wolofo-négro-africain; islamo-arabe, et afropéen-occidental.

Je déplore la désaffection et la « déconvivialisation » de la langue française au Sénégal, que l’on n’entend plus dans les reportages sportifs, les publicités, dans les cours de récré…: tous ces endroits qui seraient des lieux naturels de  »reconvivialisation’ de cette langue non-morte à qui nous Sénégalais avons officiellement donné « essencerie », « dibiterie » ou encore « Primature ».

Jeune étudiant, j’ai remporté durant trois années consécutives, en véritable bête à concours, les championnats d’orthographe du Sénégal, comme 1er lauréat Senior. J’ai eu le second prix 25 ans-30 ans du concours de nouvelles ‘3 heures pour Écrire ‘. J’ai gagné le concours international organisé par Air France dans le monde entier pour les 100 ans du cinéma en 1995, avec comme prix que j’ai reçu deux invitations full options au festival international du Cinéma de Cannes 1996 et le privilège de voyager dans le cockpit avec les pilotes d’Air France, d’être exfiltrés à Paris directement sur le tarmac pour prendre notre correspondance sur Cannes, sans jamais avoir à faire tamponner nos passeports par la douane. Le trajet retour vers Dakar fut plus prosaïque

Je suis finaliste senior à Montréal de la Dictée des Amériques en 1995. Je suis l’un des quatre Sénégalais sélectionnés à « Questions pour un Champion ‘ de Julien Lepers, première édition spéciale pays de la Francophonie. Je suis auteur de deux romans troussés en français (africain) même si avec beaucoup de wolofismes. Je suis co-auteur de scénarios pour 6 épisodes d’une série télévisée, déposée à la SODAV (Ex BSDA) dont je suis membre écrivain depuis cinq ans.

Enfin, last but not least, je suis aussi parent d’enfant français : l’un des enfants des quatre bouts de bois de Dieu que le Créateur m’a donné le privilège de contribuer à mettre au monde est de nationalité française et (honte à moi…) exclusivement française, alors que cet enfant est désormais majeur. Mais rassurez-vous, l’enfant en question parle aussi wolof.

Alors qui suis-je pour dire que le bilan de la France au Sénégal ne serait pas ou n’est pas globalement bon dans son passé et porteur d’espérance en une relation de co-développement solidaire pour ce qui est de notre avenir collectif entre peuples sénégalais et français?

Conclusion ? En ce qui me concerne, je considère mon triple héritage : wolofo-négro-africain ; islamo-arabe, et afropéen-occidental, comme une richesse. Que je travaille à transmettre. A mes enfants comme à ceux des autres quand ils m’approchent et me fréquentent.

Notre paysannat : des intermittents de l’agriculture et des monocultures ?

La seule France à laquelle je continue d’en vouloir un peu, ce n’est pas le peuple français. C’est à la France officielle quand elle a été incarnée par Sarkozy, que j’en veux (un peu, disons..) Mais ce dirigeant français est bien puni par la justice de son pays depuis lors et il n’en a pas fini d’ailleurs : Nicolas Sarkozy, pour son fameux discours de Dakar écrit par Claude Guéant et son « paysan africain qui n’est pas assez entré dans l’Histoire, répétant les mêmes gestes millénaires…(!!!) ».

Il est bien dommage que sa Secrétaire d’Etat aux Droits de l’Homme Rama Yade qui était dans l’amphi de l’UCAD ce jour-là, n’ aie pas giflé Sarkozy. Elle a avoué, Ndèye Ramatoulaye Yade, dans une interview ultérieure, y avoir pensé, à gifler le Petit Nicolas transgressif.

Mais bon, avec le temps qui a passé et moi qui vieillit : le mari de Carla Bruni avait-il totalement tort ?

Je m’explique : Nous entrons dans l’hivernage avec ses pluies torrentielles et ses gros nuages noirs qui ne finissent pas toujours en averses. Et pour quatre mois seulement, notre paysannat c’est-à- dire 70% de notre population travaillera la terre. Pour quatre mois. Et avec les pluies comme seule « technologie ». Sans autres techniques agraires que d’attendre les gros nuages et les fortes pluies. Pour une monoculture, l’arachide, dont on ne peut, depuis 65 ans, ni négocier le prix selon les règles du libre jeu du marché, ni donc en faire une spéculation lucrative.

Cela n’en fait-il pas, pour le minimum, de notre paysannat, des « intermittents de l’agriculture et des monocultures » ?

Ce n’est pas comme cela qu’on développera ce pays, notre pays, le Sénégal. Avec ou sans ‘l’Afrance’. Le temps fait toujours le tri. C’était : si près, si loin avec la France.

Ousseynou Nar Gueye est éditorialiste (RFI et BBC Afrique) et auteur de tribunes (Jeune Afrique), Directeur Général de Tract Hebdo et de Tract.sn, Directeur Général d’Axes et Cibles Com et de Global Com International, Président d’ ‘‘Option Nouvelles Générations – Woornë Niu Gérer’’ (Majorité Présidentielle Jub, Jubbal, Jubbanti), vice-Président de RAPPELS (Réseau des Auteurs et Producteurs de la Presse En Ligne du Sénégal).

ogueye@axes-et-cibles.com

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